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Une couverture et un titre qui m'interpelle, un texte sur la Jamaïque (je pense que je n'ai jamais lu cette littérature, bien que j'avais quelques titres lors de la visite d'une exposition très intéressante sur le reggae à Paris), une rencontre Vleel avec l'autrice lors de sa venue à Vincennes pour America.
Et un coup de cœur de la rentrée littérature étrangère.
Un texte intime, sensible, poétique sur la culture rastafari et la vie sur l'île de la Jamaïque, loin des images cartes postales.
La traduction de Johan-Frédérik Hel Guedj nous restitue très bien la langue poétique de ce texte, même si certains poèmes seraient en rastafari (quel plaisir d'entendre m'autrice nous lire des extraits). L'autrice parle très bien de la nature de son île natale, les paysages mais aussi les scènes de la vie quotidienne, sensibles, tragiques, émouvants.
Elle raconte le rapport à "Babylone", ce mal absolu dans la culture rastafari, que ce soit le colonialisme, le consumérisme, l'américanisme... Elle présente la culture rastafari avec tout son rigorisme, ses excés . Ce mouvement et sa fascination pour l'empereur Hailé Sélassié, dieu des rastafariens, la répression qu'il a subi sur l'île.
elle décrit très bien l'influence de cette culture, religion, mode de vie sur sa vie de petite fille, adolescence puis femme. Le portrait de son mère est impressionnant : musicien reggae, rastafari, il a enregistré des disques (séjour au Japon) mais le succès n'est jamais venu et il est devenu un musicien reggae d'hôtels pour touristes. Il est devenu un homme aigri, rigoriste, violent, absent.
Ce texte est un cri d'une fille, d'une sœur, d'une femme.
Un texte difficile mais avec de belles envolées poétiques et qui me donne envie de connaître un peu plus cette culture, histoire de la Jamaïque.
#DireBabylone #NetGalleyFrance
Dans ce roman autobiographique, Safiya Sinclair nous livre son histoire et celle de sa famille dans une totale sincérité, n'enjolivant rien mais ne cachant pas non plus les côtés sombres. Nous la suivons de 1984, l'année de sa naissance jusqu'en 2018, où devenue une poétesse reconnue, elle lit pour la première fois en public, devant son père Howard Sinclair, le poème qui résume ce que fut leur relation, très tendre pour devenir empreinte de violence.
Safiya nous fait pénétrer dans la communauté Rastafari, dont je ne connaissais que bien peu de choses, dont son père est un adepte rigoriste et nous comprenons pourquoi le titre : Babylone est le nom donné par les Rastas à tout ce qui les opprime et opprime les noirs : colonialisme, christianisme, racisme, police, idéologie occidentale. Ce sont des parias, rejetés. Ils s'appuient sur des principes comme pas de viande ou de produits laitiers, pas d'alcool, pas de tabac. L'empereur Haïlé Sélassié d'Éthiopie est leur Dieu car le pays n'a jamais été colonisé. Mais cette "religion" comme toutes les autres religions, considère la femme comme inférieure, impure, tentatrice; elle doit être soumise, totalement dévouée à sa famille
Safiya raconte avec émotion, colère, tendresse ce que fut sa vie et celle de sa père, de ses deux sœurs et de son frère, sous la férule de ce père radical, devenu violent, qui veut les isoler du monde extérieur pour les protéger. On comprend le déchirement de Safiya qui admirait, adorait son père et en est venue à le haïr, mélange douloureux d'amour/haine. Elle a failli sombrer et c'est la lecture et l'écriture, plus particulièrement la poésie, qui la relèveront et qui la rendront libre après un douloureux parcours.
Ce très beau roman, puissant, vibrant, émouvant, par moments poétique, par moments violent, est un magnifique hommage à toute la lignée de femmes, et tout particulièrement à sa mère, qui ont lui ont permis de trouver son chemin et de devenir la femme qu'elle est. C'est aussi un hommage à la Jamaïque, la vraie, pas celle des touristes.
#DireBabylone #NetGalleyFrance
Née à Montego Bay en Jamaïque, Safiya Sinclair a été élevée dans le respect des préceptes du rastafarisme. Les adeptes de ce mouvement politique et religieux, apparu dans les années 30 en Jamaïque, vouent un culte à l’ancien empereur éthiopien Haïlé Sélassié, considéré comme le nouveau messie venu délivrer les Noirs de l’oppression de l’odieuse Babylone occidentale, impérialiste et esclavagiste. Parmi les divers principes respectés par les rastas (mais chaque croyant les applique selon une géométrie variable et personnelle) figurent : un régime végétalien, l’interdiction de boire de l’alcool et de fumer (sauf la « ganja », càd la marijuana), l’obligation de porter des dreadlocks et, pour les femmes, l’interdiction de porter des pantalons, du vernis à ongles,… et plus globalement l’interdiction d’exister pour soi-même.
Safiya, son frère et ses deux sœurs se voient imposer ces règles drastiques par leur père, de plus en plus radical au fil du temps, qui veut les protéger de l’emprise de Babylone. Et plus Safiya grandit et approche de l’adolescence, plus l’étau de cette pression terrifiante se referme sur elle. Mais la jeune fille est trop intelligente et curieuse pour ne pas se rebeller. Avec le soutien discret mais infaillible de sa mère et le secours de la poésie et de la littérature, elle trouvera son chemin vers la liberté.
Clairement, Safiya Sinclair avait besoin d’écrire ce livre, pour achever de se libérer de l’emprise de son père en se débarrassant à coup de mots de toutes les servitudes mentales qu’il lui a imposées.
Elle retrace ainsi l’histoire de sa famille, la rencontre de ses parents, deux âmes en peine éperdues, la joie de l’enfance qui peu à peu cède le pas à la peur, la sévérité de son père, son fanatisme, les violences physiques et les humiliations psychiques.
Une oeuvre nécessaire pour l’auteure, qui n’élude rien des bonheurs et malheurs qu’elle a vécus, ni des traumatismes, de son déchirement douloureux quand elle affronte ce père qu’elle aime malgré elle. Elle raconte son histoire telle qu’elle l’a vécue et ressentie, et je ne remets pas cela en question. Mais tout de même, la fin quasi hollywoodienne du livre, où elle pardonne son père en dépit de tout ce qu’il lui a infligé, m’a laissée stupéfaite, incrédule.
Quant au style, il est trop lyrique et poétique pour moi, à force de métaphores certes belles mais trop nombreuses. Le rythme est inégal, tantôt en longueurs et répétitions, tantôt en péripéties et personnages qui auraient gagné à être développés.
Malgré cela, « Dire Babylone » raconte un impressionnant parcours d’émancipation féminine, introduit au mouvement rastafari et immerge en Jamaïque, entre racisme, ségrégation, reggae, pauvreté, luxe et visions de paradis.
En partenariat avec les éditions Buchet-Chastel via Netgalley.
#DireBabylone #NetGalleyFrance
Chez les Sinclair, on est rasta jusqu’au bout des ongles, jusqu’au bout des cheveux. La faute au père, Howard. Passionné de musique reggae, il adopte peu à peu le mode de vie Rastafari. Plus qu’une religion, c’est une discipline qui ne dispose pas de règles officielles, pas d’évangile reconnu, et qui repose sur quelques grands principes : pas d’alcool, pas de tabac, pas de viande, pas de produits laitiers, des dreadlocks pour tous et toutes, le culte de Hailé Selassié, l’empereur d’Éthiopie - la seule nation africaine à n'avoir jamais été colonisée -, et surtout, le rejet de tout ce qui concerne Babylone : “le nom qu’ont donné les Rastafari à l’État systématiquement raciste et aux forces impériales qui les avaient traqués, pourchassés et réprimés.”
Rejeté par sa famille chrétienne pour cause de dreadlocks, Howard rencontre la jeune Esther, à qui une nonne avait annoncé qu’elle ne pourrait jamais avoir d’enfant. Lorsqu’elle tombe enceinte - miracle, s’il en est -, elle décide de s’en remettre corps et âme à Howard et de se consacrer à leur vie rastafarie. C’est dans ce contexte que naît Safiya, l’aînée de la famille Sinclair.
Dans ce gros roman, Safiya nous raconte son enfance et sa jeunesse jamaïcaine entre joie et terreur. Devant elle se dressent la colère et la frustration d’un père qui n’arrive pas à échapper à Babylone et qui impose de plus en plus de règles - des caprices qui vont bien au-delà du raisonnable. “La paranoïa de mon père n’a fait que s’assombrir, son regard resserrant notre monde comme entre des barres de fer forgé.” Aux côtés de ce père-geôlier, il ne reste qu’une toute petite place pour la mère, la mère aux traits tirés, au dos voûté et aux mains calleuses, qui s’occupe de ses enfants tresses contre tresses et de son homme, pour que cet homme puisse vociférer ses révélations spirituelles.
Safiya est une gamine trop curieuse pour devenir la parfaite petite fille rasta que son père imaginait. “Un sourire malicieux ne cessait de se dessiner discrètement en moi, la jeune pousse d’une voix qui disait non.” Non aux cages construites par les pères. Mais oui à la beauté, oui à la Jamaïque, oui aux cheveux lisses ou emmêlés, oui à la poésie, oui à ce livre, devenu refuge.
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