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On ne saurait dire pourquoi l'univers de Pascal Garnier nous est si proche. Pourquoi il nous envoûte avec des histoires simples, des personnages ordinaires et un peu écornés par la vie, des mots familiers et des silences qui le sont encore plus.
Ainsi Bernard, jeune crétin solaire, qui pose sur le monde un doux regard écarquillé. C'est ce qui séduit Simon, le cynique et élégant Simon, « éradicateur de nuisibles » en préretraite, comprendre : tueur à gages au bout du rouleau. La rencontre a lieu sur un banc public à Vals-les-Bains, où l'on s'ennuie plus ou moins entre le casino et les apparitions épisodiques de Jean Ferrat. Le hasard fait bien les choses : Simon a de l'argent, et Bernard, tout son temps. Il sera son chauffeur pour sa dernière mission.
Voici un autre petit bijou que nous a laissé Pascal Garnier reconnu et multi-primé pour ses romans noirs et courts aux atmosphères tendues, badigeonnés d’humour grinçant.
Sa plume parfois trempée dans le vitriol, savait décrire avec brio l’étroitesse de comportements humains en trois mots et brosser des personnages d’un simple coup de plume en les faisant plonger dans des situations absurdes, objets de ses satires pleines de réalisme.
La mise en relief des dialogues qui semblent sortir de voix ordinaires apportent une fluidité au texte teinté d'une bonne dose de causticité.
Sans grands messages, ce texte tient surtout à son talent d’écrivain pour décrire avec une vérité acide des personnages cabossés, fragilisés par la fatigue, avec un espoir du futur asphyxié.
Ici, il brosse un portrait criant de vérité sur la vieillesse et la mort versus la jeunesse et le plein de vie, bien que parfois, entre la vie, la mort et l’amour, le hasard peut faire changer la donne et vous mettre face à des choix à faire par amitié...
A Vals-les-Bains, une petite station thermale, Bernard, un jeune naïf venu en convalescence chez sa mère devenue âgée et alcoolique, rencontre Simon, un vieux monsieur fortuné et amical mais au bout du rouleau. Ce dernier va inviter le jeune homme à diner dans le meilleur restaurant du village et très vite comprendre l’infortune de ce gamin sans éducation et sans horizon, tout à fait crétin par ailleurs mais dont il ressent le bon fonds d’honnêteté et le courage d’un besogneux.
Devant se rendre chez un dernier client avant de prendre définitivement sa retraite, Simon va, dû à son mauvais état de santé, proposer six cents euros à Bernard pour être son chauffeur pendant deux jours, le temps d’un aller et retour.
L’aventure va se compliquer dans un road-movie qu’on lit d’une traite !
Corrosif et percutant !
Merci aux Éditions Zulma pour ces rééditions précieuses que je déguste au compte-goutte ('Les Hauts du Bas' restant mon préféré) et toujours avec beaucoup de gourmandise.
« Le bébé est une sorte de tube ouvert aux deux extrémités. Par l’une on le remplie, par l’autre il se vide. Comme on venait de le remplir sur l’aire d’autoroute, il se vida à proximité d’Avignon. Malgré les vitres ouvertes, l’odeur était puissante. La merde, le sang et la putréfaction, Simon connaissait bien, c’était l’odeur de la guerre, il y était habitué. Mais ce caca là, mêlé aux fragrances de lait aigre le perturbait. A vrai dire ça ne sentait pas vraiment mauvais, cela tenait de l’étable, de la bergerie, du compost, qui vous ramenait à l’aube de l’humanité et vous donnait du vague à l’homme. Cependant, la présence à l’arrière de ces deux passagères impromptues commençait à l’agacer sérieusement. Elles n’étaient pas prévues et Simon avait horreur de l’improvisation. »
Quelle belle idée de rééditer les romans de Pascal Garnier, spécialiste du roman noir français, décédé en 2010. J'en ai lu pas mal, pas tous chroniqués ici, car lus avant la création du blog. Néanmoins, vous pouvez relire -avec indulgence, je démarrais- mes billets sur Les haut du bas, Lune captive dans un œil mort, Le grand loin. A chaque fois que je lis un roman de Pascal Garnier ou que j'en relis un, comme Comment va la douleur ? que je relis ici, je me dis : "Ah, c'est celui-ci que je préfère". Donc pour cet article, c'est Comment va la douleur ? que je préfère jusqu'à ce que je relise un roman de l'auteur.
Pascal Garnier aime se faire rencontrer des personnages a priori totalement opposés. Qui aurait pu croire que Simon, vieux tueur à gages fatigué, malade, usé et blasé rencontrerait un jeune homme gai et positif et qu'ils s'entendraient ? Et la rencontre avec Fiona la jeune maman célibataire et son bébé Violette ? Et celle de Rose, la femme qui rêve de rencontrer l'homme de sa vie à l'âge de la retraite ? A partir de personnages banals (bon, je vous l'accorde, le tueur à gages ce n'est pas courant), l'écrivain bâtit une histoire noire réjouissante avec un grain de sable qui dévie les plans des uns et des autres. Anaïs, la mère de Bernard apporte la touche d'humour, de légèreté ; sa description ainsi que celles de ses multiples activités et de ses multiples déconfitures dans son pas-de-porte vaut le détour. Elle a également des réparties savoureuses :
"-J'aime bien être fatiguée, ça me repose...
- Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ?
- Comme d'habitude, une bonne sieste avant d'aller me coucher." (p.31/32)
Le ton est caustique, l'écriture oscille entre belles phrases bien travaillées pour les descriptions et dialogues au vocabulaire courant voire familier, un régal. Pascal Garnier parle de la vie, de la mort, de l'amour, de la difficulté à trouver sa place dans la société. Son roman est avant tout humain comme les autres, basé sur les rencontres, les interactions entre des gens pas censés se parler. Certains y trouvent leur compte dès le départ, comme Bernard, pour d'autres c'est un peu plus long, mais chacun malgré tout pourra retirer du positif d'avoir pris du temps pour connaître celui ou celle qui lui est opposé. Comme quoi, j'ai l'air d'insister au fil de mes articles, mais tout est toujours dans la rencontre, dans la connaissance d'autrui aussi différent de nous soit-il et je dirais même plus, le plus différent de nous il est, le plus on s'enrichit.
Je ne sais pas si Zulma va republier l'ensemble des romans de Pascal Garnier, mais ce serait une excellente idée, relire Comment va la douleur ? m'a fait un bien fou. Je relirais bien les tout premiers que j'avais bien aimés, L'A26 entre autres m'avait laissé un très bon souvenir.
PS : il a été tiré de ce roman un téléfilm avec Bernard Le Coq en Simon. Je l'avais vu et trouvé pas mal du tout.
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