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Chez les Sonnino, une famille de la bonne bourgeoisie juive romaine, figure au premier plan Bepy. à la sortie de la guerre il préfère oublier le « clownesque couple » Mussolini-Hitler et ses méfaits pour revenir à une scintillante et futile existence dans laquelle les femmes, surtout celles de ses amis, occupent beaucoup de place. Il ne comprendra jamais pourquoi son fils cadet Teo, doué et séduisant, choisit d'aller vivre « dans ce pays insensé dénommé Israël ». Heureusement son aîné, Luca, s'inscrit dans la lignée paternelle : manteau croisé en cachemire, Porsche Carrera et fréquentation assidue de la business class. Quant à son petit-fils Daniel, le narrateur, issu d'un improbable mariage mixte, il est pris dans un insoluble dilemme : « être juif pour les gentils » et « gentil pour les juifs ». Handicap auquel viendra s'ajouter sa timidité sexuelle et son incapacité à entreprendre la belle Gaia, dans le tourbillon de la jeunesse dorée romaine.
Pas facile l’adolescence, quand on y est coincé entre un Apollon et une nymphette, surtout lorsqu’on est inhibé, fétichiste et fervent onaniste.
Le narrateur me fait penser à un Dustin Hoffman du Lauréat qui n’aurait pas eu la chance de se faire déniaiser par Mrs Robinson. Il y aurait bien la mère de son meilleur ami pour tenir le rôle d’Ann Bancroft : « Je ne me désintoxiquerais jamais complètement du cocktail aphrodisiaque dont je ne cessais d'énumérer intérieurement les ingrédients: quarante-deux ans, blonde, polyglotte, évaporée, snob, habillée haute couture, sujette aux sautes d'humeur, et absolument belle. » Mais hélas…
« Je crains que la dame n'ait répondu à ma vénération par le détachement; ces années se distinguent dans ma mémoire par ma vocation à fréquenter des gens capables de faire ressortir mon inutilité, mais personne n'a réussi à m'offrir une impression aussi vive de mon insignifiance humaine que Karen Ruben. Dire qu'elle ne me considérait pas comme un interlocuteur possible est un euphémisme; je n'existais tout simplement pas. Je n'appartenais pas à cette planète.»
Avant de nous livrer le fond de sa vie sentimentale, il nous offre la description réjouissante de sa famille et de son cercle d’amis, tous issus d’une bourgeoisie romaine très aisée. C’est brillamment réussi tant les portraits sont savoureux avec la généreuse dose d’acidité qui fait les bons cocktails : « Frivolité, sarcasme, effronterie, tendance au sophisme, aux faux-fuyants et au dépassement de crédit, imprudence, incapacité d’évaluer l’effet de ses actes, prodigalité, obsession sexuelle, désintérêt pour le point de vue d’autrui, réticence à reconnaître ses torts, force de caractère affichée qui n’est que faiblesse, et surtout une variété d’optimisme qui confine à l’irresponsabilité : ce n’est là qu’une dose infime du mélange avec lequel ils ont l’habitude de vous flouer et vous mettent le dos au mur, le microbe avec lequel ils intoxiquent votre organisme, mais aussi la cocaïne avec laquelle ils vous font planer. »
Il y a le malicieux portrait du grand-père, flambeur, flagorneur, séducteur impénitent convoitant et empruntant les femmes des autres, de préférence celles de ses amis, banqueroutier sans scrupules ni remords. Il y a les parents. Le père toujours par monts et par vaux, toujours attendu avec impatience, toujours regretté sitôt parti, la mère attendant l’éternel retour de son Ulysse, l’oncle rebelle, l’associé et rival de son grand-père, les amis de collège et de lycée, les premiers émois amoureux et les premières désillusions qui vont avec.
Pour rester dans l’analogie cinématographique, et puisque de la Via Condotti à Cinecitta il n’y a guère plus loin que du Capitole à la Roche Tarpéienne, osons dire que ce roman se situe quelque part entre Les Vitelloni et la Dolce Vita, trente ans plus tard, avec quelques années en moins pour les protagonistes et une bonne dose d’humour en plus. Avec un suicide à peine évoqué, un adultère supposé, deux enterrements, des rivalités, quelques mesquineries, des réceptions fastueuses, une jeunesse dorée, une flatulence malvenue, un amour platonique déçu et un petit scandale de rien du tout, on pourrait trouver le sujet bien mince. Sauf qu’il y a ce formidable talent de conteur, capable de vous faire feuilleter ce qui pourrait ressembler à un hebdomadaire de la vie mondaine sans photos avec le même ravissement que celui de votre première découverte de l’Iliade. C’est mon troisième « Piperno », les sujets sont voisins (la famille juive, l’adolescence, les amitiés de jeunesse, le grand-père ou le père indigne, les aléas de la fortune) le talent est toujours présent et le plaisir intact. Les pages se tournent, c’est drôle, inventif et caustique. Le ton général plein d’un détachement ironique, dont le narrateur est la première victime, rend la lecture aussi agréable que passionnante jusqu’à la chute finale qui, comment dire, est assez culottée !
Comment résister à l’envie d’inciter ceux qui liraient ce billet sans avoir jamais ouvert un « Piperno » à franchir le pas (ou le Rubicon) ? Impossible. Alors terminons avec une dernière citation :
« Voici l’histoire de la fête d’anniversaire de Gaia, entrée dans les annales – avec ma contribution déterminante – comme la plus désastreuse et la plus inoubliable. Voici l’histoire de ma fin. De ma révolution manquée. De mes démissions de fils à papa. Voici l’histoire du deuxième juif crucifié avec juste raison par une oligarchie de Romains. L’histoire de ma crucifixion, après laquelle je n’allais jamais pouvoir ressusciter. L’histoire de mon expulsion du jardin d’Eden, l’histoire que depuis le début je me proposais de raconter avant de m’égarer dans un labyrinthe de digressions inutiles. »
Grandeur et décadence !
La société juive romaine dans toute sa splendeur.
Du grand-père, Casanova invétéré, flambeur, sans moralité, au petit-fils, Daniel, une famille d’où ressortent tous les excès du « mâle » italien et toutes les caractéristiques du comportement juif.
Les personnages, aux personnalités outrancières, sont presque caricaturaux.
La seconde partie est plus réservée à Daniel et ses amours malheureuses.
Voilà une famille passée au peigne fin. Trois générations s’y succèdent, avec des sauts dans le temps, de telle façon que l’on s’y perd un peu.
Choquant parfois, excessif souvent, un peu brouillon, mais très intéressant.
Que voilà un roman roboratif ! Ecrit il y a une dizaine d'années par A.Piperno, écrivain italien quelque peu dérangeant pour la bonne conscience universelle , ce livre raconte l'histoire de trois générations de la bourgeoisie juive romaine, dans deux familles différentes
La génération du grand père Beppy Sonnino , homme flamboyant et admiré par tous, flambeur jusqu'à la déroute, Puis celle de ses fils, l'un part en Israel, l'autre suit les traces de son père et enfin celle de Daniel ; le petit fils parti aux Etats-Unis, écrivain plus ou moins doué. Celui ci revient en Italie pour l'enterrement d'un homme qui fut le collégue de son père , et chez qui Daniel a passé une partie de son adolescence , mais surtout chez qui il est tombé amoureux de Gaïa la petite fille.
Un amour bizarre, contrarié, enfin celui d'un jeune garçon qui se cherche;leur histoire, ou plutôt les illusions de Daniel s'effondreront lors d'un anniversaire de Gaïa, quiverront des tableaux vrais ou faux du Caravage en subir les conséquences.
C'est avec une verve exubérante que ce roman est écrit, avec truculence parfois, j'y ai vu surtout une critique d'une certaine classe sociale romaine , de l'antisémitisme aussi je le crois , même teinté d'ironie, quelques belles attaques sur P.Roth le font penser.
J'avais adoré Persécutions mais là, on est rapidement noyé sous un horrible jargon où les métaphores et les comparaisons prennent le pas sur l'histoire. Je n'avais jamais vu autant d'adjectifs à la page !
Délicieusement politiquement incorrect. Drôlissime, souvent féroce et caustique, Alessandro Piperno n'en est pas moins prolixe pour décrire cette famille romaine, dont le narrateur Daniel Sonnino, nous raconte comment à travers une adolescence foireuse et ses frustrations de masturbateur fétichiste, il perçoit les hommes de sa famille, et examine ce qui a pu les conduire à leur perte. Et celle de Daniel porte le doux joli nom de Gaia.
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