« Combien de fois les gens m'ont prise pour sa fille cachée. Sinon pour sa belle-fille. Je ne suis ni l'une ni l'autre. Je veux qu'on le sache, je veux le dire. Je suis la fille de la femme avec qui il n'a jamais vécu. La fille de la femme qu'il a fait souffrir. Comme les autres. Plus que les autres ? » En 1975, un an après le divorce de ses parents, Eve-Marie, sept ans, vit en symbiose avec sa mère Patricia, une jeune femme libre et indépendante bien décidée à diriger sa vie sans « s'encombrer » d'un homme. Paul Bocuse fait alors irruption dans leur vie, à la veille d'une ascension irrésistible qui fera de lui le chef le plus célèbre de sa génération, à Lyon et partout dans le monde.Marié et viscéralement infidèle, ogre séducteur, il brille à la fois par sa présence et son absence. S'immisçant progressivement dans leur quotidien sans vivre avec elles, il emporte Patricia dans sa course folle autour du monde. Eve-Marie assiste, révoltée, à l'aliénation volontaire de sa mère, accédant peu à peu à la perception des sentiments contradictoires des adultes, s'interrogeant sur le sens de ce qu'on appelle alors « la libération de la femme ».À travers ce récit à trois voix qui fait exister, tour à tour, l'enfant, la mère et l'homme qui les sépare, on entre aussi dans le monde de ces chefs qui sont devenus des stars.
Eve-Marie n’est pas la fille de Paul, ni même sa belle-fille. Elle est la fille d’une des femmes qu’il a aimées, la fille d’une femme qui n’a eu droit qu’à l’ombre pendant des décennies, la fille qui a dû combattre pour ne pas se laisser envahir par monsieur Paul.
Nous connaissons tous Paul Bocuse, sa cuisine, ses restaurants, ses étoiles, ses brasseries, sa renommée internationale, son visage qui s’étale de partout, de la vaisselle à la tapisserie (comme l’illustre le bandeau de ce roman). Mais connaissons-nous vraiment l’homme qui se cache derrière cette dynastie, cet empire de la gastronomie ?
Eve-Marie choisit de nous raconter, à travers ses souvenirs d’enfance, d’adolescence et d’adulte, l’homme qu’elle a connu chez elle, dans la cuisine quand elle rentrait de l’école, l’homme avec lequel sa mère travaillait. Elle nous raconte l’emprise qu’il a sur les femmes, ses méthodes de séduction largement condamnables, sa polygamie vécue au grand jour, et son narcissisme absolu, sa mégalomanie.
C’est un roman qui m’a passionnée, peut-être parce que je suis lyonnaise et que Paul Bocuse fait partie du patrimoine, mais certainement parce qu’il parle de femmes, bafouées, d’une jeune fille qui se construit avec cette image masculine sous les yeux.
C’est un texte choquant par certains aspects, avec une très belle histoire de résilience. J’ai admiré la force d’Eve-Marie enfant pour avoir choisi de s’opposer à ce monstre sacré et la façon dont elle a réussi à construire sa vie, en refusant de n’être qu’un dommage collatéral.
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