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Pour Sibel qui se consacre entièrement à la danse, le quotidien est un perpétuel ballet. Pourtant, tout bascule le jour où son lien à l'Art est coupé : on l'isole de ses soeurs, on lui refuse l'existence qu'elle aime tant dans cette communauté composée exclusivement de femmes. En tâtonnant pour retrouver tout ce qu'elle a perdu, elle entend des rumeurs, découvre des secrets propres à bouleverser sa conception du monde.
Mais alors, si la vie n'est qu'un immense théâtre, pour qui Sibel danse-t-elle ? Et surtout, que se trame-t-il en coulisse ?
Peut-être cet étranger au sourire narquois qui se définit comme un « homme » et ne lui parle que de Science pourra-t-il lui apporter des réponses. L'aidera-t-il à franchir l'enceinte qui délimite l'univers qu'elle a toujours connu ?
Découvrez le mystère qui se cache là-bas, de l'autre côté du mur...
Sibel vit dans un monde composé de femmes uniquement. Sous l’autorité des « Mères », toutes les filles développent un Art pour lequel elles excellent : la danse, l’écriture, le chant ou la peinture. Mais cet art va aussi au-delà, il leur donne une énergie et la possibilité de vivre en osmose avec la nature, de ressentir tout ce qui les entoure de manière amplifiée : le chant des oiseaux, la sérénité d’un arbre, la souffrance d’une herbe que l’on arrache… Un art que l’on peut perdre si on est touché physiquement par quelqu’un. Aucun contact n’est donc autorisé sous peine aussi de «disparaitre ».
Un jour par mégarde, une jeune fille bouscule Sibel qui perd aussitôt son Art.
Les circonstances vont lui donner la possibilité d’essayer de le retrouver. Mais elle va faire une rencontre décisive qui va tout bouleverser, celle d’un garçon venu d’une autre partie de ce monde étrange.
Sibel va découvrir l’existence des hommes mais aussi de l’envers du décor de ce monde qu’elle pensait si parfait, ébranlant ainsi ses certitudes.
*****
Intéressant par l’originalité du monde imaginé par l’auteur et ses raisons d’être, ainsi que par son côté poétique mais étant un livre adressé aux jeunes adultes, il fait preuve des codes qui lui sont propres mais logiques vu le public à qui il est destiné.
Histoire qui interpelle sur l’équilibre, la complémentarité des choses et la richesse qu’apporte chaque chose : hommes/femmes, malheur/bonheur, sciences/arts,…
Mais des passages fleur bleue un peu gnan gnan. Forcément. Roman ado oblige d’une part et en plus ici on a une jeune fille qui ne connaissait pas l’existence des hommes donc évidemment…
Cela fait maintenant une bonne quinzaine d’années que j’ai arrêté la danse, que mon petit justaucorps et mes chaussons de demi-pointes sont entreposés dans un carton « souvenirs » au côté de ma barbichette de Dormeur, vestige de mon premier spectacle de théâtre. Quinze ans que je rumine ma déception : je n’ai rien d’une bonne danseuse, je suis une sorte de pantin de bois sans aucune grâce qui s’efforce de ne pas confondre sa droite et sa gauche pour tenter de faire les bons mouvements au bon moment. Quinze ans que je rêve secrètement de reprendre la danse malgré cette douloureuse désillusion, malgré le divorce entre mon corps et mon esprit, malgré mon manque profond de coordination et de rythme … Autant vous dire que la première phrase du résumé m’a immédiatement donné envie de découvrir ce livre : j’avais envie, par l’intermédiaire de Sibel qui semble vivre pour et par la danse, de ressentir le temps d’un roman l’harmonie que je n’ai jamais réussi à atteindre et qui m’attire tant …
D’un côté les hommes, de l’autre les femmes. D’un côté la Science, de l’autre les Arts. Séparés depuis des générations, tant et si bien que chacun a oublié l’existence même de l’autre. Sibel est une Danseuse d’exception, amie du vent qui la soutient dans ses chorégraphies, amie de la nature qui lui offre son énergie et sa sérénité. Sibel est heureuse. Jusqu’au jour où la loi des Mères est bafouée : une de ses camarades la frôle, la touche, la souille et la brise. Isolée de ses Sœurs, Sibel tente désespérément de retrouver le lien qui l’unissait à son Art. Mais dans le jardin, c’est tout autre chose qu’elle trouve : une fille étrange et disgracieuse, inhabitée par l’Art, qui se définit comme un « homme » ... A cet instant précis, l’univers tout entier se disloque pour Sibel : se pourrait-il qu’il y ait quelque chose, de l’autre côté du mur ? se pourrait-il que les Mères ne connaissent pas tout, ou pire encore, qu’elles leur aient menti depuis toujours ? Gagnée par une inexplicable soif de liberté et de connaissance, Sibel se jette à corps perdu dans cette nouvelle danse vers l’inconnu et la révolte …
Des dystopies, j’en ai lu pas mal, ces dernières années …. Mais j’ai rarement été aussi conquise qu’avec De l’autre côté du mur. Agnès Marot nous offre un récit d’une beauté inouïe malgré la noirceur du futur qu’elle nous dépeint. Un futur qui s’appuie, malheureusement, sur la tendance actuelle à séparer les arts et les sciences : si un enfant à des prédispositions pour les mathématiques, on voudra en faire un champion d’échec (hors de question qu’un scientifique dans l’âme aille faire de la peinture sur soie !), et si au contraire il a des aptitudes pour le patinage artistique, on attendra de lui qu’il fasse un bac L (parce que c’est bien connu, les artistes sont nuls en science). Les stéréotypes ont la vie dure, et l’autrice a fait le pari de les exploiter à l’extrême pour créer ce monde dystopique, où hommes et femmes, science et art, sont séparés, chacun ignorant même l’existence de l’autre. Les Filles suivent aveuglément les lois des Mères, convaincues que celles-ci œuvrent pour leur bonheur – après tout, c’est ce qu’on leur apprend depuis le plus jeune âge – et les Fils font de même avec les lois des Pères de leur côté du bâtiment, de leur côté du monde.
On s’en doute bien, les choses ne vont pas en rester là : il n’y aurait pas d’histoire sans élément perturbateur pour venir remettre en question et en cause l’ordre établi. Sibel subit cet élément perturbateur : elle est loin d’être aussi curieuse et rebelle que son amie Aylin, dont les extravagances et questionnements l’effrayent. Elle n’aspire qu’à s’unir toujours plus à son Art, à parfaire toujours plus ses pas de Danse, à avancer toujours plus vers la perfection. Elle est heureuse, ou du moins se croit heureuse. C’est la question sous-jacente de toute cette histoire : peut-on réellement être heureux quand on vit dans l’ignorance complète ? peut-on vraiment être heureux quand on vit sans liberté ? sans même savoir ce qu’est la liberté, ce qu’est la vérité ? Sibel va découvrir avec horreur et stupéfaction ce qui se cache dans les « coulisses » de son monde qui s’avère n’être qu’un gigantesque théâtre où tout est factice, où tout est mensonge. Cruelle désillusion pour cette adolescente bien formatée, qui n’était pas prête à affronter cette vérité. Mais est-on un jour prêt à découvrir qu’on nous a menti, manipulé, trahi ?
Le choc est rude pour notre jeune héroïne, et le lecteur partage sa peine. Et sa stupeur, au fur et à mesure des révélations. Comment a-t-on pu en arriver là ? La question semble sans réponse … jusqu’à ce qu’on se plonge dans la préquelle, intitulée Notes pour un monde meilleur. Le décalage entre le titre – reflétant la volonté d’Isaac, « héros » de cette préquelle – et la réalité racontée dans De l’autre côté du mur a de quoi faire rire ou pleurer. Comme beaucoup de scientifiques, Isaac a toujours été persuadé d’agir pour construire ce monde meilleur dont il rêvait. C’était devenu son obsession, l’attrait du progrès technologique, tant et si bien qu’il s’est laissé dépasser par la Science … et tout est parti en vrille. Car tout le monde n’est pas aussi altruiste qu’Isaac – que j’affectionne beaucoup malgré ses erreurs dramatiques – et il y a toujours quelqu’un pour transformer cet idéal fort honorable en quête de pouvoir et de gloire. Et il y a aussi la question de la paix, de la sécurité : pour atteindre ces deux objectifs, que peut-on et doit-on sacrifier ? Peut-on abolir les libertés et l’amour au nom de la prospérité ? Ce livre a l’avantage de nous présenter à la fois la genèse et l’écroulement de ce système, et c’est vraiment très intéressant, d’autant plus que le jeu de miroir est vraiment bien mené !
En bref, vous l’aurez bien compris, je suis à la fois sous le charme et sous le choc ! C’est un livre aussi doux que cruel, aussi beau qu’effrayant. Il y a la rudesse de ce monde, de ce futur, placé sous le signe du respect des règles et des interdits pour le bien de tous – c’est du moins ainsi qu’il est présenté, et aussi ce que pense Sibel et ses camarades –, et la tendresse de cette rencontre inattendue, de cet amour naissant, de l’éclosion du papillon de la liberté. Sibel et Aslan sont tellement attachants, on a envie de les soutenir dans leur quête de savoir et de bonheur réel, on a envie de les voir sortir de cette prison qui s’ignore. On rêve avec eux et pour eux, on tremble avec eux et pour eux, on rit avec eux et pour eux. En clair, on se laisse complétement embarquer par cette histoire, où les opposés s’attirent, où les paradoxes s’entremêlent. La plume d’Agnès Marot est juste magnifique, c’est un vrai régal, on se délecte ! Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir cette merveilleuse histoire, allez-y les yeux fermés. Qu’est-ce que j’ai aimé, mais qu’est-ce que j’ai aimé !
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2019/10/de-lautre-cote-du-mur-integrale-agnes.html
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