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« Silence quand il entra, pas un regard sur lui - il aurait pu être un fantôme. Dehors il pleuvait froid, c'était la tempête. Dockers et pêcheurs désoeuvrés : si cette assemblée d'hommes ne vous dissuadait pas, c'est que vous cherchiez les histoires. On ne poussait jamais par hasard la porte de l'Anchorage Café, surtout en plein hiver austral, quand les rafales soufflées de l'Antarctique tourmentaient sans répit le sud de la Nouvelle-Zélande. On apercevait d'ici la fumée blanche des déferlantes qui saccageaient depuis deux jours les eaux pourtant abritées de Bluff Harbour. Au large, c'était l'enfer. »
Coup de cœur pour cette histoire de pêche dans les eaux très agitées (nous sommes dans les quarantièmes rugissants) de la Mer de Tasman au large de Bluff.
[...] Dans ces mers casse-bateaux, prier pour que l’hiver austral oublie de se mettre en colère.
[...] Partout où portait le regard, la mer était blanche de rage.
C’est tout là-bas, dans ce dernier poste avancé de l’humanité, dans les terres habitées les plus australes, que le frenchy David Fauquemberg a choisi de nous emporter, après avoir passé plusieurs mois dans le Pacifique.
[...] Qu’est-ce qui t’amène ?… » Le Français se gratta le front, il n’avait pas réponse à ça. Partout les gens disaient qu’à Bluff, il n’y avait rien. Alors il était venu voir.
[...] T’en fais une tête !… » Il tendit à son équipier une tasse de café brûlant. « Si c’était facile, aye, tout le monde le ferait… »
Les esprits chagrins pourront reprocher à Fauquemberg d’en faire un tout petit trop dans le style dépliant touristique sur les gentils sauvages polynésiens aux traditions ancestrales pollués par les colons blancs, façon Vaiana de Disney, mais l’auteur est avant tout un formidable conteur d’histoires et comme les vagues de la Mer de Tasman, ses récits épiques emportent tout dans leurs déferlantes, lecteur compris.
[...] C’était cette histoire-là qu’il fallait raconter, elle contenait toutes les autres.
Son bouquin est un véritable page-turner, un vrai thriller qui au passage, nous en apprend beaucoup sur les migrations du Pacifique : celles des polynésiens bien sûr, celles de certains étonnants oiseaux, celles des huit houles de l’océan et même celles des langoustes !
[...] Crayfish, le mot était dans toutes les bouches : l’or rouge orangé de Bluff, la langouste du Sud dont la saison allait ouvrir. Les pêcheurs parlaient quotas, exportation. À quelle hauteur les marchés asiatiques placeraient-ils la barre, cette année ? En septembre, les pêcheries de la région avaient le monopole et les prix s’envolaient, ils pouvaient dépasser soixante-dix dollars le kilo, vingt de plus pour les pièces de belle taille, pourquoi ne pas rêver des cent dollars ?
Le récit (passionnant, façon thriller) de la pêche à la langouste est entrecoupé des récits (passionnants, façon Histoire de la mer) des grandes navigations polynésiennes dont l’auteur sait nous faire sentir le souffle épique, entre Histoire des explorateurs et légendes des Héros.
[...] Quand les explorateurs venus d’Europe avaient enfin été capables de traverser le Pacifique, mille ans après les premiers Polynésiens, ils avaient été subjugués par les qualités exceptionnelles de ces pirogues doubles ou à balancier – elles paraissaient voler sur l’eau.
[...] Quand nos anciens ont fait sortir les îles du Grand Océan, ils ouvraient les chemins.
[...] La navigation aux étoiles, cet art que les Polynésiens avaient porté au plus haut point. Les marins d’Europe tremblaient encore de perdre de vue le rivage que nous avions déjà peuplé la moitié du Pacifique !… Et quand Colomb avait fini par traverser l’Atlantique, cela faisait des siècles que les pirogues doubles des Océaniens avaient relié Tahiti aux trois extrêmes du Triangle polynésien – Hawaii, Rapa Nui et la Nouvelle-Zélande. Des voyages insensés.
Et tout cela se termine sur une vague nostalgique, un brin désabusée.
[...] Là où je vais, il n’y a pas d’île.
Pour celles et ceux qui aiment les crustacés.
Vous aimez les romans d’aventure? Alors embarquez pour l’Océanie, et plus précisément à Bluff Harbour (en Nouvelle-Zélande) avec David Fauquemberg. Vous y trouverez des personnages hauts en couleur, des descriptions maritimes époustouflantes (la mer est, à elle seule, un personnage à part entière dans ce roman) et très imagées sur les luttes entre l’Homme et la nature, et, vous serez plongés dans la culture maori. Le tout servi par une plume haletante. Un beau moment de lecture !
https://accrochelivres.wordpress.com/2018/03/21/bluff-david-fauquemberg/
Ce roman il avance à deux cadences, celle de l'histoire et celle de la légende.
L'histoire c'est celle du Français, un homme mystérieux et taiseux dont on ne sait rien et dont on attend avidement d'en savoir plus. Après avoir traversé, à la marche, la Nouvelle-Zélande, il se retrouve à Bluff, une ville portuaire, une ville au bout de tout. Du moins au bout de son chemin. Il arrive dans cette ville sous une tempête démentielle, absolument pas équipé pour le froid et la pluie qui s'abat sur lui. Rapidement, Rongo Walker, le pilier de la communauté maorie, et Tamatoa, un colosse tahitien en exil le prennent sous leurs ailes. Ils vont développer une complicité ténue mais sincère. Ensemble, ils vont partir à la pêche et littéralement emmener le lecteur avec eux !
La légende, c'est celle des peuples anciens du Pacifique. Une mythologie puissante où l'homme et la nature sont en communion d'égal à égal. C'est beau. C'est inspirant. C'est plein de philosophie. Plus d'une fois la légende prend le dessus sur l'histoire, parce qu'elle se faufile habilement dans les discours des personnages. Elle nous est contée tour à tour par Rongo Walker et par Tamatoa qui la raconte au Français. Avec eux, on découvre une nouvelle approche de la nature. Puis, entre deux chapitres, la légende elle-même prend la parole, pour nous en dire un peu plus.
Ce roman, c'est un conte initiatique digne des mille et une nuits. On avance dans la lecture pour en savoir toujours plus. En savoir plus sur le Français, on le sait en lutte contre un flot d’images et de pensées, alors on grappille chacune de ses confessions et on attend d'en savoir toujours plus sur ses motivations, ses démons et tout simplement sur ses impressions. En savoir plus ses nouveaux acolytes. En savoir plus sur les aventures qu'ils vont devoir affronter pendant la pêche saisonnière, vont-ils trouver les langoustes, vont-ils essuyer des tempêtes, le Français va-t-il tenir le choc ? Et enfin, en savoir plus sur les légendes du Pacifique.
Concernant le style ? Difficile de faire mieux ! Au départ, j'ai été perturbée par les dialogues qui ne sont pas associés aux personnages et pour lesquelles l'auteur ne revient pas à la ligne, mais je dois reconnaître que ça pousse à une lecture plus concentrée. Ce qui pour ma part a entraîné une immersion totale dans le récit.
Verdict : J'ai trouvé ce roman passionnant. À peine commencé j'avais envie de le lire d'une traite et une fois les dernières pages en approchent, j'ai rationalisé ma lecture pour ne pas le finir trop vite.
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