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S’il fallait définir ce livre par deux adjectifs, je choisirai sans nul doute, instructif et poétique.
Qui n’a jamais rêvé de prendre de la hauteur, au sens propre comme au sens figuré pour admirer et juger notre planète et ses habitants ?
Le roman de Samantha Harvey, « Orbital, Une journée, seize aurores », nous apporte ce plaisir. Nous partons pour une mission de neuf mois à bord de la navette internationale en compagnie de ses six occupants.
Notre équipe est formée de quatre astronautes et de deux cosmonautes. Eh oui ! la bêtise humaine de nos dirigeants n’a pas permis de se mettre d’accord sur le même vocable. Les astronautes sont les voyageurs spatiaux formés par les États-Unis ou ses agences spatiales partenaires, tandis qu’on utilisera le terme cosmonautes pour ceux formés et employés par la Russie ou l’ex-Union-Soviétique. L’autrice nous rapporte, à ce sujet, une anecdote assez savoureuse, les fréquentes tensions entre les deux états ont contribué à la création de toilettes séparées selon que l’on est de l’Est ou de l’Ouest. Obligation bien vite bafouée par les spationautes qui forment une véritable famille, bien au-dessus des clivages nationalistes, il est vrai que quand on respire le même air recyclé et que l’on boit la même urine recyclée, cela rapproche !
Lions connaissance avec nos amis Roman et Anton les deux soviétiques et Shaun l’américain, Chie la japonaise, Pietro l’italien et Nell l’anglaise : deux femmes, quatre hommes. Ils se définissent ainsi : « Anton, le cœur du vaisseau spatial, Pietro son esprit, Roman le technicien hors pair, ses mains, Shaun son âme, Chie sa conscience et Nell sa respiration ». Ils ne font qu’un corps. Chacun a des tâches, l’un s’occupe des microbes qui leur apprennent des choses sur les virus, moisissures et bactéries présentes à bord. L’autre cultive des cristaux de protéine et se relie à l’IRM pour procéder à de nombreux scanners qui montrent l’impact de la microgravité sur le fonctionnement neuronal. L’autre encore surveille son arabette des dames (plante commune du bord des routes) pour voir ce qu’il advient de ses racines quand font défaut la gravité et la lumière qui lui permettent de savoir quand et comment pousser. Et les derniers vont voir comment se portent leurs quarante souris et rassemblent des données qui les renseignent sur le déficit musculaire dans l’espace.
Toute la partie vie à bord de l’engin spatial est très bien documentée, Samantha Harley a recueilli de riches informations auprès de la NASA et l’ESA (Agence Spatiale Européenne). Mais on s’émerveille pour la beauté et la poésie des descriptions visuelles de la terre : « Ils survolent la péninsule effilée de Dakar, franchissent la ligne d’équateur, et dans les dernières minutes du jour les lumières de Brazzaville et de Kinshasa de part et d’autre su fleuve Congo tiède dans le crépuscule. Le bleu laisse la place au mauve puis à l’indigo puis au noir, et la nuit avale le sud de l’Afrique. Disparu le continent d’une perfection chaotique, éclaboussé de peinture, lessivé d’encre, d’un satin froissé, coupe à fruits débordante d’un pastel émietté, le continent de déserts de sel et de plaines inondables rouges et sédimentées, disparus les réseaux nerveux des cours d’eau évasés et des montagnes qui bouillonnent et débordent sur les plaines vertes et veloutées tels des champs de moisissure. Disparu, et de nouveau la fine voilette de veuve de la nuit étoilée. »
L’architecture du livre est harmonieuse entre détails techniques, clichés superbes sur la joliesse de notre planète et questionnements de nos spationautes sur leur vie privée, mais aussi sur leur rôle. Enfants de la Terre, ils se sentent gardiens de celle-ci pendant cette mission, surveillant l’évolution d’un typhon ou analysant les maltraitances que l’humain lui fait subir. Pourquoi les peuples se querellent-ils ? Pourtant ne sommes-nous pas frères de ces continents sans frontières, vus de l’espace ?
Dépaysant, aérien, voyagez léger comme en apesanteur et découvrez ce roman de Samantha Harvey.
Tous mes remerciements aux Editions Flammarion
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