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Un sujet très intéressant à découvrir il me tente beaucoup ,à suivre
Étéri est une femme géorgienne, d’un petit village. Elle approche la cinquantaine et par voie de conséquence, sera bientôt débarrassée des remarques à propos d’un éventuel mariage ou les regrets qu’elle aura plus tard de n’avoir ni mari, ni enfant.
Cela l’énerve surtout quand ses amies si bienveillantes, semblent être aveugles à leur propre sort. Comme si elles étaient désireuses que leur amie rejoigne leur cohorte d’épouses et de mères peu épanouies.
Maintenant, ce sont les blagues sur la ménopause qui l’attendent…
Difficile pour les autres de comprendre que les joies d’Étéri et ses choix sont plus atypiques : elle est propriétaire de son petit magasin, elle épargne pour pouvoir profiter de sa retraite et surtout, elle se délecte de confitures de mûres.
Et c’est ainsi qu’un matin, elle décide d’aller cueillir des mûres pour l’hiver. Mais ce qui devait n’être qu’une simple balade manque de tourner au drame quand notre personnage principal manque de se noyer.
Et c’est là, sous le choc de cet accident, qu’Étéri va découvrir la passion entre les bras d’un livreur…mais n’est-elle pas en train de commettre une grave erreur ?
Ce roman géorgien, servi par une couverture magnifique, est une dénonciation de la condition des femmes. Entre celles qui sont malheureuses en couple, mariées contre leur gré, coincées entre leurs devoirs de ménagères et leurs boulots, et Étéri qui est mal vue car célibataire.
L’autrice montre à quel point le bonheur des femmes est fugace, que très vite leurs rêves et espoirs se trouvent confrontés à la nécessité d’engendrer un héritier. Leurs destins sont confisqués par ce que la société attend d’elles.
Ce livre, qui à travers les pages, nous expose les pensées de la presque cinquantenaire, son monologue intérieur, tour à tour émouvant, cru, cynique.
Ce roman permet également de mieux comprendre la vie dans les petites villes géorgiennes loin de Tbilissi.
Mon seul bémol concerne la dernière partie du roman qui, je trouve, souffre de longueurs.
Néanmoins, j’ai apprécié cette lecture qui offre une vision intéressante de la société géorgienne.
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Posséder ce livre, c’est comme se voir offrir une corbeille de mûres sucrées et juteuses.
Splendide, magnétique, « Merle, merle, mûre » est le fronton d’une histoire belle et triste.
D’une élégance rare, c’est le portrait sensible et sublime d’Étéri qu’on aime d’emblée de toutes nos forces.
Solitaire, célibataire, elle cueille des mûres sauvages comme un rite.
« Et savez-vous ce qui m’a sauvée l’hiver dernier, ce qui m’a permis de survivre ? Ma confiture de mûres ! Non, vraiment, je dois avouer que cette confiture de mûres était la seule raison pour laquelle j’arrivais à me lever le matin, cette confiture et du pain tout chaud…. Voilà, lorsque j’aurai traverser le pont, les mûres commenceront à luire dans les fourrés de ronces ».
Dans cette aube auréolée de silence, elle cueille les mûres. Rite pavlovien , « je cueillerai les mûres avant elles ». Mais le seau sombre dans le fleuve Rioni. Elle perd l’équilibre et manque de se noyer. Elle ressent un déclic en plein cœur. Sa vulnérabilité mise à nue.
« Bon, enfin, me voilà déjà chez moi, mais pourquoi mes jambes tremblent-elles ainsi ? .
Étéri reprend des forces. Elle va bousculer son quotidien réglé comme une pendule. Seule trop longtemps, son père et son frère décédés, elle qui a depuis ses plus jeunes années été domestique dans la maisonnée comble d’hommes. Bien plus tard, elle achètera une petite parfumerie. Entre les savonnettes, les lessives, les clientes, comme des courtes visites. Elle retient tout. Elle est de mimétisme. Elle se fond dans le décor de ce village géorgien. Mais voilà, le risque de mourir, a bousculé ses jours. Elle pressent en elle, cette foudre qui la blesse. Elle remarque le spartiate de sa vie. Elle a faim d’amour et soif de désir. Elle veut s’éveiller. Elle sait l’urgence de l’heure. L’aube de ses cinquante ans est une robe sombre, laide et frustrante. Étéri va saisir l’opportunité de ses fragilités. En faire une force implacable et assouvir à grandes enjambées ce qui lui a toujours manqué : l’accolade d’un homme. « … Je le regarde, à genoux devant moi. Il me fait penser à un oiseau, à un oiseau de proie, mais un bon oiseau, gentil, serein. Je sens son odeur malgré la puanteur que dégage la lessive en poudre, l’odeur de son après-rasage, l’odeur de sa peau. Je sens l’odeur d’un être humain , d’un homme ! ». Elle est dans cette supériorité de clairvoyance. Elle ose le printemps. Se laisse apprivoiser par le livreur de lessives. L’émancipation comme une étoile de mer sur son cœur. Elle s’éveille à la cartographie de son corps. Désirable, malgré ses vieux habits et sa disgrâce brouillée par le manque d’une gestuelle masculine. Elle perce au grand jour l’abcès des silences. Les habitudes chamboulées, qu’importe si le lait déborde. Elle cache tout aux voisins qui épient ses faits et gestes. Elle met en sourdine cette mélopée viscérale qui fait rougir ses lèvres et briller ses yeux. Elle est l’écho entendu, enfin. Elle retient dans ses mains, cette relation adultère, avec ce livreur de cinquante ans et plus, grand-père aux cheveux blancs, un peu maladroit et fou amoureux d’Étéri.
Somptueux, grandiose, émouvant, l’idiosyncrasie géorgienne dévoile ses secrets. Les habitus, les coutumes, les petites manies, les faux-semblants. L’ère d’un conformisme où pas un faux-pli n’est visible. Nous sommes dans le charme de l’innocence, un couple qui se découvre dans les rebords d’une Géorgie empreinte de quand dira-t-on et de commérages. Étéri va être de panache et de romantisme. Sa vertu existentielle, elle va vivre une passion absolue.
« Je ne t’emmène pas n’importe où, tu sais ? Ses yeux verts brillent de plus en plus. -Je veux te montrer un endroit magique, magnifique, un endroit où il n’y a personne ! Je vais te montrer le Vardzia de l’Iméréthie ! ».
« Merle, merle, mûre » est une épopée gracieuse, sentimentale. Innovante car intuitive. Sa fulgurance est pudique. Stylistiquement brillant, nous sommes dans l’orée d’un féminisme qui se révèle au monde. Le portrait d’une femme-merle, avec ses petites manies qui sont autant de tartines de confiture de mûres. C’est l’envol d’une relation crépusculaire avec l’ombre des passions rimbaldiennes. La poésie de la révélation amoureuse. La noblesse du commencement dans cette gloire des premiers pas. L’initiation à la féminité. Le canevas d’Étéri qui découvre sa polyphonie intérieure. Le chant du merle.
Ce touchant livre boréal, a fait l’objet d’un film par la réalisatrice Elene Naveriani, (Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes). L’émancipation au garde à vous.
Traduit du géorgien par Alexander Bainbridge & Khatouna Kapanadzé. Publié par les majeures Tropismes éditions.
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