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Il faut entrer dans la narration et le monde d'Eusebio Ruvalcaba et dès lors que c'est fait, se laisser porter. Les nouvelles sont courtes et l'on peut donc passer celles qui semblent plus légères, moins à son goût de lecteur. Il y en a quelques unes, assez peu sur le nombre. Si j'évacue tout de suite les quelques coquilles auxquelles je ne suis pas habitué chez cet éditeur, puisque son travail est d'habitude irréprochable : "Il l'écoutait jouait du piano" (p.122), "il m'a téléphoné pour me demander de me venir chez lui..." (p.161), "Si tu grattes la croûte de ta mémoire, peut-être le remémoras-tu comme un homme enjoué..." (p.36) et une ou deux autres assez minimes encore, je dois dire que c'est une lecture plaisante. Un constat de la société mexicaine : drogue, alcool, chômage, divorces, violences, mais aussi, histoires d'amour, de sexe, d'adultères, de désirs, ...
Des tranches de vie, des nouvelles sans vraiment de chutes qui claquent fort. J'en ai retenu quatre dans le lot, dans le mitan du livre, mais c'est vraiment histoire de mettre le focus sur quelques textes, car à force de mettre une croix face aux titres de mes préférés, je me suis retrouvé avec une table des matières bourrée de croix.
- Le collectionneur d'âmes : l'histoire d'un prêtre alcoolique et pétri de désir pour une femme qui vient en confession et dont il ne voit pas le visage. Un prêtre qui ne croit plus vraiment en Dieu, qui ne vit plus que dans l'attente de la visite de cette femme. Un texte interrogeant sur le célibat forcé des prêtres. "Combien de temps encore avant qu'elle arrive ? Me voilà seul depuis une demi-heure à attendre comme un imbécile. Attendre, toujours attendre. Heureusement j'ai ma flasque avec moi" (p.79)
- Journée complète de travail : un magnifique texte sur une mère qui élève seule son enfant, obligée de travailler dur et souvent, et qui lorsqu'elle rentre chez elle, tard, ne pense qu'à le prendre dans ses bras, au risque de le réveiller, pour le sentir vivre et en profiter. Un thème récurrent chez E. Ruvalcaba, celui de la femme qui travaille et peine à subvenir à ses besoins et ceux de ses enfants, qui tente néanmoins de les éduquer correctement. "Et si elle le réveillait ? Elle aurait aimé arriver à temps, mais la seule chose que Teresa Tejada réussit à voir fut son enfant endormi." (p.91)
- C'était le grand jour : même thème, celui d'une femme débordée, obligée de s'occuper du père de son mari, impotent mais qui l'oublie un jour de grand soleil sur la terrasse, dans son fauteuil. "De loin, ça ressemblait à un élément décoratif de la façade de cette pauvre maison qui avait l'air plus abandonnée qu'autre chose. Mais si quelqu'un avait eu la curiosité de s'approcher, il aurait remarqué que cet ornement n'était rien d'autre qu'un vieux en fauteuil roulant." (p.97)
- Le trésor : une femme seule (encore) veut voir son fils heureux : elle cache un trésor au pied d'un arbre, dessine une carte au trésor et tous les deux, ils partent le chercher. "Quelqu'un, impossible de savoir qui, impossible de savoir comment, avait trouvé le trésor avant eux." (p.121)
Des gens simples dans des histoires simples, parfois tragi-comiques, parfois plus tristes ou à l'inverse plus légères, parfois rêvées, irréelles, absurdes. Dans le lot, il y en a forcément certaines qui vous toucheront, peut-être (mais pas sûr) certaines qui vous agaceront ; dans tous les cas, ces nouvelles ne demandent qu'à être découvertes.
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