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Le 22 mars 2023, l'Académie suédoise a organisé une conférence sur les facteurs menaçant la liberté d'expression et la démocratie. Les intervenants étaient entre autres Arundhati Roy, Timothy Snyder et Sofi Oksanen, dont le discours s'intitulait La guerre de Poutine contre les femmes.Ce discours a suscité un si grand intérêt dans le public que Sofi Oksanen a décidé de publier un essai sur ce sujet, pour approfondir son analyse tout en abordant d'autres thèmes.L'idée dévelopée par Sofi Oksanen est la suivante : la Russie ressort sa vieille feuille de route en Ukraine - comme l'impératrice Catherine la Grande en Crimée en 1783, et comme l'URSS et Staline par la suite, à plus grand échelle et en versant encore plus de sang. La Russie n'a jamais tourné le dos à son passé impérialiste. Au contraire, le Kremlin s'est efforcé de diaboliser ses adversaires, s'appuyant ensuite sur cette propagande pour utiliser la violence sexuelle dans le cadre de la guerre et pour déshumaniser les victimes de crimes contre les droits de l'homme. Dans la Russie de Poutine, l'égalité est en déclin. La Russie réduit les femmes au silence, utilise le viol comme une arme et humilie ses victimes dans les médias en les menaçant publiquement de représailles.Un essai coup de poing par l'une des grandes autrices européennes contemporaines.Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
Mon attente du prochain titre de Sofi Oksanen a été récompensée par cet essai, publié en novembre dernier chez Stock, que j’ai lu d’une traite : il traite des violences sexuelles commises par les Russes et Poutine en grande partie à travers la guerre menée à l’Ukraine depuis Maidan en 2014, mais pas seulement. Si vous avez lu l’un des romans de l’autrice finnoise, notamment Purge ou Le parc à chiens, cela ne vous étonnera pas qu’elle évoque l’Ukraine et la condition féminine au centre de la guerre et de ses exactions, c’est un sujet qui lui tient à cœur, il la concerne à travers l’histoire de sa famille et évidemment, par le fait d’être une femme. C’est un essai qui se lit très aisément, et avec une certaine appétence, d’autant mieux qu’il est très abordable, bien écrit, très didactique et truffé de références dans les domaines traités.
À mon grand tort, j’ai peu l’habitude d’évoquer les sous-titres, à vrai dire, je ne sais jamais où les caser. Celui-ci est pourtant d’importance, La guerre de Poutine contre les femmes, puisqu’il permet de véritablement cerner les sujets traités et la perspective traitée, celle de l’envahisseur et dictateur, Vladimir Poutine. Les couleurs de la couverture confirment encore davantage, si cela était encore nécessaire, la prise de position de l’autrice. On n’attendait pas à moins de la part de Sofi Oksanen, autrice et féministe engagée. Cet essai naît du propre discours prononcé par l’autrice à l’occasion d’une conférence organisée par l’Académie suédoise le 22 mars 2023 portant sur les dangers auxquels la liberté d’expression et la démocratie sont aujourd’hui confrontés.
Cinq grandes parties divisent cet essai : s’il s’appuie avant tout sur la guerre en Ukraine qui se déroule en ce moment même, c’est pour mettre en exergue ces crimes qui touchent les femmes en particulier, même si les hommes ne sont pas exempts des agressions sexuelles et tenter de mettre à jour les méthodes de domination et de contrôle du président russe. Sur ses citoyens, ses voisins que sont les anciennes républiques soviétiques, sur l’Europe orientale et occidentale, et le reste du monde. Le dernier chapitre consacré aux méthodes utilisées pour manipuler et influencer l’opinion publique se détache un peu du reste du récit, il est cependant nécessaire pour comprendre l’ampleur de l’action de Poutine en Europe et ailleurs. L’essai s’appuie également sur l’histoire familiale de son autrice d’expression finlandaise, d’origine estonienne et ukrainienne : c’est celle-ci même qui introduit la réflexion de Sofi Oksanen, le souvenir de cette grand-mère devenue muette suite à son viol lors de l’occupation soviétique de l’Estonie. Une réflexion qui s’appuie sur son expérience, celle de milliers d’autres femmes à travers le temps et les guerres, on en a encore vu la preuve en octobre dernier avec le Hamas et le massacre du 07 octobre.
Les références bibliographiques de l’écrivaine finlandaise en fin d’ouvrage montrent que bien d’autres femmes se sont aventurées à parler du viol en tant que crime de guerre, à en évoquer les conséquences, et surtout à mettre en première ligne que ceux-ci sont souvent passés sous silence par les victimes, par les autorités, par l’histoire, sans parler des bourreaux. De fait, j’ai ressenti que cet essai comme une tentative de remettre les choses à leur place en mettant la lumière sur cette forme de torture qui touche toutes les femmes, en période de guerre, enfants jusqu’aux grand-mères. Rendre le fait qu’il n’y a pas de désir, si ce n’est celui d’anéantir son ennemi en souillant son intimité. Une méthode d’annihilation plus perverse, car elle détruit d’abord mentalement en chosifiant la personne violer. Une méthode utilisée par tous les dictateurs comme Poutine, qui ont peu d’égard pour le sexe féminin, car ils se complaisent et se revendiquent dans un conservatisme misogyne où les femmes sont victimes de violence domestique en toute légalité.
Attirer le regard et tendre l’oreille sur les victimes et leurs souffrances, leur rendre hommage par ce biais, alors que tortionnaires, patriotes russes, et même instances internationales tentent de passer sous silence les crimes, d’oublier, de dédramatiser, comme si rien ne s’était passé, comme si cette souffrance invisibilisée était inexistante. Elle anticipe d’ailleurs sur les jugements et condamnation. Deux fois dans le même fleuve, c’est une somme d’informations sur la manière dont les Russes commettent leurs crimes de guerre, au vu et su de l’occident, en Ukraine depuis l’invasion de la Crimée, et la fondation de ce qu’elle nomme les deux républiques fantoches de Donetsk et Louhansk, et rendue double par la nouvelle horde d’invasion en 2022 : amplifier le discours de celles et ceux qui s’attachent déjà à dénoncer cela, la cinéaste Alina Kovalenko, le journaliste Stanislav Asseïv qui témoigne de son calvaire dans cette prison nommée « Le Dachau du Donbas ».
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