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Au chevet de sa mère mourante, Viviane observe avec tendresse ce corps aimé qui, au fil des jours, s'éteint. Durant cinq jours, dans une atmosphère particulière, dense et sereine, Viviane repense à la vie de sa mère, Marianne, à celle de Réjeanne, sa grand-mère, puis à des moments de sa propre vie. Ces différents récits dans lesquels se lit en filigrane l'histoire, souvent ignorée, du Québec depuis la fin du XIXe siècle, s'entrecroisent et s'enrichissent mutuellement, dessinant une matrilignée discrète et forte.
À eux se mêle l'histoire d'Anne qui, au XVIIe siècle, alors qu'elle n'est encore qu'une toute jeune fille, décide de prendre sa vie en mains et de quitter la France pour venir au Québec, fonder tout à la fois sa propre famille et construire un pays. Cette fille de roi, lointaine aïeule, devient ainsi la figure fantasmée de la première d'entre elles, comme l'origine de cette lignée de femmes.
Dans ce roman à la sensibilité aiguisée et se gardant de tout pathos, Lise Gauvin, touchant des liens profonds, dresse un portrait de plusieurs générations de femmes. Elle révèle avec pudeur des personnages aux destinées et personnalités complexes et bienveillantes. Ainsi, comme un cadeau, les derniers mots de Marianne mourante adressés à sa fille : « Et toi, comment vas-tu ?».
« Ma mère a toujours été très soucieuse de son apparence. Elle agençait ses vêtements avec un sens esthétique sûr, hérité de ses talents de peintre. Je l'avais amenée en promenade au jardin et avais pris une photo d'elle entourée des feuillages de l'automne. La qualité de la lumière, le décor automnal, les contrastes de couleur avaient transformé cet instantané en un portrait particulièrement réussi. J'étais partie rassurée pour ce court voyage. Nous nous reverrions dans un avenir prochain. » L.G.
Vivianne vient au chevet de sa mère mourante. Ces cinq derniers jours, elles les passeront l'une à côté de l'autre, la mère Marianne, réagissant de moins en moins aux sollicitations de sa fille. Dans les moments de calme, Vivianne repense à sa jeunesse, à la vie de sa mère et de sa grand-mère Réjeanne. C'est aussi l'histoire d'Anne, l'aïeule, née en France au mitan du 17ème siècle, orpheline très tôt, qui décidera, encore jeune fille de quitter son pays pour le Québec, fonder sa propre famille et construire le pays. C'est elle l'origine de cette lignée de femmes ici racontée.
Replaçons dans l'ordre : Anne née vers 1651, Réjeanne née en 1892, Marianne en 1917 et Vivianne en 1940. Dans des chapitres qui alternent, Lise Gauvin les narre, le "tu" pour Réjeanne, le "elle" pour Marianne et Anne -qui finit avec le "je"- et le "vous" pour Vivianne, sauf dans la partie où elle est au chevet de sa mère. Le tout pour un roman qui est très construit, très fluide et très beau. Elles se racontent aux mêmes âges, cinq ans dix ans, quinze ans et puis ensuite femmes mariées et mères. Et nous de constater l'évolution, le changement des sociétés, des mentalités, des mœurs. C'est aussi l'histoire du pays, de Québec que décrit Lise Gauvin de sa construction à l'époque contemporaine. Le difficile combat des femmes pour leurs droits : "Décembre 1927. Les commémorations du soixantième anniversaire de la Confédération canadienne ont eu lieu au cours de l'été, radiodiffusées à travers tout le pays. A Ottawa, un groupe de cinq femmes demande au gouvernement de préciser si le mot "personnes" inscrit dans un des articles de la Constitution à propos des postes au Sénat, inclut ou on les femmes. La Cour Suprême, à Ottawa, se prononce par la négative." (p.39)
Un roman qui montre bien qu'un pays, contrairement à ce qui a longtemps été dit, n'est pas construit que par les hommes. Cette lignée de femmes a dû batailler pour accéder à des droits. Le roman de Lise Gauvin n'est pas revendicatif, il montre. Il décrit surtout des femmes bienveillantes, des femmes pudiques et fortes. Tout en subtilité, en sensibilité l'autrice dresse de beaux portraits. Le texte est très beau, absolument pas dépressif, même si l'on veille une mourante dans certains passages, ce sont même peut-être les plus beaux, qui bénéficient d'une police de caractère particulière. Bref, passer outre ce livre serait une erreur tant il est fin, beau et délicat.
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