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Est-ce parce qu’il a qualifié son bœuf bourguignon de ragout que Manako a assassiné son dernier amant ? Quoi qu’il en soit, la femme nie le meurtre, tout comme elle affirme ne pas être responsable de la mort de deux de ses autres amants. Pourtant, elle est en prison, dans l’attente de son procès en appel, refusant toutes les interviews aux journalistes qui lui font la cour.
Fascinée elle aussi par ce personnage, Rika, jeune journaliste ambitieuse, réussit à obtenir une entrevue en lui parlant de cuisine. Là voilà donc face à l’énigmatique Manako qui accepte de se livrer à condition que Rika se prête à un petit jeu culinaire.
Elle, qui jusqu’ici se contentait de plats à emporter vite avalés entre deux reportages, va être initiée à la grande gastronomie, en commençant par concocter des plats simples que lui dicte la détenue. Pour ensuite venir raconter ses sensations à Manako qui goûte tous ces délices par procuration.
Mais Manako aime le gras, le lourd, le consistant et Rika prend du poids. Son corps change et le regard des autres aussi.
Etrange roman que ce Beurre de Manako qui mêle allègrement féminisme, gastronomie et enquête.
On y rencontre deux femmes avec des visions totalement opposées. Rika est toujours célibataire et donne la priorité à son métier de journaliste. Elle entretient une relation sporadique avec un collègue mais déteste l’idée de se marier, de renoncer à ses ambitions pour devenir femme au foyer. Manako, elle, a manipulé bien des hommes en s’occupant d’eux comme une mère, les entourant de tendresse et leur concoctant de bons petits plats. Pour elle, hommes et femmes ne trouvent le bonheur que si ces dernières se mettent au service des premiers.
Il faut dire que la société japonaise n’est pas tendre avec les femmes. Le plafond de verre est au ras des pâquerettes, leur sexe est un frein à leur carrière. Les femmes travaillent, se marient et quittent leur emploi. Alors, à quoi bon leur proposer des postes intéressants ? Et puis, elles doivent prendre soin d’elles-mêmes. Grossir est synonyme de laisser-aller et, quand Rika prend du poids, les remarques fusent. Difficile de s’émanciper du regard des hommes dans cette société patriarcale, corsetée par les stéréotypes.
Rika va s’interroger sur Manako, une femme banale, enrobée, loin des standards de beauté et qui a pourtant fait tourner bien des têtes. Pour la comprendre, elle entame une enquête journalistique. La prisonnière reste énigmatique lors des interviews, mais la journaliste remonte la piste jusqu’à son village natal, interrogeant sa famille et ses anciens amis. Manako ayant toujours refusé de répondre aux sollicitations de la presse, elle pense tenir un scoop et finit par admirer l’objet de ses investigations.
Et bien sûr, le fil rouge est la gastronomie. Un monde qui n’a jamais préoccupé Rika. Elle va découvrir des saveurs, des recettes, des plaisirs inconnus. La cuisine française est à l’honneur mais le roman présente un large éventail, des plats les plus simples à une cuisine plus élaborée. Le récit en devient très charnel, les cinq sens participant à cette découverte. Plaisir de cuisiner, d’explorer, de goûter. Mais aussi plaisir de partager, d’offrir, de faire goûter…
Un roman intéressant par divers aspects mais qui souffre de quelques longueurs et répétitions. Cependant, la fin est belle et met à l’honneur l’amitié et la solidarité. Bilan mitigé.
Le beurre de Manako de Asako Yuzuki
Commencer un roman japonais pour moi c’est toujours mettre les pieds dans un univers inconnu dans lequel je n’ai pas les codes culturels, relationnels.
C’est souvent déstabilisant mais c’est toujours une immersion très agréable, souvent des romans dans lesquels je suis bien. J’ai adoré cette lecture et je l’ai trouvée magnifique et douce malgré la gravité des thèmes.
Rika est une journaliste célibataire qui a un amant qu’elle voit de temps en temps. Elle se consacre essentiellement à son métier de journaliste. Elle souhaite se rapprocher de Manako, une prisonnière accusée d’avoir assassiné ses amants. Elle réussit à l’interviewer mais sa relation avec la prisonnière devient obsédante et troublante. Les deux femmes vont se rapprocher grâce à la cuisine et aux demandes de plats que Manako va demander. Par ce biais, Rika découvre le plaisir de cuisiner, celui du goût, du partage autour de la cuisine et nous,lecteurs, bavons devant de beauté du style et des détails des recettes et du plaisir de dégustation. Mais la relation devient perturbante, elle change totalement Rika ainsi que ses relations avec son entourage. Derrière cette étrange relation, et l’enquête dans laquelle se lance Rika, notamment avec sa meilleure amie, l'autrice dresse un tableau de la société japonaise et de la place qu’y occupe les femmes. Un roman qui s’appuie sur un fait divers et nous dresse une relation déstabilisante avec une belle part accorder à la cuisine japonaise. C’est d’une finesse incroyable dans l’écriture comme dans les relations entre les personnages. C’est savoureux, envoûtant et troublant. J’ai adoré m'immerger dans ce roman aux côtés d’un personnage formidable, Rika, qui avec cette enquête se lance également dans une introspection sur elle-même.
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