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Cela fait un an que, traumatisé par une mission au Soudan du Sud qui a viré au drame, le narrateur a démissionné de l’ONG humanitaire qui l’employait. Déterminé à comprendre enfin la vérité sur ce qu’on avait alors fait passer pour un accident, il entreprend de réexaminer à la loupe le déroulement des événements qui ont conduit à la mort, dans de troubles circonstances, du photographe de presse qui travaillait là-bas à ses côtés.
Après un demi-siècle de guerre civile quasi continue depuis l’indépendance du pays en 1956, le Soudan se divisait en deux états en 2011, coupant le Nord et ses raffineries, de l’essentiel des réserves pétrolières localisées dans le Sud sécessionniste. Aux dissensions ethniques s’ajoutait ainsi une déchirure économique, impactant drastiquement les revenus du Nord et de son ethnie majoritaire des Dinkas : autant d’huile jetée sur un brasier qui ne demandait qu’à repartir, pendant qu'au Sud, Président et Vice-président commençaient à s’empoigner par coup d’État interposé.… Les combats reprenaient dès 2013, l’armée sud-soudanaise bien décidée à sécuriser les champs de pétrole contre les forces rebelles, au passage prétexte tout trouvé, ni vu ni connu, pour une épuration ethnique. Rapidement dénoncés par les observateurs de l’ONU, des massacres de civils touchaient particulièrement la ville stratégique de Malakal et l’ethnie des Shilluk. C’est là que l’on retrouve notre narrateur, envoyé au secours d’un camp de réfugiés encadré par différentes ONG. Ce camp n’est que l’un de ceux où s’entassent aujourd’hui un total de plusieurs centaines de milliers de déplacés sud-soudanais, plus de deux millions d’entre eux ayant dû fuir la guerre civile et ce qui a été qualifié de crimes contre l’humanité.
Fort de ses dix ans d’expérience sur le terrain de l’humanitaire au service de différentes ONG, notamment au Soudan du Sud, l’auteur sait de quoi il parle. Ses personnages se retrouvent confrontés, tout comme lui l’a manifestement été, à une situation catastrophique dont ils essaient de pallier comme ils peuvent les conséquences : peur, misère, famine et épidémies, mais aussi bombardements, continuent à décimer des réfugiés entassés dans les pires conditions, matérialisées de manière frappante par la poussière et la boue, spectaculairement noires et envahissantes, évoquées par le titre. Mais l’insupportable ne se limite pas pour eux au terrible drame humain auquel leurs équipes tentent tant bien que mal d’apporter quelque soulagement. Pour travailler, les organisations humanitaires ne peuvent se passer de la caution des gouvernements locaux, responsables ou pas des exactions commises. Les compromis nécessaires les amènent ainsi à collaborer d’une main, pour pouvoir secourir de l’autre. Tenues, sous peine d’expulsion, à une certaine discrétion et donc à une forme de complicité pouvant inclure divers arrangements, notamment financiers, elles se retrouvent à panser les effets sans pouvoir traiter les causes, louvoyant en haut lieu dans de troubles eaux politiques pour mieux s’incruster sur le terrain opérationnel. Vues de leur fenêtre, la presse et les flambées médiatiques, suscitées par quelques images choc, ne font le plus souvent que les placer en porte-à-faux…
C’est avec une sombre lucidité que l’auteur nous expose ce qui fait le véritable propos de ce roman : la schizophrénie des ONG humanitaires, prisonnières d’une ambiguïté qui touche d’ailleurs jusqu’à leur raison d’être. Car, si pour elles, dénoncer comporte le risque de se faire éjecter du terrain, résoudre signifie aussi, à l’extrême limite, perdre à terme toute finalité. La réflexion amèrement menée par le narrateur lui fait prendre conscience de maints conflits d’intérêts, potentiellement à l’origine du drame qui l’a tant touché. D’abord envahi par la colère et la révolte, il évolue peu à peu vers une compréhension désabusée d’enjeux rien moins que simples.
Aussi sombre que la boue noire où s’engluent ses personnages, ce récit aux allures de thriller est, au travers de la situation méconnue du Soudan du Sud, une occasion particulièrement éclairante de découvrir, avec acuité et nuances, les dessous et les enjeux, bien plus complexes qu’ils n’en ont l’air, des organisations humanitaires. Une lecture mémorable et un premier roman très réussi.
Un roman dont le narrateur est un ancien humanitaire, revenu en France après un drame vécu au Soudan du Sud: la mort d'un ami, photographe, dans le cadre d'une mission.
Traumatisé par ce décès et par les atrocités vues, il part à la recherche de la vérité concernant cette mort, en questionnant les protagonistes de l'époque.
J'ai apprécié ce texte pour son sujet, original et rarement évoqué, ainsi que pour son cadre: le Soudan du Sud. Les difficultés climatiques, la corruption, la violence mais aussi les habitants si dignes et attachants sont très bien évoqués, de manière fidèle et sensible.
J'ai moins aimé l'intrigue car je m'attendais davantage à une enquête classique, avec révélations à la fin. C'est plutôt une recherche personnelle de la vérité, avec des aller-retours dans les souvenirs des différentes époques.
Une lecture qui questionne beaucoup et qui met mal à l’aise ! Une guerre ethnique, du moins un massacre ethnique au Soudan du Sud par des troupes gouvernementales qui sont censées protéger le camp de réfugiés ou du moins respecter la base des Nations Unies qui gère le camp !
Le narrateur est revenu traumatisé de sa dernière mission dans le camp et n’arrive pas à remonter la pente de la dépression. En fouillant dans le sac à dos qu’il avait mis de côté sans jamais le vider, il retrouve le téléphone d’un journaliste casse-cou qui est mort là-bas, accidentellement pour les autorités mais il sait et veut prouver qu’il a été abattu par les forces gouvernementales.
Avec son récit, on entre de plain-pied dans les conditions de vie des populations réfugiées qui n’ont aucun avenir, aucun moyen de se reconstruire ailleurs, cet ailleurs n’existe pas, leur chez eux n’existe plus et la survie dépend des ONG et des Nations Unies. Les humanitaires sont à l’extérieur de ce camp et même si leurs conditions de vie sont bien meilleures, le danger est omniprésent et leur façon d’affronter ces difficultés peut nous sembler totalement déconnectée de la réalité dans laquelle ils baignent !
Au cœur de conflit, le pétrole et le pouvoir qu’il procure, sans pitié pour les populations. Les instincts les plus sordides sont mis en mouvement et les humanitaires ont peu de moyens pour les contrer ! Les bombardements, par erreur, dommages collatéraux, l’impossibilité pour les journalistes et autres occidentaux de raconter réellement ce qui se passe sous peine, au mieux, d’être expulsés !
Le Soudan du Sud et ses drames ne fait pas partie des actualités ou très rarement, parfois pour annoncer une famine mais sans parler des horreurs qu’y vivent les populations.
Très bien écrit, l’auteur sait aller d’une époque à une autre, d’un lieu à l’autre sans qu’une faille se présente pour casser la lecture. Il faut savoir que certains passages ne sont pas pour les âmes sensibles et que pour apprécier ce roman il faut éviter de tomber dans le piège du jugement que l’on peut avoir vis-à-vis des humanitaires ! Ils sont sur place, pas nous !!
#netgalleyfrance #souslesoldecotonnoir
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