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De la notion d'espars - longs morceaux de sapin qui servent à construire des mâts -, Sébastien Cagnoli tire un poème oulipo-épique - mais peut-être est-ce une épopée de cap et d'épées ? - évoquant une traversée de Villefranche à Cagliari sous Victor-Amédée III, âge d'or de la marine de Savoie dans le comté de Nice. Fluctuant et imprévisible, mais sans rien d'aléatoire, son « mètre irrationnel » obéit à des lois mathématiques issues de la nature, tel le rythme des vagues. La réalisation de ce projet d'écriture très musical n'aurait pas été possible avant les performances atteintes par les ordinateurs depuis les années 1960. Il se prête aujourd'hui à merveille aux illustrations de l'Atelier du zef d'Elza Lacotte.
Le récit ci-après s'est accompli lors des grands voyages de mon père il me l'a dit il me l'a raconté c'est vrai c'est réel n'est ni rêve ni mensonge car mon père il a longtemps servi comme matelot dans la marine et le soir à Villefranche il disait il racontait ceci là
« Espars » Haut les cœurs et les voiles !
Un bel objet livre raffiné, dont le plaisir en main est un bel escompte hyperbolique du futur. Tant pour le format, la topographie, les illustrations surdouées d’Elza Lacotte. Sachez avant tout que si vous avez un cadeau rare, précieux à faire, ce livre est pour vous et pour tous.
Larguez les amarres et puisqu’il est l’heure du voyage, écoutez Sébastien Cagnoli conter « Espars » ce long poème épique dont la beauté donne des frissons.
Ce serait comme une mappemonde dont votre doigt désigne la force des courants. L’envergure des mathématiques, épicentre de cette épopée maritime. « Espars », longs morceaux de bois, canopée qui assigne l’endurance et les voiles lianes. L’écriture comme un chant, l’appel de la mer, la septième vague et l’horizon à perte de vue. Le rythme balancé, la rémanence comme le chant des sirènes. Voguer de « Villefranche à Cagliari » sous le règne de Victor Amédée III, (1726-1796), roi de Sardaigne, Prince de la Maison de Savoie. La marine de Savoie en apogée. Dire combien la navigation sera un emblème et l’idiosyncrasie maritime. C’est un jeune mousse qui prend la parole, la litanie d’eau, de sel et de vent. L’expérience comme l’aube nouvelle, la cartographie des apprentissages comme preuve d’émancipation.
« Mère chérie/notre vaisseau part demain/chantaient les marins/ à l’ombre de leurs volets de bois…/mais Saint Elme/gardera les marins qui s’en vont/qui/ vont au-devant des vents turbulents ».
Le poème est une corde à nœuds. Un souffle perpétuel, vivifiant et onirique. C’est en cela que ce chef-d’œuvre est vivifiant, puissant et fondé. Rien n’est laissé dans le hasard. Pas de vaisseau fantôme, mais un alliage de concorde, de ténacité et de bravoure. Ici, bat le cœur des marins et la loi du monde. L’homme perfectible, le marin qui doute, la magnificence d’un poème « où nous sommes/est/un endroit lourd de solitude/endroit/ où l’on se retire/endroit/de solitude collective/solitude de l’entrepont/observant les étoiles/on égrène là son chapelet/et l’on songe ».
Écoutez encore : « Il n’est pas triste/ il/n’est pas vindicatif/le petit matelot barbaresque ».
Le poème franchit l’écume, le temps figé, en diapason de l’émoi de l’instant. Retenir les espars comme des rais de lumière sur la mer « logarithmique ». Le texte d’embruns et de souffles est la concorde et le mimétisme. L’intransigeance des batailles pour la vie. Les dangers sont des épreuves pour s’émanciper. On est en transmutation, le regard front de mer, marin devenu, dans un corps à corps avec l’esprit même de ce livre immense et capable. Les rituels comme les mains qui enserrent le gouvernail. Frémissement d’une époque où « le charisme et l’autorité/sont des qualités indispensables/pour/pour gouverner/ deux cents hommes cueillis enrôlés/cueillis aux quatre coins du royaume ».
Sachant manier l’opératif, sa nef et ses espars. Le spéculatif, ce que la mer laisse comme langage arithmétique et comme hyperbole. Intrinsèque, les miscellanées comme des révélations. « Et le garçon qui débute/est semblable en tout point/à l’homme savant/ qui en fait/n’en sait pas davantage/n’en sait guère davantage/sachant/davantage ce qu’il ignore/tandis que le jeune apprenti/ignore ce qu’il sait ».
Le poème est un envol au-dessus des vagues. Ici, tout est place, en frémissement, prêt à éclore. À octroyer la chance d’une littérature exceptionnelle, régénératrice et parabolique pour celui ou celle qui lira avec attention, à voix basse ou haute, pour lui ou elle-même, pour l’enfant, cette myriade maritime, poème épique en mètre irrationnel.
« Que faut-il croire ? Les mathématiques/où l’énigme qui s’offre au regard ? ».
Prenez soin de ce livre né depuis des millénaires. Vous saurez alors que le mystère est un passage entre mer et terre. « Espars » l’intimité d’une langue vaste jusqu’au ciel. Ce poème est une navigation stupéfiante, stimulante et qui excelle nos sens. Une fresque maritime époustouflante tant par ses tracés marins que ses latitudes. « Espars » éminent.
« travail accompli/dans un souci d’efficacité/autant que de beauté/deux choses inséparables ».
Sébastien Cagnoli a obtenu le Prix méditerranée « Poésies » 2023.
Publié par les majeures Éditions Le Ver à soie. À noter une splendide première de couverture d’Elza Lacotte de l’Atelier du Zef.
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