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Les contes de fées sont rares, en voici un.
Une vieille dame très digne, parfaitement désintéressée, seule héritière de son père qui en a fait la femme la plus riche de France, s'ennuie et s'enfonce dans l'indifférence depuis la mort de son mari. Elle n'a qu'une fille qu'elle voit peu. Une milliardaire sans divertissement est une reine pleine de misère.
Solitaire, elle est entourée. D'un personnel considérable et d'un bataillon de parasites. Elle a tout et ne veut rien. Le détachement où elle chavire semble inexorable.
Le conte de fées commence ici?: une rencontre de hasard au polo de Bagatelle va la ramener à la vie. Son sauveur est un personnage de Pasolini.
Grand garçon à talents qui pourrait être son fils, il enrage d'être pauvre et se démène pour ne plus l'être avec une fureur noire. Il a écrit plusieurs romans sans devenir Musso. Alors il s'est fait photographe, photographe de riches. Ayant remarqué que la richesse est souvent masochiste, il les insulte copieusement, en leur tirant le portrait, car il est doué d'un esprit d'enfer. La conjonction de ces deux arts en fait un personnage.
Au Polo, à peine a-t-il appris à qui il a affaire qu'il part à l'assaut de l'immense fortune incarnée devant lui. Une alchimie sans précédent démarre aussitôt. La vieille dame et le gigolo mûr sont bientôt inséparables. Il la distrait merveilleusement des conclusions de ses comptables qui lui annoncent continûment l'empilement sur ses milliards de centaines de millions... et l'ennuient à mourir. Aussi ne met-elle point de limites à satisfaire son bienfaiteur. (Un dimanche, par exemple, soucieuse de son âme, elle lui donne deux millions pour la suivre à la messe.) La fortune du photographe dépasse très vite, de très loin, les trois mille euros mensuels qu'un président de la République fixait récemment comme base à toute richesse.
Quand l'amuseur se fait instituer son légataire universel, les proches de la donatrice attaquent cette disposition. La justice leur donnera partiellement raison.
La vieille dame n'a rien détourné de ce que ses proches pouvaient espérer d'elle. Comme la sienne, et en même temps, leur fortune n'a cessé de grandir, quant à celle du fauteur de trouble, elle n'a pas été strictement volée?: toute peine mérite salaire.
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