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Dans la première partie du Journal de Jacques Copeau (1879-1949), ce fils d'un marchand de boucles et agrafes du faubourg Saint-Denis, encore mal dégagé de son enfance, purgeant sa jeunesse solitaire, s'engage avec passion dans la vie à la recherche de ce qui lui fait défaut : un « milieu » et une « culture ». Après la mort de son père, il se dresse contre une famille stérilisée par sa « débilitante mère » et choisit de vivre, dès l'âge de vingt-trois ans, avec Agnès, une jeune Danoise dont il aura bien vite un, deux, puis trois enfants. Introduit dans le monde du théâtre par Georges de Porto-Riche, il se met à fréquenter, avec une intense curiosité et une « lucidité excessive », les foyers, les générales, les auteurs et les actrices ; il travaille alors le jour dans une galerie d'art et rédige le soir, après le spectacle, des critiques dramatiques et des pièces de théâtre.
Peu de temps après avoir lu Les Nourritures terrestres, Jacques Copeau fait, en avril 1903, la connaissance d'André Gide, son aîné de dix ans : « Nos angoisses s'accordent et nos intelligences communient », constate-t-il d'emblée.
De nombreux séjours à Cuverville, des voyages à Londres, à Jersey, en Espagne, renforcent leur «salutaire» amitié d'avant-guerre. Et Gide, en 1905, évoquant son ami qui vient de lui lire des pages de ce Journal, écrit : « Tout, en lui, gagne à être connu, expliqué, ne fût-ce que par lui-même. » La création de La Nouvelle Revue Française en 1908 avec Gide, Drouin, Schlumberger, Ruyters, Ghéon, le succès de son adaptation des Frères Karamazov en 1911, la fondation du théâtre du Vieux Colombier en 1913, achèvent de révéler la « fermeté intellectuelle » de Copeau. Les écrivains de sa génération tiennent alors pour leur futur pair cet esprit clairvoyant, sensuel, « inconstant par profusion », que l'on découvre à l'oeuvre ici. Mais Jacques Copeau est d'abord tout entier attaché à révolutionner l'art dramatique et la mise en scène, en ralliant à son combat moral et esthétique des acteurs comme Louis Jouvet, Charles Dullin, Valentine Tessier. Arrive la Grande Guerre qui casse son élan : c'est le temps de la mort de Péguy et d'Alain-Fournier, le temps de la réorganisation des valeurs et des désirs de la maturité enfin : « Je comprends à quel point je ne fais que commencer, écrit-il le 30 novembre 1915. Tout est à reprendre, à refaire. Tout entre en oeuvre. [.] Que l'amour de la vie, l'amour de l'action ne me fassent pas passer à côté de tout. »
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