Stephane Leneuf

Dominique Sudre sur L'aube du mal de Stephane Leneuf

Alsace, 11 novembre 1918 c’est la liesse dans les rues car c’est la fin d’une guerre fratricide entre Allemagne et France, dans cette région qui connaît tant de changements et dont la population est soit française de cœur soit allemande.
Mary vient d’accoucher de deux beaux garçons, Klaus et...
Voir plus

Alsace, 11 novembre 1918 c’est la liesse dans les rues car c’est la fin d’une guerre fratricide entre Allemagne et France, dans cette région qui connaît tant de changements et dont la population est soit française de cœur soit allemande.
Mary vient d’accoucher de deux beaux garçons, Klaus et Nicolas, un prénom allemand et un prénom français pour ces jumeaux nés d’un père qui se revendique allemand et d’une mère profondément française.

Mais la fin de la guerre signe aussi l’heure de la vengeance pour les français occupés depuis la guerre de 1870 et qui n’ont qu’une hâte, renvoyer de l’autre côté du Rhin l’occupant détesté, l’allemand conquérant et fier dont on ne veut plus.
Difficile désormais pour les alsaciens de vivre heureux. La famille doit se disloquer, le père est renvoyé en Allemagne avec son fils, la mère fuit l’Alsace avec Nicolas pour tenter de trouver une forme de sérénité en dehors de l’Alsace.

Dés lors, Mary n’aura de cesse d’élever son fils dans l’amour du prochain, la soif de liberté, la réconciliation avec l’ennemi d’hier.

Quand de l’autre côté du Rhin, et désormais à Munich, Bernardt ébloui par le chancelier Hitler, n’aura lui de cesse de reconquérir les territoires perdus, retrouver la fierté de l’Allemagne vaincue, aux ordres du Furher, seul salut à ses yeux pour un pays qui crie vengeance. Et d’élever son fils avec cette vision d’une Allemagne forte et conquérante, ce Riech de mille ans vainqueur de son ancien oppresseur.

Dans les années 70, dans la famille de Nicolas, les dimanches sont consacrés à la mère de Nicolas, Mary. Mais ce jour-là, la grand-mère est affaiblie. Elle réussi discrètement à demander à son petit fils de s’emparer, après son décès, d’une boîte cachée dans son armoire, puis de lire ce qu’elle contient seulement le jour de ses 18 ans. Afin de savoir, de comprendre, de connaître les secrets de sa famille.
C’est ainsi qu’il va découvrir l’histoire de Mary, de Bernardt, de Klaus et de Nicolas.

La façon diamétralement opposée dont les deux enfants ont été élevés, les échanges, les silences, les vies de chacun d’eux tout au long de ces années de guerre et bien après.
Secret de famille bien enfoui tant certaines révélations sont difficiles à faire.
Une vie au service du Furher et dans l’esprit de vengeance et de reconquête d’un côté.
Une vie au service de son prochain, de l’amour, de la fraternité de l’autre côté.
Soldat de la Vaffen SS pour l’un, résistant de la première heure pour l’autre.
Deux jumeaux deux vies deux idéaux.

J’ai aimé découvrir la vie des alsaciens lors de l’armistice et la difficulté qu’il a pu y avoir entre les familles, amis, connaissances. Les uns se sont battus pour la France, les autres les ont combattus sans merci, soldats d’une guerre qui les a opposés. Cette complexité qu’il ont du vivre, si difficile, ces décisions dramatiques pour certaines familles.
Comment le désir de vengeance d’une nation vaincue peut engendrer le drame le plus absolu, celui de la guerre, des camps de concentration, de la mort.
Enfin, les personnages sont bien représentatifs de toute l’ambiguïté qu’il peut y avoir à renoncer ou pas à ses idéaux, y compris lorsque ceux-ci sont les plus dramatiques qui soient.
Un très bon roman qui nous parle d’une région et d’une période très particulière, avec un suspense, un rythme, qui nous tiennent en haleine, un sujet qui nous interroge.



https://domiclire.wordpress.com/2024/08/15/laube-du-mal-stephane-leneuf/