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Qui dira le bonheur de compter parmi ses meilleures amies une libraire à la curiosité affutée, suffisamment bonne pour vous faire découvrir une pépite so british à l’occasion de votre anniversaire… ? Pépite ou boule de poil à gratter, d’ailleurs, car sous la couverture où le charme désuet le dispute à l’élégance, se cache un roman à la personnalité un peu abrupte qui ne saurait s’assimiler à une lecture d’été plan-plan…et l’on ne pouvait mieux la choisir pour illustrer cette histoire où tant d’apparences sont trompeuses !
Car on pourrait croire, en effet, au ton faussement primesautier sur lequel l’auteur nous accueille par cette scène d’obsèques sur fond d’hiver glacial, à Londres, en janvier 1947, que l’on aura affaire à l’un de ces bons vieux romans anglais fleurant le brandy et le tabac à pipe, or il n’en est rien. Écrit à la manière d’une œuvre shakespearienne, chœur compris, comme on le découvrira au fil de la narration, La costumière va peu à peu mettre à jour les dessous peu reluisants d’un microcosme qui semble, à lui seul, refléter les travers d’un monde en ruine à la sortie de la guerre. Charles Grices, « ce bon vieux Gricey », est mort. Comédien roublard et enjoué, il laisse derrière lui Joan et Vera, veuve et fille éplorées, une troupe de théâtre médusée et une doublure plutôt gâtée de pouvoir, conséquemment, prouver l’ampleur de son talent…à la scène comme à la ville ! Cette troublante ressemblance, associée à la douleur de la perte d’un être qu’elle croyait connaître jusqu’au moindre défaut, aura bientôt raison du bel équilibre mental de Joan. De surprises en découvertes, elle glissera imperceptiblement de l’improbable à l’insoutenable, de l’invisible à l’invivable.
Usant avec subtilité de toutes les ficelles que le monde du théâtre lui offre sur un plateau, McGrath décline à l’envi, sans jamais lasser cependant, la thématique de la doublure, de la duplicité, de la dissimulation, créant des échos entre ses personnages et ceux des grands textes du répertoire britannique, d’une période de l’Histoire à une autre. Se saisissant des codes du théâtre classique, il les distord à outrance pour mieux servir sa narration et le fil de sa pensée. Ainsi crée-t-il un vaudeville pathétique où la place du placard est farouchement tenue, non par l’amant, mais par le mari…ou, du moins, ce qu’il reste de son esprit frappeur ! Ainsi verra-ton sur le devant de la scène les personnages de seconde zone peu enclins à prendre la lumière, costumière ou doublure, cachant, sous un sourire énigmatique ou des costumes retaillés, des dents gâtées et la pauvreté d’une existence. Balayant avec lucidité et amertume devant la porte des héros, il ramène chacun aux ombres de sa nuit et pointe du doigt un roi laid et nu, déshabillé par sa costumière.
Vous êtes-vous déjà demandé comment va votre psychiatre ? Dans Trauma, Patrick McGrath met en scène Charlie Weir, un psy new-yorkais réputé. Au cours de sa carrière, Charlie a commis une erreur thérapeutique et va être rongé tout le restant de ses jours par la culpabilité. Balloté entre son ex-femme, avec qui il renoue une idylle assez particulière, une étonnante et sulfureuse jeune femme ? Nora ? et sa mère, dépressive et froide (à part avec son autre fils, Walt), Charlie va finir par se perdre lui-même.
Ce roman est le récit d'une descente aux enfers pour cet homme, qui va subir, impuissant, la lente et inexorable altération de ses propres processus mentaux. Chapitre après chapitre, Patrick McGrath met en place les pièces de ce puzzle diabolique. Charlie, bien que conscient de sa propre déchéance, a bien du mal à identifier son traumatisme personnel, qui se réactivera donc sans qu'il ne puisse rien y faire, lui qui pensait que seuls ses patients en étaient victimes.
Dès le début, le lecteur est plongé dans l'intimité des protagonistes. Une ambiance délicieusement pesante se dégage de ce récit qui vous happera pour ne plus vous laisser décrocher de ce livre avant la fin. Sorte de thriller psychologique, la force de ce roman repose sur la crédibilité de Charlie Weir, qui sait parfaitement analyser ses propres symptômes.
Les thèmes de la culpabilité, de la maladie mentale et des conflits familiaux sont traités de manière rigoureuse. La première phrase du roman est terrible : "Ma mère tomba en dépression pour la première fois quand j'avais sept ans, et j'eus le sentiment que c'était ma faute." Et la poisse ne va plus lâcher ce pauvre Charlie Weir, qui pourtant fait tout ce qu'il peut... Le récit de sa vie est dérangeant, car l'on sent bien que se révèle au fur et à mesure son propre trauma ("Telle est la nature du trauma. L'événement se produit toujours maintenant, dans l'instant présent, pour la première fois" p.142).
Pour savoir ce que Charlie "traîne" lourdement, depuis si longtemps, et s'il pourra s'en libérer, lisez vite "Trauma".
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