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Alors que le régime communiste verrouillait hermétiquement les frontières, les grands-parents de Sonia Devillers quittèrent la Roumanie en 1961. Ces juifs de l’intelligentsia roumaine arrivèrent les mains vides à Paris et n’évoquèrent jamais de leur passé que leurs meilleurs souvenirs. Pourtant, la Roumanie fut, aux côtés des nazis, l’un des pays les plus zélés de la Shoah. Pourtant, quinze ans après la fin de la guerre, ils durent tout quitter et repartir de zéro dans l’exil. Intriguée par les blancs de son histoire familiale, l’auteur s’est lancée dans sa reconstitution, exhumant avec stupéfaction l’effarant et infamant trafic d’humains auquel, dans le plus grand secret, la Roumanie se livra de 1958 à 1989.
Ce n’est que depuis quelques années, avec l’ouverture progressive des archives de la Securitate, le Département de la Sécurité de l’État roumain, que le secret le mieux gardé du monde communiste commence à filtrer : pendant trente ans, des juifs furent troqués au prix fort contre du bétail - des porcs reproducteurs principalement - et du matériel agricole, nécessaires au sauvetage d’une agriculture rendue exsangue par la collectivisation. Les livres de comptes précisément tenus témoignent des transactions dont Nicolae Ceausescu se félicita en ces termes : « Les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d’exportation ». Plus discret pour la vitrine communiste qu’une vente rémunérée directement en devises, l’échange d’humains contre des bestiaux et des équipements s’effectuait sous l’égide d’un passeur, Henry Jacober, un juif slovaque devenu homme d’affaires à Londres, et qui, bien loin d’un nouvel Oskar Schindler sauveur de juifs victimes du communisme roumain, s’en enrichit grassement, surtout lorsque Israël conclut les plus gros deals pour se peupler.
Ainsi, après avoir échappé de justesse à la Shoah dont le récit rappelle les pires moments en Roumanie, tellement oblitérés par le régime communiste que l’Histoire n’a principalement retenu que les neufs derniers mois de la guerre passés aux côtés des Alliés, les grands-parents de l’auteur, appliqués à se fondre parmi l’élite et les citoyens modèles de leur pays, finirent quand même par tout perdre, menacés et spoliés avant de servir de monnaie d’échange, expulsés quand le rideau de fer interdisait normalement de partir.
Entre récit intime et enquête journalistique, la narration de cet exil qui ne ressemble à aucun autre dévoile salutairement une ignominie restée cachée, qui vient honteusement s’ajouter, après la Shoah, à l’infinie tragédie des persécutions infligées aux juifs. Une histoire aussi douloureuse qu’inconcevable…
Saviez-vous qu'après-guerre, des juifs ont été vendus pour sortir de Roumanie ?
Monnaie d'échange : des cochons et autres animaux.
En nous relatant l'histoire de ses grands-parents, de sa tante et de sa mère, Sonia Devillers, nous raconte cette infamie.
De l'avant-guerre aux années 60, la Roumanie va s'illustrer (certes, elle n'est pas la seule) dans la chasse aux juifs.
L'auteure revient sur des épisodes peu connus tant ce pays aura du mal à reconnaitre ses méfaits et les victimes réticentes à en parler.
D'une écriture précise et en maniant des chapitres courts, Sonia Devillers nous plonge dans cette horreur et certains faits relatés sont insoutenables.
Les évènements sont énoncés clairement et sans voyeurisme.
Un récit poignant, saisissant et instructif.
Sonia Devillers est journaliste. J’écoute tous les matins son émission « L’invité du 9H10 » sur France Inter. Elle anime aussi depuis quelques semaines l’émission « Le dessous des images » sur Arte.
Dans ce récit littéraire, elle raconte l’histoire de sa famille maternelle, de confession juive et de nationalité roumaine.
Au début des années 1960, ses grand-parents, sa mère, sa tante et son arrière-grand-mère ont pu quitter la Roumanie, alors pays satellite de l’URSS. Or, il était tout à fait impossible de franchir le rideau de fer.
Face au silence de ses grand-parents, Sonia Devillers va enquêter sur l’histoire de la Roumanie. Ce qu’elle va découvrir fait froid dans le dos : un trafic d’êtres humains (les Juifs en l’occurrence) en échange de porcs, de volailles voire de matériel agricole.
Les candidats à l’exil payaient très cher un passeur, que l’on pourrait plutôt qualifier de maquignon. Cet argent servait à acheter des porcs qui étaient ensuite livrés en Roumanie. Ce pays n’arrivait plus à nourrir sa population et n’avait aucune marchandise à exporter. Quelqu’un au Parti eut alors cette répugnante idée : exporter les juifs en échange de porcs. Un système gagnant-gagnant pour le pays : se débarrasser des juifs qui n’avaient pas été exterminés pendant la guerre tout en obtenant de la nourriture.
» Jusqu’où pouvait aller l’impensé roumain ? Non content de ramener la valeur de la vie humaine d’un citoyen juif à celles d’animaux d’élevage, le régime avait choisi, entre tous, le porc, l’animal de l’interdit rituel par excellence. Dans la culture populaire, c’est même ce qui caractérisait le juif, désigné comme celui qui ne mange pas de porc. »
A travers l’histoire de ses grands-parents, Sonia Devillers nous fait découvrir l’histoire politique de la Roumanie des années 20 jusqu’aux années 1960. Je ne connaissais pas grand-chose à l’histoire de ce pays, c’est pourquoi j’ai trouvé ce livre passionnant de bout en bout.
La journaliste a mené un véritable travail d’investigation qui laisse le lecteur pantois face à sa découverte.
» Au sortir de la guerre, la Roumanie ne comptait donc plus que 350.000 citoyens d’origine juive. Le régime s’empressa d’enfouir leur histoire. Il enfouit l’histoire des morts, comme il enfouit celle des vivants. Quatre décennies plus tard, lorsque Nicolae Ceaucescu fut renversé en 1989, les juifs étaient moins de 10.000 dans le pays. Ils avaient physiquement disparu. La Roumanie était bel et bien devenu un pays sans juif. Après les déportations de masse, l’exportation de masse. Face à des chiffres aussi spectaculaires, comment ne pas considérer que les communistes ont, dans les faits, achevé l’oeuvre des fascistes ? En débarrassant la Roumanie de ses juifs, ils sont parvenus enfin à ce (…) moment tant attendu de la délivrance ethnique. Une délivrance sans effusion de sang. Un effacement corps et âme, doublé d’un juteux trafic. »
Ce récit fait oeuvre d’histoire. Je regrette qu’il n’ait pas eu un plus grand retentissement à sa sortie en septembre 2022.
Ma chronique : J'ignorais cette page d'Histoire de la Roumanie et ce livre passionnant m'a ouvert les yeux sur une période peu flatteuse de ce pays.
Sonia Devillers (journaliste sur France-Inter) nous conte à travers une enquête intime et historique le départ forcé et la marchandisation des juifs Roumains dont faisait partie ses grands parents, sa mère et sa tante dans les années 50 et 60.
Ils ont été "exportés". Tout a été révélé après la chute du mur et la fin de Ceausescu, conforté par les écrits de l'historien Radu Ioanid
Durant la guerre de 39/45, avant un revirement tardif, le pays était allié aux Nazis.
L'après-guerre communiste n'était pas plus heureuse du fait des purges et des luttes intestines de la "Securitate", cousin germain du KGB et de la Stasie réunis !
Ses grands-parents ont toujours refusé toutes conditions de victimes. Ils ont fait table rase du passé quand ils se sont retrouvés émigrés à Paris, n'ont jamais évoqué le chagrin du déracinement et de leur maison spoliée.
Gabriela, la grand-mère, venait d'une famille de célèbres intellectuels Roumains, les Sanielevici. Elle avait une forte personnalité, un orgueil démesuré, très érudite, musicienne. Elle n'a jamais courbé l'échine devant l 'oppresseur.
Ils ont connu Bucarest dans les années 20 et 30, ville heureuse, foisonnant d'intellectuels, d'artistes. Ils n'évoquent pas les pogroms.
Reconnaissants envers Staline qui les a débarrassé du fascisme, des nazis, ils ont cru au communisme mais hélas les choses ont mal tourné.
" la guerre puis le communisme ont sonné le glas de l'insouciance" nous dit l'auteure.
Après en avoir été des membres influents, ils ont été exclus du parti, humiliés, exportés, "ballotés de frontière en frontière à la merci de chaque bureaucratie" .
Confiés à Henry Jacober, célèbre passeur anglais, personnage de l'ombre mais connu de tous les services secrets, et qui ne craignait pas les autorités, ils n'ont jamais su comment ils ont passé le rideau de fer et que leur départ a été monnayé contre du bétail, des porcs en particulier.
De nombreux chapitres évoquent la relation du passeur et des hauts dignitaires du parti durant des décennies. Tout était consigné dans les registres de la police secrète.
Sonia Devillers s'est rendue sur place et a découvert tardivement ce commerce honteux et le sort de sa famille.
Très bon livre, richement documenté, passionnant et dont les révélations sont
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