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Florence, février 1497. Une foule inquiète. Des émeutes. Les Médicis ont été bannis ; le pouvoir a changé de mains ; qui songerait encore à fêter le carnaval ?
Des enfants parcourent les rues en brandissant des croix rouges. Appuyés par la milice, ils pénètrent dans les maisons, arrachent leurs parures aux femmes, saccagent les oeuvres d'art, pillent les bibliothèques. Sur la place de la Seigneurie, des hommes dressent un bûcher. Le moine Jérôme Savonarole hurle dans la cathédrale : Voici que le glaive céleste s'abat sur la terre !Mais des voleurs se sont glissés dans les rangs des petits inquisiteurs. Mais l'opposition politique s'organise. Mais l'épouse d'un marchand ruiné s'est éprise d'un érudit byzantin qui saura tirer parti de la situation : ils prépareront ensemble une prodigieuse mystification.
« Pour un Carnaval, ça allait être un drôle de Carnaval, un Carnaval comme Florence n’en avait encore jamais connu. »
Serge Bramly nous emmène quelques heures à Florence, la ville musée, symbole de la Renaissance, et porte-drapeau du Quattrocento italien triomphant.
On y arrive en février 1497, quarante ans après l’invention de l’imprimerie et quatre ans après la découverte de l’Amérique. C’est la semaine du Carnaval, un carnaval très particulier car en 1497, les Médicis ayant été chassés, la ville est devenue, sous la conduite du moine Savonarole, une dictature théocratique avec toutes les réjouissances qu’un tel gouvernement peut apporter : par exemple, transformer les chérubins en inquisiteurs, y compris avec leurs parents :
« On célébrait des messes, les cloches sonnaient; et la marmaille de Florence, travestie en cohorte céleste, docile et bornée, beuglant des psaumes et traînant les pieds dans la boue, s'en allait traquer les vanités afin de les livrer aux moines. »
Des femmes « de mauvaise vie » sont lapidées, des artistes (et non des moindres comme Boticelli) apportent eux-mêmes certaines de leurs œuvres au Bûcher des Vanités (hello Tom Wolfe) dressé sur la Piazza della Signoria. Les dénonciations fleurissent, les slogans aussi. Le principal sert de sésame : « Au nom du Christ, roi de Florence »… les miroirs, les parfums, les bijoux, les soieries et les livres sont confisqués puis conduits au bûcher. Les prêches s’enflamment, les esprits également et, le jour de mardi gras, c’est le bûcher qui, à son tour, s’embrase devant une foule aussi compacte qu’excitée. Nous sommes assez éloignés de l’image traditionnelle de Florence, cité prospère et cultivée, joyau de la Renaissance, mécène des artistes.
« Avec son grand nez, ses joues creuses et son menton en galoche, Savonarole évoquait un vilain oiseau. Oui, on eût dit un oiseau noir sur un arbre. Il se tenait entre terre et ciel, dressé par-dessus le pupitre qu’il martelait du poing, le capuce jeté en arrière, et il pointait un long doigt sec vers l’auditoire ou bien brandissait son crucifix de laiton à la manière d’un sceptre et sa voix jaillissait alors claire comme l’eau des montagnes… Il était le maître de la ville. « O Florence, disait-il, o Florence, si je pouvais tout te dire ! » Or il pouvait. Il employait le langage que comprenait chacun, il montrait la fin, il montrait l’ignominie de la pourriture. »
On retrouve avec plaisir la grande érudition de l’auteur, sa documentation soignée et son style qui fait mouche dès les premières lignes pour planter un décor :
« Le ciel se dégageait. Le vent ouvrait des brèches claires dans les nuages. Un triangle bleu apparut au fond d’une trouée, et les collines de Fiesole, de San Domenico, de Maiano sortirent de la brume. De longues traînées flottaient au fond de la vallée, d’un rose crépusculaire. Des cloches se mirent à sonner ensemble ; leur carillon semblait proclamer la défaite de la pluie. Alors la lumière se fit limpide. » Ou quelques lignes plus bas,…
« Avant le Carême, lui avait expliqué un berger d’Oletta, Dieu fait le ménage. Il lave son plancher à grande eau : c’est la pluie. Il déplace ses meubles pour tout nettoyer en-dessous : c’est le tonnerre. Tout brille dans sa maison : c’est l’éclair. Et aussi : les hommes s’amusent pendant ce temps, car nul ne les surveille. »
Il faut lire ce roman pour s’immerger dans cette époque fascinante, qui, si on y songe, ne semble pas tellement éloignée de notre inquiétant présent. L’intrigue, bâtie autour d’un lettré byzantin, dont je ne dirai rien est malicieuse, mais n’est qu’un habile prétexte à explorer cette page d’histoire qui méritait vraiment d’être tirée de l’oubli. C’est aussi une invitation à découvrir Florence, et à aller, au sortir du musée des Offices, méditer quelques instants devant la plaque commémorative de la fin tragique de Savonarole. Tentant, non ?
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