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Claire arrive de Paris et s'installe dans dans ce couvent isolé au Liban afin d'assister Hortense, une dame d'un certain âge, dans sa thèse en sociologie. Le sujet de sa recherche est le suicide répété sur plusieurs générations, au sein d'une même famille.
Au fur et à mesure des jours qui passent, elles vont se dévoiler l'une à l'autre, se découvrir, se livrer à demi-mot sur les blessures qui les façonnent, sur les interrogations qui les habitent.
La nature a une place importante dans ce huis-clos : les orages, le vent, la pluie, la lumière, les odeurs, les couleurs, les sensations, tout les entoure à la manière d'un tableau.
Ce roman très court, où le temps est comme suspendu, est d'une très grande beauté et d'une très grande finesse.
Tout est sensation, délicatesse, poésie. La plume de l'auteur est douce et subtile. J'ai eu envie de rejoindre ce couvent, de me retrouver parmi elle, à boire un thé assise sur le tapis, à écouter l'orage et à regarder les montagnes, à respirer loin de toute agitation, à deviner ce qui se cache sous leurs confidences nébuleuses.
"Vous savez, les gens ont l'air d'aller bien mais chacun à sa nuit."
C'est une très belle découverte, qui fait du bien, qui repose et apaise.
Le sujet est assez étonnant. Une femme, la cinquantaine, clouée dans son appartement parisien par des tocs envahissant qui l'empêchent d'en sortir. Au bord du suicide, un sursaut la raccroche à la vie et elle téléphone à un psychiatre dont la voix l'a mise en confiance dans une émission de radio. S'en suit un dialogue construit comme un huis-clos entre cette femme au bord du gouffre et cet homme qui pourrait porter un espoir de résilience.
Si le récit en lui-même est quelque peu répétitif, il est porté par quelques pages d'une fulgurante poésie pour dire le désespoir et le retour vers la vie grâce à la relation virtuelle mais symbiotique entre les deux personnages. C'est beau de voir la femme se rendre compte qu'elle porte en elle sa capacité à guérir de ses blessures, à commencer par l'enlèvement et la disparition de son frère pendant la guerre civile libanaise.
Ce qui m'a le plus intéressée dans ce roman singulier, c'est justement son arrière-plan géopolitique. J'ai découvert, stupéfaite, l'interdiction officielle pour tout libanais de parler et d'être en contact avec un citoyen israélien. La femme est libanaise, exilée à Paris, le docteur est israélien. Leur conversation, même téléphonique, est donc interdite par l'article 285 du code pénal libanais. En 2017, le réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri a été entendu par un tribunal militaire au Liban, en raison d'un déplacement en Israël contrevenant à la législation du pays ( lors du tournage du film L'Attentat ) !
Forcément, ce dialogue interdit, pacifiste et guérisseur, prend une dimension symbolique. La Libanaise et l'Israélien se reconnaissent, dépassent ce mur virtuel absurdement imposé, sublimant la possibilité d'une réconciliation au Proche-Orient. L'idée est superbe et donne au titre une grande force.
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