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La chevalerie, c'est d'abord une image, celle de nobles héros aux armures étincelantes, brandissant des bannières aux couleurs chatoyantes pour se jeter, la lance ou l'épée au poing, au secours de l'affligé, de la veuve et de l'orphelin. La réalité est plus complexe et l'évolution plus chaotique. Le mot « chevalier » est d'ailleurs ambigu et plus encore la notion de « chevalerie ». Son acception latine, la militia, désigne la force armée au service de l'État. Au Moyen Âge, cette fonction publique s'est privatisée et ses caractères aristocratiques et militaires se sont accrus. C'est le renforcement de la cavalerie lourde qui lui donne son impulsion entre le IXe et le XIe siècles. Mais, il faut attendre le XIIe siècle pour que la chevalerie s'affirme, avec la généralisation de la charge à la lance couchée. Elle se donne alors un code déontologique, fondé sur l'honneur, qui va « humaniser » quelque peu les « lois de la guerre ». Dans le même temps, l'Église tente de lui assigner une mission et une éthique conformes à sa cause. Ainsi s'ébauchent, du XIe au XIIIe siècle, les traits essentiels d'une chevalerie qui se mue peu à peu en confrérie d'élite de la noblesse.
Dans l’imaginaire collectif, le chevalier reste un guerrier à cheval doté d’une plus ou moins belle armure qui n’a de cesse, l’épée ou la lance à la main, de se battre pour défendre la veuve et l’orphelin. Il doit être fidèle à son suzerain, à son roi et au Pape. Il dispose d’un rang social honorable et respectable, mais son statut social ne deviendra que très tardivement un véritable titre de noblesse. À l’époque, la société est répartie en trois « castes », les « oratores » (les « priants », le clergé), les laboratores (« les travaillants », paysans, serfs, artisans, etc.) et les « bellatores » (les « combattants », soldats et hommes de guerre). Les chevaliers qui en font partie ont donc des devoirs envers Dieu, le Roi et l’Eglise. Ils doivent aide et protection aux deux autres castes. Courage, sens de l’honneur, fidélité, mais aussi humilité mêlée d’orgueil définissent une condition qu’illustra au mieux Bayard, le fameux chevalier « sans peur et sans reproche »…
« Chevaliers et chevalerie au Moyen-Âge » est un essai de sociologie historique de belle qualité et fort bien documenté. Un appareil de notes et référence d’une bonne trentaine de pages en fin de volume complète opportunément le propos. Avec honnêteté et modestie, l’auteur n’assène pas une théorie personnelle sur ce « phénomène de société » qui irrigua plusieurs siècles (du IXe au XVe) et influença les suivants, mais présente les diverses avancées des historiens sur le sujet. Il tente de faire la part entre les textes primitifs (« Chanson de Roland », « Chevaliers de la Table Ronde »), les romans historiques style Dumas, Féval, Zévaco ou Walter Scott et la réalité historique. Le lecteur apprendra qu’au fil des temps, la chevalerie évolua en permanence. Le statut de chevalier passa de celui de simple guerrier doté d’une monture, en général de bonne extraction, (avec la possibilité pour un valeureux écuyer d’être adoubé pour son ardeur au combat), à celui de noble et d’aristocrate reconnu de ses pairs, avant de finir comme titre purement honorifique. L’évolution technique de la guerre y eut une certaine part. L’équipement du chevalier, assez peu onéreux au départ, devenant de plus en plus couteux avec des armures de plus en plus lourdes et sophistiquées pour résister aux flèches des arcs « long-bow » anglais ou aux carreaux des arbalétriers milanais par exemple. Livre passionnant, quasi exhaustif sur le sujet, bien que d’une lecture un tantinet laborieuse.
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