Quels sont les livres qui vous ont le plus fait voyager, vibrer, rêver ?
La vérité de cette histoire est morcelée, incomplète, inachevée dans le temps et dans l'espace. Elle passe par les colons implantés en Indochine pour y exploiter les terres et les forêts. Par les hévéas transplantés et incisés afin de produire l'indispensable caoutchouc. Par le sang et les larmes versés par les coolies qui saignaient les troncs. Par la guerre appelée «du Vietnam» par les uns et «américaine» par les autres. Par les enfants métis arrachés a` Saigon par un aigle volant avant d'être adoptés sur un autre continent. C'est une histoire d'amour qui débute entre deux êtres que tout sépare et se termine entre deux êtres que tout réunit; une histoire de solidarité aussi, qui voit des enfants abandonnés dormir dans des cartons et des salons de manucure fleurir dans le monde entier, tenus par d'anciens boat people.
Avec ce livre, Kim Thu´y nous découvre, au-delà des déchirements, l'inoubliable pays en forme de S qu'elle a quitté en 1975 sur un bateau.
Quels sont les livres qui vous ont le plus fait voyager, vibrer, rêver ?
J'avais d'abord repéré cette très belle couverture, assez sobre, avec tous ces fils rouges emmêlés. Puis j'avais vu deci delà quelques avis sur d'autres livres de cette auteure, il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité. J'avoue aussi que le fait que ce soit un petit livre à lire rapidement a achevé de me décider.
Et j'ai bien fait ! Car ce livre, si petit soit-il par sa taille mérite bien sa place dans la cour des grands.
L'auteure nous dresse à travers différents portraits d'hommes, de femmes et d'enfants, un tableau du Vietnam pendant et après la terrible guerre qui l'a déchiré. C'est une lecture poignante qui ne peut pas laisser indifférent.
Les chapitres sont très courts, de 1 à 3 pages pour la plupart, et pourtant cela suffit à ce que l'on s'attache aux personnages dont les liens petit à petit se dévoilent (et cela n'est d'ailleurs pas sans rappeler les fils de la couverture du livre). le style est particulier, assez sobre, l'écriture est très travaillée et chaque phrase a du sens : je suis complètement charmée.
J'essaie volontairement de ne pas trop en dire car c'est, à mon sens, un livre qui se découvre. Je ne peux que vous inciter à vous laisser tenter, comme je l'ai fait.
Je suis désormais très curieuse de découvrir les autres romans de Kim Thúy. Pour ceux qui l'on déjà lue, avez-vous un titre en particulier à me conseiller ?
Un roman court mais riche et dense.
De manière poétique, l'auteure entrelace des destins marqués par la guerre du Vietnam.
Des massacres, des viols, des exterminations, des boat people, des orphelins, un pays scindé en deux, des enfants déracinés, quelques sauveurs et des soldats aussi victime parfois.
Au gré de la lecture, aucun sentiment de haine ou de vengeance mais le désir d'être factuelle de montrer, souvent brutalement, la noirceur des événements.
Un roman qui se lit le souffle coupé.
En 1973, le photographe Chick Harrity émut l’Amérique avec une image prise pendant la guerre du Viêt Nam : une toute petite fille endormie dans une boîte en carton, donnant la main à son frère couché à ses côtés dans une rue de Saigon. Ces deux orphelins ont inspiré à Kim Thuy les personnages de cette histoire : Em Hong, bébé abandonné recueilli par Louis, lui aussi enfant des rues de Saigon, évacués de la capitale au cours de l’opération Babylift qui, en 1975, envoya aux Etats-Unis trois mille enfants vietnamiens, orphelins de guerre ou nés de GI‘s.
L’histoire d’Em et de Louis, adoptés puis devenus adultes en Amérique, est l’occasion de nous plonger dans la guerre du Viêt Nam, en une série de flashes où resurgissent tour à tour l’exploitation des coolies dans les plantations d’hévéas de l’Indochine française, le massacre de My Lai jugé plus tard comme « l'épisode le plus choquant de la guerre du Viêt Nam », les épandages d’agent orange - ce défoliant qui empoisonna durablement les populations locales -, et enfin le sauve-qui-peut et l’évacuation d’enfants lors de la prise de Saigon par les communistes.
Chaque scène est marquante et comporte son lot d’émotions. Les mots de Kim Thùy alignent une série d’images fortes qui n’ont rien à envier à la photographie à l'origine de ce livre. Pourtant, le ton est calme, presque apaisé, sans rancune ni colère. Car ce qui l’emporte dans ces pages est au final l’affection tendre contenue dans le mot em : « petit frère » ou « petite sœur », homonyme du mot « aime ». Du carton de la photographie à la boîte pleine de fils de la couverture illustrée par l’artiste canadien Louis Boudreault, l'accent est mis sur les liens d’amour entre deux enfants qui, par delà la guerre et les continents, tissent peu à peu la toile de leur résilience.
Cette lecture m’a ramené à l’esprit la vaste fresque quasi documentaire Sud lointain d’Erwan Bergot, mais aussi le terrifiant Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, qui débouche sur l’infinie culpabilité de faire partie des survivants. Kim Thùy a, elle, choisi de s’attacher à la part d’humanité sauvée de l’enfer, dans une narration éclair, ciselée jusqu’à l’épure, d’une rare et bouleversante intensité.
Le fond est intéressant et m'a donné envie d'en apprendre davantage sur la Guerre du Vietnam et notamment sur le sort réservé aux enfants métis, nés d'un père américain et d'une mère vietnamienne, ces orphelins qu'on appelle « poussières de vie » en vietnamien. Les références historiques, nombreuses, côtoient la fiction, mais une fiction tout de même inspirée de nombreux témoignages. Kim Thúy n'a pas cherché à retranscrire la vérité, comprenant vite que c'était impossible. L'effleurer tout au plus, oui, en tout cas en offrir quelques bribes. Ces bribes, ce sont chacun des courts chapitres présents dans ce roman et centrés sur une panoplie assez complète de personnages. Certains passages sont très poétiques, d'autres très factuels. J'ai personnellement été désappointée par ce style que je n'ai pas véritablement réussi à définir et j'ai regretté de sentir parfois une certaine froideur alors même que je sais quelle force il a fallu à Kim Thúy pour écrire et dépasser l'émotion brute qui aurait pu paralyser son écriture. L'aspect décousu de l'ensemble ne m'a pas donné l'occasion de m'attacher énormément aux personnages, mais je comprends néanmoins ce que cette forme si particulière symbolise. Kim Thúy elle-même la commente à la page 136 : « J'ai cherché à tisser les fils, mais ils se sont échappés pour rester sans ancrage, impermanents et libres. Ils se réarrangent par eux-mêmes selon la vitesse du vent, selon les nouvelles qui défilent, selon les inquiétudes et les sourires de mes fils. » À l'occasion, je lirai Ru paru en 2009, qui semble avoir eu un beau succès.
Glaçant mais nécessaire!une construction narrative originale autour des personnages...
Em, petit frère ou sœur « J’aime à croire que le mot em est l’homonyme du verbe aimer en français, à l’impératif : aime. Aime. Aimons. Aimez »
Jolie phrase en exergue de ce livre qui parle de guerre, entre autre.
Kim Thuy nous en informe : « Je vais vous raconter la vérité, ou du moins des histoires vraies, mais seulement partiellement, incomplètement, à peu de chose près. » Impossible de connaître toute la vérité sur cette guerre entre la comptabilité implacable américaine et le chaos, voire le génocide, vietnamien
« Les larmes de l’arbre » qui apprécie le climat vietnamien est la cause de la colonisation du pays par la France qui le considère comme une usine à ciel ouvert et supprime une grande partie de la forêt pour y planter l’hévéa. Les autochtones sont asservis à l’arbre et à l’européen.
« Mai avait la peau cuivrée des coolies, et Alexandre, la posture du propriétaire roi en son domaine. Alexandre a rencontré Mai dans la colère. Mai a rencontré Alexandre dans la haine » Mai travaille dans la plantation d’Alexandre. Elle devait le tuer, il devait l’exploiter… ils ont une histoire d’amour avec comme fruit une petite Tâm
« La naissance de Tâm, l’enfant du maître et de son ouvrière, de deux ennemis, avait pourtant quelque chose de banalement quotidien. »
En petits chapitres, comme des tableaux, ce livre raconte, sur trois générations, la guerre que les vietnamiens appellent « américaine » et les américains, la guerre vietnamienne. Les titres font penser à un pas de deux, à la chaîne anglaise où l’on passe d’un partenaire à un autre.
L’écriture ciselée, très précise, les mots choisis, les phrases écrites, réécrites (c’est Kim Thùy qui nous le dit) n’enlèvent rien à l’évocation de la guerre ses atrocités et ses petits miracles (comme le soldat américain sauvant Tâm). Il n’y a plus de gras, juste l’essentiel, pas de lamentations. Ce qui peut prêter à de la sécheresse est, pour moi, une marque de respect qui ne ressemble en rien à du Bisounours. Les mots sont justes, et laissent entrevoir les atrocités sans jamais s’appesantir sur des descriptions scabreuses, mais, l’atrocité est là, bien là. Les symboles sont très présents comme le bouillon de phó. La résilience, le travail, l’entraide, la pugnacité ont permis à la génération « boat people » de faire nid et souche aux USA.
La très belle couverte prend tout son sens à la lecture du livre. Les boîtes en carton, tout un symbole.
Un choc, des chocs, des mots, une économie de mots, peu de mots pour un choc !
Des témoignages bruts, exprimé en très très peu de mots que je ne cite pas pour que vous, futurs lecteurs, les découvriez vous aussi, que vous les preniez en pleine figure, comme moi !
Un petit livre, joli , en papier vélin on dirait, un titre, tout simple, expliqué à l'intérieur, un fil qui court tout au long du livre, de page en page , de la première à la dernière et qui vous mène par le bout du nez.
L'histoire, les histoires plutôt se déroulent au Vietnam, et au Canada, sur 50 ans ou même 70 , c'est NOTRE histoire aussi même si nous ne sommes pas vietnamiens.
C'est bouleversant par la qualité du récit ; cette auteure est fabuleuse ! Elle part de témoignages de vietnamiens vivant encore, ils sont âgés de 90 ans et plus, ils ont réellement vécu ces événements, ils ont survécu surtout, dans quel état ! Et leur pays, si petit, coupé en deux pendant la guerre froide, lui aussi a survécu mais dans quel état !
De l'amour, beaucoup, de la violence, trop, de la résilience, enfin et la vie par dessus tout !
Une langue extraordinaire, des mots choisis un à un, des images au delà de l'imaginable, une précision de dentelle, surtout ne rater aucune page, on a besoin de chacune d'entre elles pour comprendre le lien qui court .
Puis, comme moi, vous reprendrez le livre pour déguster chaque mot, relirez les informations données à la fin, et vous resterez cois, sans voix !
Et puis vous vous direz « pourquoi n'en parle-t-on pas », « pourquoi ne les entend on pas, ces vietnamiens ? »
puis.. vous écouterez l’interview de l'auteure et vous comprendrez !
Bonne lecture
que mon amie Elisabeth soit remerciée pour ce cadeau sans nul autre pareil!
Au Vietnam, le mot em sert à dire sa tendresse, sa délicate attention pour l’autre, plus jeune ou plus âgé. Dans un square de Saigon, sous un banc, un bébé a été abandonné. Louis, orphelin métis, de quelques années son aîné, le couche dans une grande boîte en carton. Il l’appelle Em Hong, « petite sœur » Hong. Louis prendra soin d’elle jusqu’à ce qu’ils soient séparés, lors de l’opération Babylift, au printemps 1975, qui évacue peu avant la chute de la ville les orphelins de guerre et enfants nés de GI’s. Sans le savoir, ils auront des vies parallèles, celles d’enfants américains adoptés. Ils ignorent ce que leur existence doit à la multitude de destins brutalisés avant eux dans le long conflit vietnamien. Em, c’est le fil qui relie les ouvriers des plantations de caoutchouc en Indochine aux femmes des premiers salons de manucure en Amérique du Nord. Ce sont les liens d’amour et de haine entre les vies brisées de la « guerre américaine ».
Dans ce roman, Kim Thúy noue des histoires vraies, pleines d’images fortes, méconnues ou aussi célèbres que la photo prise à My Lai. Sa prose lyrique et sobre nous embarque dans une traversée bouleversante de l’Histoire.
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