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Les femmes du titre, ce sont celles qui ont successivement (l’une chassant la précédente) partagé la vie du célèbre architecte Frank Lloyd Wright (1867-1959). Elles furent au nombre de quatre, Kitty, sa première femme et la mère de ses six enfants, délaissée au profit de Mamah, intellectuelle militante décédée prématurément et vite remplacée par Myriam, folle furieuse hystérique, elle-même effacée sans l’ombre d’un regret par Olgivanna, qui se révélera redoutable et infatigable maîtresse de la maisonnée de Taliesin, le domaine bâti par Frank au fin fond du Wisconsin.
Cette histoire tumultueuse nous est racontée par Tadashi Sato, du haut de son désormais grand âge. Architecte d’origine japonaise, il commence par se remémorer ce jour de 1932 où il est arrivé à Taliesin pour la première fois, tout juste engagé comme apprenti par le grand Maître. Un engagement total, d’ailleurs, puisqu’il ne s’agira pas seulement d’étudier l’architecture aux côtés d’autres « disciples », mais de se montrer corvéable à merci dans toutes les tâches de ménage, bricolage, jardinage, sans autre rémunération que le gîte et le couvert. Comme la plupart de ses compagnons, le jeune Tadashi accepte cet esclavage moderne. Il faut dire que Frank Lloyd Wright se démène autant que ses ouailles : hyperactif, tourbillonnant, il est au four et au moulin, avec 25 idées à la minute, épuisant son monde. Et il aurait bien du mal à payer tous ceux qu’il emploie : il gère ses finances comme sa vie amoureuse : n’importe comment. Harcelé en permanence par ses créanciers, constamment endetté (la faillite n’est jamais loin), il passe son temps à quémander de l’argent à son entourage et à gratter les fonds de tiroir. Et alors que sa réputation d’insolvable le précède partout (« Frank l’ardoise »), il finit toujours par s’en sortir grâce à son aplomb, sa personnalité solaire et charismatique.
Et donc ses relations avec ses femmes sont à l’avenant, et sont ici décortiquées avec finesse et truculence par le narrateur. Si les heurs et malheurs conjugaux de Frank feraient à peine lever un sourcil aujourd’hui, au début du 20ème siècle ils étaient choquants : l’hypocrisie et la législation puritaine des Etats-Unis étaient tels que ces frasques pouvaient mener devant un tribunal (demandez donc à Myriam). Sans parler de la presse à scandale qui en faisait ses choux gras d’un bout à l’autre des USA.
Biographie romancée d’un architecte visionnaire à l’énergie débordante, « Les femmes » nous fait découvrir la vie de Frank Lloyd Wright par le prisme de ses amours mouvementées, tout en nous en apprenant un bout sur l’architecture et les mentalités américaines de l’époque. Peignant de très fins et complexes portraits de ses personnages, ce pavé se lit tout seul, fluide, enlevé, romanesque, drôle ou dramatique, captivant.
Un pavé, certes. Mais alors, quelle aventure ! Du pur, du vrai, du début à la fin. Le seul effort : tourner la page assez vite pour n'en rien rater !
C’était un temps où le LSD n’était pas interdit et qu’un vent d’émancipation soufflait sur les universités américaines. C’était un temps où sous couvert d’expérimentations dites scientifiques des universitaires se lançaient dans de folles expériences. Ils cherchaient la lumière, Dieu, à se libérer des codes moraux, à élargir leur champ de conscience grâce au LSD dont on ne connaissait pas tous les effets. Ils espéraient beaucoup de ces expériences mais n’en sortiront pas indemnes.
Comme à son habitude T.C.Boyle s’est méticuleusement documenté pour la rédaction de ce dernier roman. Si le doctorant en psychologie Fitz, son épouse Joanie et leur fils sont pure invention il les a situés au début des années 1960 auprès du sulfureux mais très charismatique Timothy Leary, de son comparse Dick Arpert et de nombreuses autres célébrités. Les lieux décrits sont ceux où les expériences ont été réalisées.
Avec son humour caustique T.C. Boyle a l’art de raconter des histoires passionnantes avec des passages savoureux tels la déroute mexicaine ou l’arrivée du bus de Ken Kesey et de ses adeptes. L’ambiance est très bien restituée et l’auteur raconte sans jamais juger cette société américaine qu’il ne cesse de décrire de roman en roman. Bien évidemment on se doute que ça ne peut pas très bien finir comme toujours avec lui.
T.C. Boyle est un de mes auteurs américains préféré et cette fois encore je n’ai vraiment pas été déçue.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2020/03/20/voir-la-lumiere-de-tom-coraghessan-boyle/
Cambridge, 1962. Le professeur Timothy Leary poursuit les études d’Albert Hofmann sur le diéthylamide de l’acide lysergique, mieux connu sous le nom de LSD. Chéri par ses élèves et amis, qui participent à chacune des soirées qu’il donne et où ont lieu, chaque fois, de nouvelles expériences, Leary est convaincu de la portée de ses études sur le psychisme humain. Ce qui ne l’empêche pas de laisser l’alcool couler à flots lors de ses « réunions », où flirtent ses invités.
Fitz est un étudiant appliqué, poussé par sa curiosité et son souci de plaire à son mentor et directeur de thèse. Aussi fréquente-t-il régulièrement les petites sauteries de Leary, accompagné de sa femme qui, grisée par cette ambiance insolite, tente de se montrer plus tempérée. Rapidement, l’attrait que représentent Leary et ses projets dépasse la raison, et Fitz le suit tête baissée dans ses travaux « scientifiques »… à ses risques et périls, et au détriment de sa famille.
Si l’introduction m’a emballée – Hofmann y apparaît comme humble, sympathique et passionné –, j’ai déchanté en rencontrant Timothy Leary. Je connaissais l’homme de sciences pour avoir survolé certains de ses essais, au demeurant intéressants, mais peu abordables, et ainsi entouré de sa cour, existant à travers l’admiration d’illuminés qui gravitent autour de lui en quête d’un monde « meilleur », il est détestable. J’ai mis mon aversion de côté au contact de Fitz qui lui, n’est pas un mauvais bougre. On a plaisir à le suivre et à s’immerger en sa compagnie dans cet épisode de l’histoire des drogues, mais à de nombreuses reprises, j’aurais voulu intervenir et lui ouvrir les yeux sur son tempérament trop influençable, qui peut agacer. L’évolution de cette histoire est parfois prévisible, mais Voir la lumière est un roman richement documenté, très bien écrit – et très bien traduit –, un voyage aussi sombre que coloré dans une époque brillamment reconstituée, une époque d’autres possibles, où la vie en communauté (ici du Mexique à New York) avait le vent en poupe. Peuplé de noms célèbres, T.C. Boyle y laisse une belle place aux protagonistes, Fitz et Joanie, personnages fictifs habilement intégrés au récit, et derniers détenteurs d’une morale qui ne résistera pas à la fièvre psychédélique. La découverte pour moi d’un grand écrivain américain que je retrouverai certainement au détour de sa longue bibliographie.
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