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Les restaurations effectuées en 1973 et 1974 dans l'église inférieure d'Assise ont révélé un monde neuf, à peine concevable. En 1981, le père Gerhard Ruf, franciscain demeurant à Assise depuis plus de vingt ans, fit paraître pour le public de langue allemande le recueil complet des fresques ainsi réanimées. Le présent ouvrage reprend l'ensemble de ses magnifiques photographies, offrant ainsi pour la première fois au public francophone la reproduction intégrale des fresques. Le lecteur trouvera ici plus qu'un livre d'art. Guy Lobrichon, historien spécialiste du Moyen Age, informé des recherches les plus récentes, brosse un tableau particulièrement vivant de la période qui va de la mort de François d'Assise (1228) à 1320, date à laquelle furent suspendus les travaux : une histoire complexe et mouvementée s'y joue, qui n'est autre que l'histoire de l'Ordre franciscain telle que la voulait sa majorité au pouvoir. Instigateurs passionnés de la transmission picturale de l'expérience du fondateur, les personnalités de génie qui se succèdent à la tête de l'Ordre surent intéresser à leur projet à la fois papes et artistes. Le pouvoir des uns put ainsi s'allier au talent des autres pour faire du tombeau du Poverello le plus riche joyau d'un nouvel art chrétien. Du corps mort du saint jaillit alors, par la subtile magie des couleurs et des formes, l'enseignement d'une vie transfigurée. Quant à parler d'une idéologie franciscaine constituée dès le départ, mieux vaudrait s'en garder. Il existe bien un esprit originaire, mais il s'est diversement incarné. Et chaque génération déposa son empreinte sur les murs du mausolée. Aussi doit-on déchiffrer dans les fresques d'Assise l'intervention de deux équipes d'entrepreneurs. La première oeuvra autour de 1260 sous la direction du Maître de Saint-François : elle fit valoir les séductions puissantes d'un saint devenu l'Autre Christ. Cinquante ans plus tard, vers 1310, la seconde porta à la scène un François définitivement expurgé de ses traits messianiques, un saint enfin normal et néanmoins plus triomphant que les autres, ainsi qu'il convenait au fondateur de l'ordre religieux qui marqua si profondément la fin du Moyen Age. De la nef de l'église inférieure à son transept, deux univers mentaux se font face : ce sont deux portes, deux pèlerinages, deux foyers autour desquels gravite sans fin l'expérience insaisissable des premiers franciscains. Foyers divergents : leur différence n'est pas occultée, elle s'exhibe sans vergogne. Mais l'essentiel demeure, fermement souligné, et c'est la volonté de manifester l'unité franciscaine, à la suite de saint François et dans la conformité au Christ. La figure du Pauvre se dresse désormais, immortalisée à la voûte de la basilique, offerte à la dévotion des fidèles, non plus en haillons, mais parée de l'adoration de ses fils, sous le manteau d'or du saint dans sa gloire, la gloire de ceux qui voient la face de Dieu.
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