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La narratrice, une enfant de onze ans, vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. Sa mère l'a abandonnée des années auparavant. C'est l'été dans cette vaste maison bordée d'un étang et d'un magnifique jardin. Le grand-père est en train de mourir dans une des chambres à l'étage, visité chaque jour par une infirmière. Cet homme autoritaire, distant, intimidant, est l'ombre manquante dans le jardin, espace de prédilection où sa petite-fille l'assistait dans ses occupations. Alors que la mort approche, autour de la fillette prennent place les différents protagonistes de ce lieu où la nature est souveraine : ses grands-parents bien sûr, les trois chiens, un jeune homme qui s'occupe des gros travaux, une baleine qui un jour a surgi dans l'étang. Elle rêve aussi d'un ailleurs qui pourrait être l'Alaska, la mer des Sargasses ou les Adirondacks.
Dans ce premier roman qui impressionne par sa sobriété et sa maîtrise, Zoé Derleyn interroge avec subtilité la manière dont se construit une filiation.
Une histoire sur l’enfance, il semble y avoir de la nostalgie de ces moments passés. Une histoire qui parle beaucoup de la nature, une jeune fille qui voue une véritable admiration à la nature et au jardin de ses grands-parents. Des sujets plus délicat font également partie de cette histoire, la maladie et la mort.
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On suit cette jeune fille l’été où son grand-père est touché par la maladie et meurt. Depuis que sa mère l’a abandonnée chez ses grands-parents, elle mène une vie très solitaire.
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Une jolie écriture très poétique et une jolie lecture.
La gamine a tout juste onze ans, et depuis l’âge de trois ans elle vit chez ses grands parents dans le Brabant flamand. Depuis que sa mère l’a posée là, comme une valise encombrante que l’on oublie vite.
Dans la ferme au bord de l’étang elle aime passer des heures les pieds dans l’eau, à nager, découvrir, tenter toutes les bêtises, toutes les expériences. c’est une enfant solitaire qui découvre la nature, le jardin, les animaux, les chiens, la vie auprès de la grand-mère si avare de mots, et du grand-père parfois dur avec la petite.
Mais les journées s’écoulent beaucoup plus lentement depuis que le grand-père est revenu de l’hôpital. Là haut dans son lit, il attend la mort. Regarde parfois par la fenêtre l’étang, les chiens, le verger, la vie.
Et elle de son côté continue ses découvertes, regrette tout ce que le grand père n’a pas encore eu le temps de lui apprendre, se remémore les souvenirs heureux, les peurs, la baleine, la pêche, les chiens, remonte le fil d’une courte vie déjà bien remplie au bord de l’étang. Une enfance solitaire, au plus près de la nature quelle explore sans relâche et sans contraintes et qui l’aide à grandir, faisant l’expérience de la mort, de l’abandon, de la peur. Dans ce monde où elle se crée des monstres et des rêves, des angoisses et des peurs, elle apprend la vie dans ce jardin empli de groseilles, cet étang empli de baleines et d’anguilles.
L’écriture est sobre, délicate, il s’en dégage beaucoup de douceur et d’empathie pour cette enfant qui grandit, cette adolescente qui se dessine. Il y a une vraie tendresse à la fois triste et poétique dans ce premier roman à la fois court et puissant, qui nous prend et nous tient jusqu’au bout, jusqu’à cette mort qui pourrait aussi être une seconde naissance.
chronique en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/03/20/debout-dans-leau-zoe-derleyn/
Une petite fille de 11 ans vit avec ses grands parents dans un maison au bord d'un étang. Cet étang est son domaine. Elle adore s'y rendre pour nager, barboter, être en osmose avec l'univers aquatique. Ses grands parents sont plutôt du genre taiseux mais elle est plus proche de sa grand mère qu'elle aide en cuisine que de son grand père qui ne quitte plus sa chambre car il est alité au seuil de la mort. Elle se rend à son chevet chaque jour, et alors qu'il observe son jardin, elle lui conte ses journées et ce qui se passe dans ce jardin. C'est avec ces échanges, ou plutôt ces monologues, qu'elle prend conscience du lien qui la lie à son grand père qui jusqu'alors l'intimidait beaucoup.
Ce roman tourne autour de la vie de cette petite fille et des relations qu'elle entretient avec ses grands parents. Tout tourne autour de ce qu'elle vit, ce qu'elle ressent. Si l'écriture est très douce, elle est aussi d'un réel ennui. Je n'ai pas réussi à trouver le chemin que l'auteure a tracé, je me suis donc perdue.
Le seul point positif est le rapport que la petite fille entretient avec la nature qui a trouvé un écho en moi. On finit par éprouver une certaine tendresse à cette enfant solitaire qui arrive à mêler son propre univers à celui dans lequel elle évolue.
J'ai lu ce livre dans le cadre des 68 premières fois.
https://quandsylit.over-blog.com/2022/07/debout-dans-l-eau-zoe-derleyn.html
❝L'enfance est une chose étrange, à la fois adorable et exténuante, un trésor et un chaos.❞
Christian Bobin, Geai
❝L’étang la nuit n’est pas le même. Il est plus large et plus profond ; il n’a pas de fin. […] L’eau m’a d’abord paru plus chaude qu’en journée, presque tiède sur mes pieds, et puis je me suis enfoncée et le froid m’a attrapé la taille, un frisson est remonté comme un étau le long de mon dos, de ma nuque […] Après quelques brasses, je l’avais reconnu. Plus froid, plus profond, mais le même malgré tout. […] Je reconnaissais l’étang et je n’étais plus pressée, j’étais chez moi.❞
Debout dans l’eau, premier roman de Zoé Derleyn, nous transporte le temps d’une saison dans le Brabant flamand, région de ciels qui se déploient, ❝immensité opaque❞, au-dessus de prairies vallonnées qui succèdent aux bois, où les vergers et les vignobles s’étendent à perte de vue, dont la paix n’est chahutée que par les seuls trilles des oiseaux.
❝Même sous la pluie, la lumière ne quitte jamais les champs. Ni les chemins. Une lumière qui vient de l'herbe, des feuilles, de l'intérieur des plantes et des arbres. Mais l'étang lui absorbe la lumière.❞
Ils sont trois à vivre sous le toit d’une grande bâtisse posée dans un vaste paysage de pâtures et bordée d'un étang qui ❝s’enroule autour de la maison dans une étreinte tiède❞. Ce lieu à l’écart semble à l’abri des grands bouleversements et pourtant…
L’histoire nous est racontée par une fillette dont on ne connaîtra pas le prénom, et qui va sur ses douze ans, âge délicat entre enfance et adolescence. Abandonnée toute jeune par sa mère à la garde de ses grands-parents, elle grandit, solitaire, dans cet endroit préservé où elle a fini par se sentir chez elle
❝Je me souviens seulement qu'il m'arrivait d'avoir peur. Peur qu'elle [la mère] ne change d'avis, qu'elle ne revienne et me force à repartir avec elle, qu'elle m'arrache à l'étang, à l'herbe et à la ferme, au vent. Je ne bougeais pas, je ne respirais plus, je restais exactement là où j'étais en imaginant que j'étais une statue, un objet, quelque chose que personne ne songerait à déplacer.❞
C’est l’été qui s’étire mollement au pays de l’enfance. Les visites sont rares, mises à part celles d’Inge et Lieve, les infirmières, et de Magda, la femme de ménage ; celle de Frank et Bert venus pécher l’anguille.
À l’étage, dans une chambre aux larges fenêtres ouvertes sur le dehors qu'il aime tant, le grand-père vit son dernier été et ne quitte plus le lit, il s'efface, chaque jour plus maigre, plus ❝translucide❞.
❝Je sais bien qu’il va mourir. Bientôt. Je sais bien que sans l’oxygène de la machine, il serait déjà mort. Mais j’ai du mal à croire que cela va réellement se produire. J’ai l’impression que je pourrais rester assise là, sur son lit, éternellement. Il ne va pas mourir maintenant. Ni maintenant ni maintenant.❞
En bas, la grand-mère fait de la confiture de groseilles à maquereau dont l’enfant et le grand-père raffolent. Si les relations ont toujours été distantes avec cet homme froid et autoritaire,
❝Je ne sais pas si mon grand-père m'aime. Je ne crois pas. Moi non plus.
[…]
Je ne suis pas certaine de savoir à quoi ça sert, un grand-père.❞
elles sont à peine plus chaleureuses avec la grand-mère, taiseuse, ❝Elle ne me pose pas de questions et je ne raconte presque rien❞, qui la laisse libre d’explorer les alentours. Son imagination fertile compense la morosité du monde des adultes. La nature, habitée, est le terrain d’une aventure intime où l’étang, matrice primitive et un peu magique, est la thébaïde de cette enfant du dehors qui n'en a jamais fini de sonder les secrets de la vase.
❝Debout dans l'eau jusqu'à la taille, je suis capable de rester immobile dans l'étang très longtemps. Mes pieds disparaissent peu à peu dans la vase. À travers le reflet de mon maillot rouge, j'aperçois mes jambes, tronquées aux chevilles. Je laisse les poissons s'approcher de moi jusqu'à ce qu'ils m'embrassent les mollets, les genoux, les cuisses. Je ne bouge pas, j'oscille légèrement, je respire au rythme de l'eau, je fais partie de l'étang. J'entends ma grand-mère qui m'appelle mais je ne réponds pas, ça gâcherait tout.❞
Avec des phrases courtes, comme retenues au bord de la mélancolie — du chagrin, peut-être ? — Zoé Derleyn nous invite à pénétrer l’imaginaire d’une jeune enfant qui s’invente un monde, franchit les océans, jette des ponts vers les lointains, qui ressent plus qu’elle ne comprend le lien qui l’unit à son grand-père au moment-même où la mort prochaine commence à l'effilocher,
❝Nous aimons les mêmes choses. L'étang, les groseilles à maquereau, la lumière et le jardin. Tout ce qui lui manquera tant. [...] Je ne l'avais pas remarqué avant. Depuis qu'il est malade, ça se voit plus. Qu'on aime les mêmes choses. Mais je ne sais pas quoi faire de ça.❞
Une presque adolescente qui s’éveille à un sentiment qu’elle comprend mal pour Dirk, l’aide-jardinier, ❝ô mon prince adoré❞.
C’est l’été de la perte, celle prochaine du grand-père, celle de l’enfance qui s’en va, emportant avec elle une part d’innocence, alors que la vie se révèle dans sa fragilité et son impermanence, et que seule s’offre la protection réconfortante de la nature quelles que soient les colères qui secouent ce monde familier.
❝Ma grand-mère me demande de fermer la porte. Le vent est tiède, il sent la pluie. Je n’ai pas envie de fermer la porte. Je reste sur le seuil et regarde les tourbillons de poussière soulevés par le vent. Le craquement est si fort que je sursaute malgré moi ; l’éclair libère la pluie, elle s’écrase sur les dalles de la terrasse, une eau lourde, puissante. L’odeur de la terre se mélange aux effluves sucrés des framboises. J’ai envie de nager. Je sors sur la terrasse, ma grand-mère m’appelle. La confiture commence à prendre, elle ne peut pas quitter sa casserole, il est facile de feindre de ne pas l’entendre. Je danse. J’ai la tête en arrière, la bouche ouverte. J’ai un peu peur mais je me convaincs que non.❞
C’est l’été des jours qui languissent, des heures qui n’attendent rien et au cours desquelles ❝[elle] ne parvien[t] pas à sortir de l'ennui❞ autrement qu'en laissant vagabonder son imagination : n’a-t-elle pas vu une baleine fendre la surface de l’étang ? Des jours suspendus et solitaires, interminables avec leur temps propre comme le sont parfois les journées d’enfance qu’elle occupe avec les trois chiens de la famille, Baron, Tempête et Roc qui lui ressemble étrangement même si Baron reste son préféré.
❝Nous sommes ici pour les mêmes raisons, notre propriétaire précédent ne voulait plus de nous. Et aucun de nous n'a de pedigree, lui n'est ni un labrador noir comme Baron ni de la race dont j'ai oublié le nom comme Tempête, qui est gigantesque et de couleur fauve et qui ressemble à un lion qui aurait une tête noire, et moi, je suis à peine la fille de ma mère.❞
Des jours qu’elle aime passer seule, malgré l’ennui, malgré le désœuvrement, malgré le piano dont elle n'est plus autorisée à jouer, malgré les livres qui restent enfermés dans la bibliothèque, fuyant les cousins que la grand-mère a cru bon d’inviter pour rompre sa solitude.
❝Je suis contente que mes cousins ne soient pas là. Ma grand-mère a parfois peur que je m’ennuie, toute seule pendant les vacances scolaires. Alors, elle invite des cousins éloignés et d’autres cousins pas si éloignés que ça. Je préfère m’ennuyer seule plutôt que jouer avec eux. Quand ils sont là, j’organise des parties de cache-cache pour leur échapper.❞
Des jours silencieux, faits de petits riens qui sont tout, racontés par une écriture pure dont la lenteur presque élégiaque marque le temps qui passe, sans fracas mais irrémédiable, de ce qui imperceptiblement, sans qu’elle en ait conscience, forme la jeune fille en devenir, pour l’instant prise encore dans cet entre-deux de joie simple et de douleur sourde, entourée d’un amour sincère bien que peu loquace et démonstratif.
L’écriture mesurée de Zoé Derleyn, en plus de rendre subtilement perceptible toutes les sensations de l'enfant en présence de la généreuse nature environnante — le verger et le poirier qu’il a fallu débiter, le potager fécond et son vieux saule, les peupliers qui se balancent au vent et entonnent La Brabançonne, et l’étang, bien sûr, avec ❝ses berges abruptes. Les saules têtards s’y accrochent, tellement penché vers l’eau qu’ils ont l’air sur le point de basculer tête la première dans leur propre reflet❞ — parle des minutes qui contiennent des heures, des liens que l’on tresse et détresse comme elle le fait des franges de la couverture, de la mort qui rôde, d'images qui sourdent des tréfonds de l'inconscient
❝Il [le grand-père] commence à ressembler à un lapin malade et ça me fait penser à la carabine.❞
de la vie qui avance et nous pousse malgré tout, de l’enfance avec ❝son odeur de lait chaud et de vanille❞ que l’on croit perdue à tout jamais, des mondes inventés qui restent toujours là à occuper un coin de notre mémoire.
Debout dans l’eau est un très beau premier roman, porté par la fraîche candeur du « je » de cette fillette. Une parcelle d'enfance, à la fois universelle et particulière, que chacun de nous lira, augmentée de ses souvenirs.
Lu pour la sélection 2022 des #68premieresfois
https://www.calliope-petrichor.fr/2022/07/06/debout-dans-l-eau-zoé-derleyn-le-rouergue/
De la première à la dernière ligne, ce roman est une merveille de lecture, quelle chance qu’il ait été écrit !
Il s’ouvre sur une scène fondatrice pleine de sensations et d’odeurs où une fillette se baigne dans un étang dont on comprend vite qu’il sera, avec elle, un personnage à part entière du roman.
Dans cette scène où la petite ne fait littéralement plus qu’un avec le plan d’eau, les éléments sont bienfaisants, offrant un refuge protecteur aux douleurs de la vie, un grand-père qui va mourir, une mère qui vous a abandonnée, le temps qui passe et la vie qui change...
Toujours, la petite revient à cette nature bienveillante, pour soigner un chagrin, pour rêver (la séquence avec la baleine est magique), pour se faire peur ou pour se rassurer.
Dans une belle langue aussi précise qu'inspirée et avec une grande force d’évocation, Zoé Derleyn décrit le pays de l’enfance dans des pages souvent âpres, parfois empreintes de surnaturel, toujours remplies de poésie.
Quelle réussite !
Lu dans le cadre des 68 premières fois, ce livre voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure
« Debout dans l'eau jusqu'à la taille, je suis capable de rester immobile dans l'étang très longtemps. Mes pieds disparaissent peu à peu dans la vase. A travers le reflet de mon maillot rouge, j'aperçois mes jambes, tronquées aux chevilles. Je laisse les poissons s'approcher de moi jusqu'à ce qu'ils m'embrassent les mollets, les genoux, les cuisses. Je ne bouge pas, j'oscille légèrement, je respire au rythme de l'eau, je fais partie de l'étang. J'entends ma grand-mère qui m'appelle mais je ne réponds pas, ça gâcherait tout. »
Zoé Derleyn fait partie de ses auteurs qui savent raconter le monde à hauteur d'enfant, ici le monde d'une très jeune fille de onze ans qui grandit auprès de ses grands-parents, sa mère l'ayant abandonnée jeune. Elle grandit tout en poésie dans une campagne brabançonne enveloppante, peuplée d'anguilles, de poissons, de chiens, emplie de groseilles à maquereau, débordante de vergers et potagers. La nature est omniprésente, comme si c'est là qu'elle poussait, là qu'elle se construisait en toute liberté, là qu'elle s'enracinait.
« Je pense aux gouttes qui crèvent la surface de l'étang, qui font des petits trous et rebondissent et on ne sait plus si la pluie tombe du ciel ou si elle jaillit de l'étang, dans quel sens l'eau circule. »
L'écriture déploie mille textures et sensorialités sur une ligne mélodique très harmonieuse. Chaque chapitre coule comme un parcelle d'enfance. On est comme dans une bulle de fraicheur, porté par l'imaginaire très puissant de cette jeune fille à la frontière entre l'enfance et l'adolescence. Un regard d'enfant qui ne comprend pas tout mais qui sait dire ce qu'il voit de façon très concrète, dans le vent, sous la pluie, au soleil, avec sa grand-mère reine de la confiture. Mais des émois qu'elle a du mal à nommer et qui ressemble à la naissance du désir lorsque Dirk, le jardinier apparaît.
Pour autant, rien n'est simple pour la narratrice. Son grand-père, confiné dans sa chambre. Il va mourir durant cet été, c'est annoncé sans qu'elle ne sache quand cela aura lieu. C'est là que le roman gagne en profondeur en montrant comment se construit une vie et une filiation. Ce grand-père, il lui a fait longtemps peur, trop intimidant, trop autoritaire. Et voilà que c'est à ce moment qu'elle réalise le lien qui l'unit à lui, un lien presque créé à son insu. Cette relation en creux est décrite toute en sensibilité et pudeur.
Une délicate aventure intime que j'ai lue comme dans une bulle tant l'adéquation entre les mots et les mouvements de l'âme de cette jeune fille est juste.
Lu dans le cadre de la sélection 2022 des 68 Premières fois #9
Très courts chapitres dans lesquels la narratrice de 11 ans nous livre des bribes de son enfance à l’âge où les premiers émois arrivent. Abandonnée par sa mère à l’âge de 3 ans, elle vit à la campagne chez ses grands-parents. Son grand-père est en train de mourir. Très beau premier roman.
Peut-être que l’enfance est une île après tout, une sorte de bastion cerné par des douves dans lesquelles coule une eau, noire peut-être, mais douce et accueillante, dépourvue de danger, nourricière s’il le faut et pédagogique à ses heures. Une eau où l’on apprend à se tenir debout, parce qu’elle vous porte malgré la vase qui pourrait faire glisser, parce que, aussi, à vos côtés, sur l’eau, dans l’eau ou depuis la berge, se dressent des figures dont le rôle semble, de toute éternité, de s’y dresser : un grand-père au caractère rugueux comme la paume de ses mains, une grand-mère à la vigilance muette mais attentionnée, des chiens aux mauvaises habitudes immuables et rassurantes.
Dans son très réussi premier roman, Debout dans l’eau, Zoé Derleyn, jeune auteure belge à la plume extrêmement prometteuse, nous convie à une éclosion, à ce moment charnière et décisif où sa jeune narratrice de 11 ans (et demi !) quitte les certitudes l’enfance pour sentir sous ses pieds le sol instable de l’adolescence. C’est l’été où tout bascule, l’été où le doute s’immisce, l’été où meurt son grand-père. C’est l’été, pourtant, où elle semble prendre conscience pleinement de qui elle est, de la lignée dans laquelle elle s’inscrit de par ses goûts, ses préférences et ses affinités, par sa mémoire et ses attachements, bien au-delà de « ses cheveux d’ailleurs et ses joues d’ici ».
J’ai beaucoup aimé me couler auprès de cette petite fille plus si petite que ça, entre les pattes de ces chiens au sourire dévoreur, à la placidité enjouée, m’asseoir à ses côtés, sur la couverture à franges de son grand-père, pour picorer des groseilles à maquereau qui me rappelaient le mien, ou sur un banc d’église, à l’ombre de la foi vacillante mais viscérale de sa grand-mère, rassurante comme un phare dans la nuit. J’ai aimé sentir, entre les lignes sans lourdeur de cette écriture tout en retenue et en sensualité, jaillir la lumière d’un été, les parfums pleins de fraîcheur de l’eau stagnante et sombre, le son des insectes alourdis de soleil, le goût acidulé des fruits partagés entre deux silences. J’ai aimé découvrir, grâce à la curiosité d’une poignée d’aventurier(e)s des mots nommé(e) s « les 68 Premières Fois », ce talent tout neuf qui, pas si loin de nous, offre à la langue française un si bel écrin.
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