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Née dans la réserve de la Première Nation de Seabird Island en Colombie-Britannique ( Canada ), Terese Marie Mailhot se raconte avec une franchise intrépide et une honnêteté brulante. Sa voix surprend par une puissance qui transporte le lecteur de son enfance pauvre et dysfonctionnelle à ses errances amoureuses, de sa maternité rendue difficile par la perte de la garde de son premier fils, à son hospitalisation pour dépression dans un institut psychiatrique où tombe le diagnostic de sa bipolarité.
L'auteure évite les pièges du récit autochtone stéréotypé. Pas de folklore amérindien ici. Tout en évoquant profondément la condition indienne au Canada, elle dépasse la simple l'expérience autochtone transgénérationnelle avec comme boussole sa propre intériorité qui la distingue des autres amérindiens et la rapproche d'un universalisme partagé par le vecteur des émotions.
Entre froide lucidité et humour ironique, passant avec fluidité d'un registre à l'autre, Terese Marie Mailhot écrit pour reprendre le pouvoir sur la haine de soi qui la ronge. le parcours d'écriture qu'elle livre avec entièreté au lecteur est une sortie d'un chaos lié à des traumatismes douloureux difficiles à surmonter. Certains passages sont bouleversants, comme celui-ci évoquant les abus sexuels que son père lui a fait subir :
« Dans la douche, avant de savoir comment avoir peur ou me protéger, j'avais disparu. Dix minutes de ma vie avaient suffi à me tuer. Chaque jour je négocie les minutes de ma vie en me souvenant que je ne peux pas me souvenir assez. J'ai passé des heures à me convaincre qu'aucun enfant n'est détruit – et que la fillette à l'intérieur de moi valait la peine que je me souvienne d'elle avec tendresse. L'esprit de ma mère me guidait certains jours, me disait que rien n'est trop laid pour ce monde. Je ne suis pas trop laide pour ce monde. »
D'autres déploient une tendre subtilité pour dire la force du lien qui unit une mère à ses enfants. La sienne, assistance sociale et guérisseuse, affectueuse mais absente, débordée par des compagnons alcooliques et violentes, est décrite lors de passages superbes qui transforme le texte en éloge funèbre plein de douceur :
« Les hommes étaient destinés à blesser ma mère, dans la chair et dans le texte, et elle était mon sauveur. le langage n'était jamais juste. Même dans ce récit, je n'arrive pas à exprimer la pulsation qui émanait d'elle. Quand elle dormait, je ne pouvais pas m'en détacher, j'étais amoureuse de sa respiration bruyante. Elle dormait rarement, mais quand elle dormait, son sommeil semblait générateur et sacré comme l'hibernation d'un ours. Ses petites paumes étaient rouges de chaleur. Toujours, elle tombait endormie avec un livre sur la poitrine. C'était l'illumination de la lumière vivante. »
Avec sa prose de combat traversée de fulgurances expressives et de phrases qui claquent, Petite femme montagne exprime toute l'urgence d'une vie qui a été sauvée par l'écriture, d'une âme en ébullition qui propose une nouvelle façon de penser le passé, le traumatisme et la réconciliation avec soi hors des sentiers battus. Une lecture coup de poing écrite par une femme qui assume ses faiblesses et ses forces.
« Peux-tu me laver comme une sainte . Transformer la squaw en mère avec un visage, des pores et un corps, et une histoire personnelle positive ? Je veux mon grand coeur, mais plus sage et plus sûr, et propre. Ne peux-tu pas me laver ? Ou m'évider une bonne fois pour toutes ? Lave-moi dans mon estime personnelle et dans ma douleur, puis laisse-moi sécher. » ( S'adressant à son second mari ).
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