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Voyez-vous, ma mémoire est prodigieuse et infaillible, tout s'y grave à jamais, les visages, les prénoms, les dates, les lieux, indélébiles, et il va de soi que je ne m'enorgueillis nullement de cette faculté, c'est comme cela, ainsi je me rappelle ces événements-là comme s'ils s'étaient produits hier. Vous savez, la hiérarchie des souvenirs n'est pas fonction du temps passé. Il n'y a pas de temps là-dedans. C'est la puissance de l'impact qui imprime plus ou moins profondément la mémoire et peu importe le moment de cet impact. Une parole entendue à l'âge de sept ans, j'aurais pu dire huit ans ou bien neuf ans, une parole entendue dans la prime enfance peut résonner, fraîche, cinquante ans après.
Nous sommes ainsi faits.
Ce joli livre « La confession de Simon Lapierre » d'Eric Martinet m'a été offert par Bérengère Pont de la, encore confidentielle, maison d'éditions « L'ire des marges », installée à Talence en Gironde. Avant de vous faire part de mon impression de lecture, je tenais à l'en remercier. Elle m'a permis de découvrir un roman qui ne serait sans doute jamais tomber dans mes mains autrement.
L'histoire est très courte, 13 pages rédigées pour un livre qui en contient 20, et pourtant de nombreux thèmes y sont abordés, avec une extrême finesse. J'ai aimé qu'en filigrane, l'auteur évoque le phantasme du crime parfait. J'ai été agréablement surprise par la mise en abyme par laquelle il déroule sa trame et j'ai particulièrement été séduite par les jeux de miroir qui se tissent entre l'auteur, le lecteur, le personnage de l'écrivain et le narrateur dépositaire de son secret.
Cet ouvrage est moins qu'un roman et plus qu'un livre ! Même s'il n'en a pas la couleur, je l'ai immédiatement associé aux carnets de Moleskine, compagnon de route de Louis-Ferdinand Céline Stéphane Mallarmé ou Guillaume Apollinaire. J'imagine facilement, Eric Martinet avoir écrit, raturé, rajouté les premiers mots de son histoire sur les pages blanches d'un tel support.
Je n'avais aucune idée de la cible de cette maison d'éditions, mais suis ravie d'en avoir été l'une d'elle, même un peu accidentellement. J'ai adoré la délicatesse de l'ouvrage qui pousse l'élégance de la reliure en un double cordon rouge. C'est un objet-livre dont la grâce du récit se marie délicieusement avec sa forme esthétique.
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