On va parler de Poker, mais pas le classique, la variante que l'on nomme Texas hold'em. Je ne rentrerai pas dans les détails, on ne s'en sortirait pas et je ne m'y suis pas penchée plus que ça, mais ce serait une variante du poker ou chaque joueur reçoit deux cartes qu'il garde cachées, il devra faire une main à l'aide des cinq autres cartes étalées sur le tapis. L'American Airlines est le surnom donné à une paire d'as, quelque soit la couleur.
Nous n'allons donc pas aux Etats-Unis, mais la direction prise reste au moins aussi exaltante. J'ai une aversion particulière pour les jeux d'argent et autres paris en tout genre, en revanche le jeu par lui-même me fascine même si je suis loin d'en saisir toutes les subtilités. Nous allons suivre Julien Kirby, qui vient de quitter l'armée, et rentre chez sa mère et, sans argent, et se décide à se participer dans les parties clandestines organisées avec les gros joueurs, les riches accrocs à l'adrénaline, à la gagne, au suspens, au bluff. Les choses ne se passent pas comme prévu, en toute logique narrative, et Kirby va se retrouver avec le corps d'un oligarque russe, malencontreusement tombé dans les escaliers (et non, pour une fois, ce n'est pas Vladimir le responsable.). On connaît l'histoire, les oligarques russes ont les bras plutôt longs, cette mort inexpliquée n'est pas susceptible de rester longtemps inexpliquée. Quelques années plus tard, c'est une course effrénée de partie en partie que la vengeance posthume de l'oligarque mort va revenir façon boomerang dans la vie de Julien Kirby, et va finir en une fuite en avant dans les montagnes désertiques.
J'ai déjà eu l'occasion de lire un polar qui prenait pour décor les parties de poker clandestines, notamment Joueuse de Benoît Philippon : à la différence de ce roman-là qui prend pour décor les milieux plutôt privilégiés des femmes et hommes qui recherchent davantage le frisson et l'adrénaline du jeu, celui de Philippon se déroulaient davantage dans les tripots de lugubres arrière-boutiques. Ce qui m'a plu ici, c'est que notre protagoniste n'a rien du joueur surdoué, planqué, qui fait tapis à chaque fois et s'en sort avec un carré d'as, bien au contraire, il est plutôt du côté des dettes de jeu. La surdouée, c'était sa mère Michèle, qui l'a initié au jeu, grâce ou à cause de laquelle il est tombé dans la marmite. Pas de temps mort pour ce thriller qui va nous amener devant les tables de jeux les plus illégales qui soient jusque sur les routes du Luxembourg et les villages des montagnes enneigées. La nature même du poker attise généralement très bien la tension narrative : les dettes de jeu ne laissent guère place à la pitié et au repentir, on le sait, elles sont à la source d'un nombre non négligeable de règlement de compte en tout genre.
J'ai aimé ce roman parce qu'on a un Julien Kirby un peu sombre, légèrement déconnecté de la réalité qui l'entoure, un solitaire, qui finit par n'avoir plus rien à perdre. Que l'auteur ne prêche pas d'un optimisme béat et forcené, usant de tours et détours abracadabrantesques pour maintenir son personnage en vie : point de tueurs à gages tchétchènes à la poursuite de notre joueur malchanceux. On profite des quelques parties de cartes pour étancher notre soif du jeu, j'apprécie particulièrement de le faire par un intermédiaire qui prend les risques pour moi et qui, par la même occasion, explique au lecteur débutant le jeu et ses règles.
C'est un bon polar qui devient assez vite addictif, je ne pensais pas qu'il prendrait la direction qui fut la sienne en dernière partie de récit, et c'est, ma foi, un bon choix. le chapitre liminaire donnant à voir les quartiers pas des plus chics de Paris réussit à ancrer le roman dans une forme de réalisme bienvenue, loin des futilités décoratives, et peu subtiles que certains romans policiers peuvent être empreints. La littérature noire et française nous réserve décidément de bonnes surprises, loin des PJ, commissariats, sections de recherche diverses et variées.
L'enfer du jeu. Du poker. Si comme moi, vous n'y connaissez rien et ne vous y intéressez pas, ce n'est pas rédhibitoire. Certes, certains coups, certaines descriptions de parties ne vous feront pas saliver, mais le plus important n'est pas là. Le cœur de l'histoire c'est la relation de Julien et Charlène, rencontrée depuis plusieurs mois et les ennuis de Julien qui l'empêchent d'aller plus loin, le limitent et l'obligent à se questionner. C'est aussi bien sûr, les raisons pour lesquelles il est traqué et par qui. Personnage caractéristique des romans noirs, Julien est un taiseux, un joueur qui se méfie de tout et de tous, sans cesse à l’affût. Les autres intervenants font aussi dans le classique, la mère joueuse et escort, les autres joueurs... Charlène, tenue à l'écart de la vie professionnelle de Julien pour la protéger...
La trame du roman de Thierry Brun est familière, totalement dans le genre roman noir. C'est dans la forme qu'il fait dans l'originalité : il avance par ellipses, puis revient en cours de récit sur les raisons de tel ou tel acte. C'est au lecteur, de prime abord, de relier les faits entre eux avant que l'auteur ne donne plus de détails pour confirmer. J'aime bien, ça oblige à une lecture attentive, ce qui n'est pas très compliqué dans les romans de Thierry Brun qui sait comment nous emmener jusqu'au bout de ses histoires sans temps mort. Et par petites touches, se dessine le portrait d'un homme qui n'a pas pu ou pas su échapper à son destin, mais qui pourrait encore le faire. Quels choix va-t-il faire ? Roman noir efficace qui fait davantage dans l'introspection que dans l'action -même si certaines scènes sont très mouvementées- et qui débute doucement ainsi :
"C'est un bel après-midi de fin d'été. Son sac à l'épaule, Julien Kirby sort de la Gare de l'Est et laisse le parvis derrière lui. Il a faim, il a soif. On lui tape dans le dos. Le temps qu'il se retourne, le deuxième classe Bourdot le dépasse et court vers la file de taxis." (p.7)
L'agent de protection rapprochée Béatrice Fournier dit Épaulard est l'héroïne de ce polar noir. Elle travail au sein d'une équipe où elle est apprécie pour ses hautes compétences. Un jour pourtant elle accepte de faire cavalier seul pour un ancien client. Pour elle se sera le contrat de trop, celui où elle échoue à garder en vie une mère et ses deux fillettes. Elle même ne s'en sort que de justesse, commence alors une lente rééducation et une envie de tourner la page et de disparaître des radars. Elle pose ses bagages un temps dans le dernier hôtel de la petite commune de Mhère dans le Morvan. Elle y rencontre Pôl le curé de la paroisse, le seul avec qui cherchera à faire plus ample connaissance. Malgré le calme de la campagne, elle ressent toujours une menace qui plane au dessus d'elle.
Un personnage féminin déboussolée, en quête de sens, on ressent toute sa vulnérabilité sous la carapace de froideur qu'elle s'est forgée. L'auteur nous livre petit à petit des indices sur son enfance, son passé et on entre un peu dans sa vie. Je n'ai pas totalement réussi à m'attacher au personnage de Béatrice tant elle fait tout pour ne pas aller vers les autres et apprivoiser sa solitude, elle est douée pour ça. Un polar avec un côté rural qui nous réserve bien des surprises. Il y est surtout question de psychologie, de résilience, d'abandon mais aussi des laisser pour compte. Ce que je retiendrais, c'est surtout la solitude choisie où subie, celle de Béatrice mais aussi celle de l'hôtelier et du curé. J'ai aimé sentir la tension montée lentement, la menace se fait plus précise mais on ne sait pas de quel côté elle frappera. Le suspense est maintenu jusqu'à la fin pour un roman à la tension insidieuse. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2022/07/11/39531824.html
Ancien combattant à Sarajevo, ex-taulard, Thomas Asano tente un retour à la normal dans un coin perdu des Vosges. Il a un toit, un travail et la volonté de se faire le plus discret possible, fini la violence, sa conditionnelle n’y résisterai pas. Thomas bosse dur, il chasse aussi, il reste un excellent tireur. Thomas garde son amour disparu dans son cœur et dans sa tête toujours, à chaque instant elle peut lui apparaître même si aujourd’hui Elise, la fille de son patron, lui donne du plaisir. Son patron c’est le vieux con, qui n’arrête pas d’écraser le monde sous son talon. Le jour où il se retrouve avec une cargaison de cocaïne ne lui appartenant pas, Thomas répondra présent car il sait parfaitement de quelles façons tout peut dégénérer. Le passé de Thomas refait surface et il réendosse bien malgré les attributs du guerrier avec une facilité déconcertante.
Un texte rude, masculin qui nous parle des blessures de l’âme, de la culpabilité qui pourrit la vie. Thomas est parfaitement adapté à son milieu, la forêt, les animaux, le maniement des armes et la stratégie qui va avec. Le récit bascule dans la violence et Thomas n’a pas d’autre choix que d’y répondre pour sauver Elise. Ce texte n’est pas s’en rappeler celui de David Morell dans First Blood. Lorsque l’on subit, lorsque l’on n’est plus maître de sa destinée mais que le doigt dans l’engrenage vous avale tout entier.
Un roman noir, qui se déroule en pleine nature, pendant l’hiver dans le froid et l’humidité, le cadre donne aussi ce sentiment de solitude et de réclusion. Bien vite on appréhendera les autres comme une intrusion dans le monde de Thomas. L’auteur nous livre par touche tous les éléments dont nous avons besoin pour mieux cerner la personnalité attachante de son héros. On est vite happé par ce superbe récit. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2021/11/18/39162184.html
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