Les chroniques sont en ligne ! A découvrir pour avoir des idées de lecture...
Un inspecteur de police auditionne une jeune femme, Alice Delcourt, soupçonnée du meurtre de son ancien chef de service, Samuel Tison. Nous apprendrons au fil de l'interrogatoire qu'elle a été harcelée par Samuel Tison, et que c'est peut-être là le mobile du crime, si crime il y a eu. Le roman tout entier tourne et retourne la question de la violence au travail. Comment réagir ? Avec quelles armes ? Celles de la légalité, par le recours à la justice, celles de la violence, en usant de la loi du talion ? Que faut-il faire ? Se venger, porter plainte, tuer, se tuer, dénoncer ? En témoignant, Alice Delcourt inventorie, en détails, toutes ces questions, et les émotions qui les accompagnent : peur, effondrement, haine, révolte, désir de vengeance.
Si le roman met en scène une enquête, ce qu'il exprime avant tout c'est le besoin qu'éprouve Alice d'être entendue. Jouant du champ/contrechamp, Stephanie Chaillou émaille la déposition de textes brefs, éclatants qui racontent les souvenirs, les espoirs, les fantômes et les peurs d'Alice, tout un arrière-monde qui permet de la localiser autrement que comme coupable et victime.
Les chroniques sont en ligne ! A découvrir pour avoir des idées de lecture...
Plus que quelques jours avant les premières chroniques de nos #explolecteurs, venez découvrir les avis de la page 100 !
Alice ou le choix des armes est un récit qui ne laisse pas indifférent·e : il dépose sur moi une empreinte en demie-teinte au point de ne pas savoir véritablement si j’ai apprécié le livre. Stéphanie Chailloux offre un récit quelque peu insondable dont la composition, énigmatique et troublante, est toutefois très éveillée : l’auteure fait le choix narratif de segmenter ses propos en deux tableaux, d’une part l’interrogatoire mené par le personnage du policier -en retrait malgré le fait qu’il soit le conteur du roman- et d’autre part, des inserts -qui me semble-t-il se veulent poétiques mais qui restent hermétiques- nichés à chaque fin de chapitre. Cette esthétique architecturale, prometteuse au demeurant, met selon moi en péril l’essence du roman et dessert le caractère emphatique des propos. Ce huis-clos psychologique fait la dissection du piège qu’enferme les victimes d’harcèlement moral au travail, mais au gré d’un détachement proche de l’abnégation qui provoquera un certain malaise chez le·a lecteur·rice. En outre, l’entretien entre les deux protagonistes paraît peu crédible du point de vue du dispositif quand bien même il permet de tendre un fil d’ariane accompagnant le·a lecteur·rice. Pour autant, l’auteure parvient à retenir ce·tte dernier·ère dans cet espace feutré duquel découle in fine une relative sensibilité. C’est en définitive une lecture qui a je pense atteint son but premier, celui d’interroger et d’intriguer son lectorat, qu’il y prenne du plaisir ou non.
Alice Delcourt est entendue par la police dans une affaire de meurtre. Son ancien chef de service, Samuel Tison, est retrouvé mort. Or, Alice pourrait avoir un mobile sérieux. Elle a démissionné de son travail suite au harcèlement moral opéré par Samuel Tison. Cet interrogatoire est l’occasion pour elle de faire entendre sa voix, de raconter sa version de l’histoire.
Il n’y a pas besoin d’en dire plus sur l’histoire car il ne faut pas vous attendre à un roman policier ou à suivre une intrigue autour de cette mort. Il n’est finalement pas question ici de déterminer si Alice est coupable et qui a tué Samuel Tison. Sans se préoccuper des questions de l’enquêteur, elle va dérouler le fil de son histoire, comment tout a commencé : les mises à l’écart, les remarques acerbes, les brimades, etc mais en toute discrétion bien sûr.
Cependant, je trouve que Stéphanie Chaillou a privilégié la forme au fond. Ma première impression à la lecture fut celle de lire un exercice de style : par le choix de narration, le travail sur l’écriture et finalement le fait que le sujet soit plutôt survolé. A chaque date, nous avons le récit d’Alice et pour clore chaque journée, quelques lignes hors récit nous parlent du « théâtre d’Alice ». Ces parenthèses très oniriques ont un lien plus ou moins évident avec l’histoire et pour être honnête, je les ai laissées tomber à la moitié du roman. Cette partie de l’exercice m’a laissée un peu perplexe parfois.
C’est une lecture qui est en demi-teinte pour moi. Je trouve dommage de ne pas avoir plus approfondi le thème du harcèlement moral qui m’aurait vraiment intéressée. Le récit tourne un peu en rond sur la fin à cause de cela je pense. Néanmoins, le projet d’écriture et la narration sont intéressants.
Ce court roman de 135 pages est frappant de réalisme et se lit très facilement. Sous couvert d'une enquête policière, Stéphanie Chaillou décrit parfaitement le harcèlement au travail, les réactions de la hiérarchie (qui "couvre" le harceleur), tout ce que subit la personne harcelée et l'obsession qui s'installe, et tente d'analyser les raisons de ce harcèlement. J'ai subi moi même ce phénomène il y a quelques années (arrêt maladie de 10 mois, mise sur la touche de l'équipe à mon retour puis éviction définitive pour un nouveau départ en bas de l'échelle, lente reconstruction personnelle...). Ce livre m'a donc beaucoup parlé et comme le dit très bien Alice, c'est le harcelé qui donne l'autorisation au harceleur de faire son oeuvre. Je regrette de ne pas avoir pu lire ce livre à ce moment là de ma vie car j'aurais pu et peut-être su me défendre mieux, j'espère qu'il pourra aider d'autres personnes à ne plus subir. Ce livre devrait être distribué aux salariés de toutes les entreprises par les médecines du travail lors des visites bisannuelles.
Mes phrases préférées :
- Elle qui avait un problème, elle et pas lui
- Ce qui l’avait troublé, me dit-elle, c’est qu’elle avait mesuré qu’en fait elle n’avait rien compris. Pas du tout compris le jeu, les règles du jeu. Celles que tout le monde jouait, appliquait.
- Après la sidération, la peur et la colère, elle n’avait plus éprouvé envers Samuel Tison, envers ce qu’il était en train d’essayer de faire, contre elle de mettre en œuvre, que haine.
Haine et mépris
Livre déconcertant, qui n'est pas, je le précise dès mon entame de chronique, un roman policier, bien qu'il se déroule en huis clos au commissariat. Déconcertant, parce qu'il débute très bien, dans un certain suspens, une tension puisqu'on ne sait pas trop où l'auteure et son héroïne veulent nous emmener, et que le rythme et le style de la romancière sont très prometteurs, et parce que ce qui m'a plu au départ a fini par me lasser. Heureusement que l'ouvrage ne fait que 136 pages, sinon, je crois que je ne serais pas allé au bout.
J'aime bien la construction en petits chapitres, un par jour d'audition. J'aime bien aussi le style fait de phrases hachées, qui collent au monologue d'Alice, qui sans doute, comme beaucoup d'entre nous, ne finit pas sa phrase avant d'en entamer une autre : "L'impression aussi que le mécanisme dont elle tentait de rendre compte, ce mécanisme ancré dans la réalité, avec ses étapes, ses effets, ses retentissements. Ce mécanisme, mené par Samuel Tison avec constance et détermination. L'impression donc, que ce mécanisme, pour eux, ne correspondait à rien, ne représentait rien." (p.51) Et puis parfois, ce procédé m'agace, parce que les phrases n'ont pas de sens -on dirait du C. Angot : "Il vivait qu'il régnait sur elle, sur eux, comme sur une basse-cour d'êtres vivants mais faibles et invertébrés." (p.87/88) Dans le même genre, j'ai aimé les répétitions du premier extrait. Stéphanie Chaillou en use pas mal, mais parfois, ça fait grincer des dents : "Les limites de ce qu'elle pouvait faire, de ce qu'il était possible d'assumer qu'elle fasse, qu'elle ferait, qu'elle avait fait aussi. Et elle n'était pas prête à faire n'importe quoi, me dit Alice Delcourt." (p.98/99) Là, je pense qu'elle atteint également les limites de cet autre procédé, le sens est altéré, et la phrase franchement très moche. Déconcertant donc parce que ce qui plaît au départ finit par fatiguer, l'auteure tire trop sur la corde. Déconcertant enfin, parce que je n'ai pas compris les fins de chapitres qui parlent du théâtre d'Alice, je ne dis pas qu'elles ne sont pas belles, mais elles arrivent de manière... déconcertante et ne m'ont rien apporté.
Néanmoins, je dois dire qu'à travers les questions de l'inspecteur et les réponses d'Alice, se révèle une femme qui ose dire ce qu'elle a subi. Le harcèlement moral n'est pas un sujet beaucoup traité dans le roman, je sais gré à Stéphanie Chaillou d'en parler, ce n'est pas facile, et malgré toutes mes remarques précédentes, c'est plutôt bien fait. De la même manière qu'Hugo Boris parlait des gardiens de la paix, dans son roman Police, de ceux qu'on ne voit pas, qui font le sale boulot, elle parle des petites gens, de nous les lecteurs, de ce qu'on peut vivre ou de ce qu'on entend autour de nous. Ce n'est pas une mode très partagée, les romanciers parlant souvent d'eux-mêmes ou de leurs congénères.
Publié dans Roman
Explorateurs de la rentrée littéraire 2016 - RDV de la page 100
Alice Delcourt est entendue pendant tout le livre par l'inspecteur de police François Kervelec, au sujet de la mort de son ancien supérieur hiérarchique, Samuel Tison qu'elle avait poursuivi pour harcèlement au travail.
Les grandes forces de ce livre sont la précision avec laquelle Stéphanie Chaillou décrit l'apparition puis les dégâts du harcèlement moral au travail, la souffrance psychologique mais aussi l'emprise et la manipulation du supérieur hiérarchique, et enfin l'isolement dans lequel Alice se retrouve quand elle s'oppose à lui.
Plus qu'un roman policier, il s'agit du témoignage d'Alice, qui trouve dans cette enquête l'occasion de se faire entendre, droit qui lui avait été ôté par Samuel Tison.
Parmi mes regrets, le style souffre à mon goût de trop de répétitions, et le théâtre imaginaire d'Alice, une idée très originale en fin de chapitres, n'offre finalement pas d'éclairage supplémentaire.
A la page 100, l'histoire n'évolue pas vraiment. Les trente dernières pages nous dévoileront-elles une surprise?
Explorateurs de la rentrée littéraire 2016 - Chronique
Alice ou le choix des armes traite du problème du harcèlement au travail.
Alice Delcourt est entendue pendant tout le livre par l'inspecteur François Kervelec, au sujet de la mort de son ancien supérieur hiérarchique, Samuel Tison, qu'elle avait accusé de harcèlement moral deux ans auparavant.
Plus qu'un roman policier, on comprend très vite qu'il va s'agir du témoignage d'Alice qui trouve dans cette enquête l'occasion de se faire entendre, droit qui lui avait été ôté par Samuel Tison.
Quelles armes utiliser pour se faire entendre quand la voie administrative vous a fermé les portes?
A travers des phrases courtes et des mots percutants Stéphanie Chaillou transcris avec une grande précision et intensité l'apparition puis les dégâts du harcèlement moral au travail, la souffrance psychologique mais aussi l'emprise et la manipulation du supérieur hiérarchique, et enfin l'isolement dans lequel se retrouve Alice quand elle s'oppose à lui.
Au delà du pur harcèlement moral, ce livre aborde la recherche de la place de chacun dans la société, ainsi que les notions de culpabilité et de résilience, et donc de vie.
Parmi mes regrets, un peu trop de répétitions qui expliquent pourquoi je me suis parfois ennuyée, et le théâtre imaginaire d'Alice, une idée très originale en fins de chapitres mais qui n'apporte finalement pas d'éclairage supplémentaire.
Au total, un livre qui traite d'un sujet de société très actuel mais manque peut être d'originalité.
Explorateurs de la rentrée littéraire 2016 - RDV de la page 75
Déjà la moitié du roman lu, il est vrai qu'il se lit rapidement. On plonge dans le harcèlement moral au travail en découvrant l'histoire d'Alice, consignée par l'inspecteur de police qui l'interroge. En effet, le harceleur d'Alice vient d'être assassiné. L'enquête se dessine avec le témoignage d'Alice. Pour autant, si l'écriture de Stéphanie Chaillou est esthétique, le côté haché me gêne et je me sens en dehors du texte. Pour le moment, je n'arrive pas à entrer dans le roman et il me laisse plutôt froide.
A voir ce que cela donnera par la suite.
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Si à l’annonce de la 4e de couverture, on s’attend à une enquête suite à un meurtre, Alice ou le choix des armes ne peut pas vraiment se résumer à cela. En effet, ce n’est pas franchement une enquête qui se déroule sous les yeux du lecteur mais plutôt une succession de rencontres et d’interrogatoire avec Alice, ancienne employée martyrisée d’une entreprise. Mais pourquoi elle ?
Alice a été harcelée psychologiquement par Samuel Tison, son ancien cadre de service, qui a été retrouvé assassiné. Pas d’enquête au sens propre donc, mais plutôt une vision du harcèlement dans l’entreprise qui se met en place grâce aux témoignages d’Alice. Petit à petit, la mise en place du climat hostile dans le service d’Alice Delcourt se précise.
A première vue, je pensais avoir un roman sur le harcèlement moral dans le monde du travail. Je dois dire avoir été plutôt surprise par la forme du récit. En effet, finalement, plus on avance dans le roman, plus il nous semble lire un exercice de style plus qu’un roman classique. L’écriture esthétique de Stéphanie Chaillou est agréable à lire, à suivre. Pour autant, le côté haché de l’histoire peut rebuter, perturber voire même entraver la lecture. En effet, si ce type d’écriture permet de mettre en valeur les sentiments profonds d’Alice, il est pourtant plus difficile de s’attacher à l’héroïne. On s’intéresse donc davantage aux coulisses du harcèlement plutôt qu’à la résolution du crime (et à son mobile).
Il faut également noter un petit bonus en chaque fin de chapitre. Stéphanie Chaillou ajoute en italique, quelques phrases poétiques et légèrement obscures du « Petit théâtre d’Alice ». J’avoue y être restée malheureusement hermétique, comprenant parfois le lien avec le chapitre, parfois ne voyant pas forcément l’intérêt.
Ce roman n’aura donc malheureusement pas été un coup de cœur. Il n’est pour autant pas une déception. Juste un livre qui ne restera pas dans les annales de mes lectures 2016. Je ne doute pas qu’il trouve son public et le captive toutefois. Un beau roman à mettre dans les mains de lecteurs en recherche d’un quelque chose travaillé, privilégiant l’exercice de style à l’exercice narratif.
Les explorateurs de la rentrée 2016. Point d’étape de la page…61 sur 136.
"Alice ou le choix des armes" est, en effet un roman court. Mais la valeur d’un livre ne se mesure pas à son nombre de mots. Et sans présager de la suite, je suis déjà dans un état d’addiction totale. L’écriture, qui me semble parfaitement en accord avec les tourments d’Alice, personnage principal, l’analyse profonde et travaillée des sentiments qui la submergent sont de nature à m’entraîner vers la fin à un rythme effréné. Bon signe !
CHRONIQUE FINALE
Nous faisons la connaissance d’Alice Delcourt, personnage principal du roman de Stéphanie Chaillou "Alice ou le choix des armes" dans un commissariat de police. Soupçonnée du meurtre de Samuel Tison, son ancien chef de service, elle est questionnée par l’Inspecteur François Kerellec.
Présenté ainsi, on s’attend à un roman policier. Pourtant, il n’en est rien. Nous assistons seulement à l’interrogatoire d’Alice, jour après jour. Mais elle ne répond que très rarement. Elle parle, elle parle, elle raconte, elle se pose ses propres questions, elle réplique, les repose, elle tourne en boucle. Comment en est-elle arrivée là ? Comment les événements se sont-ils ainsi mis en place ? Comment ? Pourquoi ? A cause de qui ? Elle ? Samuel Tison ? les autres ?
D’emblée, je me suis laissée entraîner à la suite d’Alice, portée par l’écriture de l’auteur, rythmée, saccadée, heurtée, hachée. Véritable mantra fait de répétitions, flash-back, redondances. Phrases courtes, reprises, retournées, mélangées qui fascinent, captivent, hypnotisent. Et puis… petit à petit, le charme s’est rompu, je n’ai pas tenu la distance, les mots tels une rengaine, m’ont lassée. Certes, j’ai compris le désarroi du personnage, certes j’ai compris son envie de partager son vécu, sa souffrance, certes j’ai admiré la force de son témoignage, certes j’ai saisi sa volonté d’expulser ses tourments. Mais, trop classique peut-être, j’attendais autre chose, une réponse claire, une explication véritable, une fin plus tranchée.
Véritable phénomène de société, le harcèlement moral est abordé de main de maître par Stéphanie Chaillou. Pourquoi n’ai-je donc pas adhéré jusqu’au bout ? Peut-être parce que, au moment de cette lecture, je n’ai pu endosser le costume de l’empathie.
Explorateur de la rentrée littéraire - « Le rendez-vous de la page 100 » :
"Alice ou le choix des armes" est un roman court mais jusqu’à présent extrêmement abondant. Chargé de psychologie, d’analyse fine et poussée jusqu’au point d’entrer au plus profond du cerveau d’un harceleur. Ce roman pose le lecteur comme un client en rendez-vous chez le psy et étale un savoir rigoureux au sujet du harcèlement moral au travail. À la page 100, j’ai déjà lu 73 % du roman et je salue les capacités d’analyse et les connaissances de l’auteure à ce sujet. Mais je dois aussi avouer que la construction des phrases, leur ponctuation ainsi que le côté « haché » de la narration me dérangent terriblement. L’intelligence du texte est criblée de cette non-fluidité de l’écriture, ce qui est vraiment dommage.
Chronique complète :
Il s’agit ici de harcèlement moral au travail et c’est à travers l’interrogatoire d’Alice Delcourt, jour après jour, que nous découvrons et décortiquons ce Mal de la vie professionnelle.
Samuel Tison est découvert mort sous un pont, roué de coups et pantalon baissé. C’est alors que le commissaire en charge de l’enquête, François Kerrelec, reçoit une lettre anonyme dénonçant Alice Delcourt comme coupable du meurtre. S’en suit de longues explications souvent complexes d’Alice au sujet de son supérieur et des actes de torture mentale de celui-ci. Son absence d’alibi n’empêche pas la jeune femme de se livrer chaque jour dans l’enceinte du Commissariat, de faire le récit complet et rigoureux de ce qu’elle a subi toutes ces années, ces huit ans durant lesquels elle s’est soumise à cet homme avide de pouvoir, de puissance et de supériorité.
Le personnage du commissaire est tout d’abord assez effacé, comme s’il n’était présent que pour éviter un long monologue de la suspecte, afin d’entrecouper son récit. Mais j’ai apprécié ses interventions, même courtes et succinctes, car l’écriture y est plus fluide, les faits sont résumés et concis, ce qui tranche avec les textes précis et plus laborieux d’Alice.
Aux confins de la folie, il est disséqué ce que la violence morale engendre sur ses victimes et des mots forts sont employés tout au long du récit pour la désigner : « torture », « mépris », « terreur », « emprise », « manipulation », « humiliation », « guérilla professionnelle ». Les sentiments d’Alice sont mis à découvert, projetés dans une réalité difficile et rude. On accuse le coup et on prend connaissance des siens, ces salves psychologiques que Samuel Tison lui infligeait. Nous plongeons dans le cerveau du harceleur. Nous découvrons un personnage animal dépeint comme un prédateur.
C’est une véritable descente en enfer qui nous submerge de sentiments noirs, qui nous détaille les étapes de la dégringolade, la solitude dans l’épreuve, mais aussi la tardive prise de conscience de la victime.
Alice ou le choix des armes met donc le doigt sur les faits de la violence morale au travail et ses conséquences. Il s’apparente à un traité sur la psychologie de l’harceleur et de l’harcelé. Stéphanie Chaillou décortique avec intelligence les étapes de ce harcèlement et ajoute une pointe d’onirisme à travers de petits paragraphes réguliers et déroutants mettant en scène le « théâtre d’Alice », reflétant ses pensées et son état d’esprit de façon burlesque et poétique. Toutefois, je dois avouer que la ponctuation et la construction des phrases rendent la narration plus compliquée, hachée et répétitive. D’autre part, un manque de crédibilité se fait ressentir à travers un interrogatoire long qui s’étale sur un mois et demi, pendant lequel le commissaire fait preuve d’une improbable patience, laissant la suspecte partir à sa guise, revenant chaque jour pour ajouter de nouveaux récits à sa longue liste. L’enquête piétine et certaines longueurs s’en ressentent. On réalise qu’elle n’est qu’un prétexte pour traiter du sujet, il ne faut pas s’attendre à un roman policier. Mon avis est par conséquent mitigé, et le fait que le roman soit court le sauve d’un éventuel abandon. Cette lecture fut très intéressante mais a demandé beaucoup de concentration et d’exigence. La non-fluidité de l’écriture a mis en péril l’intelligence du texte, ce qui est fort dommage. Ce type d’ouvrage ne s’adresse pas à tous, mais surtout à celles et ceux qui apprécient les analyses fines qui se dissèquent avec lenteur et précision.
Encore un grand merci à Lecteurs.com ainsi qu'à tous les éditeurs sans qui cette merveilleuse aventure n'aurait pas lieu !
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