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Il écrivait les discours de l’empereur roman Tibère, jusqu’à ce que ce dernier devienne psychotique et le chasse de Rome pour l’envoyer loin, en Judée. Gaius Fulvius Falconius débarque donc dans une terre inconnue, où tous les habitants semblent attendre fébrilement l’arrivée imminente du Sauveur. Dans tous les villages, à tous les coins de rue, les rumeurs courent, l’atmosphère est propice. Propice à quoi ? Propice à l’escroquerie. Gaius rencontre un jeune marginal, jouisseur et voleur à ses heures, et il entreprend de faire de lui le Prophète que tout le monde attend. Il écrira ses discours, l’accompagnera partout, usera de stratagèmes pour rallier les pauvres hères et surtout, engrangera les sommes récoltées pour ensuite se les partager en deux et fuir, les poches pleines. Ce jeune marginal se prénomme Iesous, il joue cyniquement et admirablement le jeu, il le joue même tellement bien que la sauce prend, au-delà des espérances des deux escrocs.
Qui pourraient résister à une quatrième de couverture comme celle de « Sous Tibère », franchement ? L’écrivain américain Nick Tosches nous propose une fiction irrévérencieuse, carrément blasphématoire même (c’est gonflé de la part d’un américain !) et qui propose une relecture « punk » du Nouveau testament. Après une courte introduction contemporaine, histoire de faire croire que ce qui va suivre est caché dans les archives du Vatican, il introduit Gaius, le premier héros de cette aventure iconoclaste. Un romain lettré, vénal mais très intelligent, sans aucun scrupule et qui tiendra le rôle de « spin doctor » d’un prophète autoproclamé. Il le choisi, le modèle, l’habille, met des mots dans sa bouche puis surveille sa progression en Judée, sans jamais perdre du vue le but initial : faire de l’argent en provocant des offrandes. Jesus, de son côté, est un jeune hébreux en rupture avec sa famille, sans domicile fixe, jouisseur et lui n’ont plus n’est pas encombré par les scrupules. Les voilà sur les routes de Judée et Nick Tosches revisite les épisodes christique les uns après les autres : la pêche miraculeuse, les noces de Cana, la résurrection de Lazare, le mont des Oliviers, tout passe à la moulinette : ici une supercherie avec une amphore truquée, là une rumeur folle qui s’amplifie, ici une parole déformée et mal interprétée, là une coïncidence, etc… Les deux comparses, bientôt flanqué d’apôtres qu’ils méprisent et qui les encombrent (et dont ils se méfient, avec raison) envisagent de tout arrêter après la Pâques Juive après une dernière étape à Jérusalem. On sait comment cela va finir et on sait que l’escroquerie marchera tellement bien qu’elle changera la face du monde et même la façon dont l’humanité compte le temps. Au-delà de la fiction irrévérencieuse (à ne pas mettre devant tous les yeux, vraiment…), l’auteur en dit surtout beaucoup sur la propagande, la manipulation des masses, le poids écrasant de l’ignorance et la fascination des foules pour le surnaturel. Il campe son intrigue en l’an 30 de notre ère chrétienne, dans époque troublée, gangrenée par la pauvreté et la corruption des élites (ici les élites juives plus que les Romains, qui sont à peine visibles), mais cette histoire iconoclaste pourrait se dérouler à un autre moment, dans un autre endroit du globe, cela fonctionnerait tout aussi bien. Mais Nick Tosches, l’américain du XXème siècle, à choisit de cogner fort là où cela fera la plus mal. Son roman est réjouissant, il renverse la table des croyances millénaires avec humour, irrévérence et une sacré dose d’audace. Son roman, je ne suis pas prête de l’oublier !
C'est Sibylline, du site Lecture-Ecriture qui m'a récemment interpellé car l'auteur du mois (en fait avril et mai) sur son site, c'est Nick Toshes et qu'elle était étonnée de ne rien voir de lui chez moi. Normal, je ne connaissais pas. Nick Toshes est poète, écrivain, biographe et journaliste spécialiste du rock étasunien. Dans sa bibliographie, j'ai choisi son premier roman, écrit en 1988 et traduit chez Gallimard en 1996 (il aurait bénéficié d'une première traduction et sortie chez Gérard de Villiers en 1989, sous le titre Les pièges de la nuit, si Wikipédia dit vrai).
Voilà un vrai roman étasunien, ça fleure New-York, les petites arnaques, les bars louches et leur fréquentation de drogués, alcooliques, joueurs, filles cherchant un mec pour la soirée et inversement, ... Les rues sont pleines de gens pauvres, largués par la société, qui se débrouillent. Et au milieu de tout cela Louie se promène, tente de récupérer l'argent qu'il a prêté, il s'est lancé dans la carrière d'usurier, mais Louie est trop gentil, n'a ni les méthodes ni la violence des usurier habituels, l'argent ne rentre donc pas si facilement...
C'est un roman noir, mais pas seulement, Nick Toshes s'attarde longuement sur des pans entiers de la société new yorkaise, sur le racisme, le sexisme, le machisme, le féminisme, la pauvreté. C'est un langage direct, oral qui lorgne parfois très franchement sur la poésie. On visualise bien les situations, les dialogues pourraient être filmés, ils sont souvent drôles :
"L'amour par téléphone, déclara le vieil homme d'un air solennel. C'est nouveau. Tu appelles, tu payes et la nana te cause. Ils en ont parlé à la télé dans l'émission de Donahue l'autre jour. Tu te rends compte ? Payer une bonne femme pour qu'elle cause ! C'est comme payer un oiseau pour voler !" (p.58)
Certes, un peu machiste, mais c'est un peu le genre qui veut cela, on reste dans le genre roman noir étasunien des années 80/90, très masculin. Ma réserve -assez importante tout de même- viendrait de l'arnaque montée par Giovanni et que l'auteur raconte par le menu, et là, je dois dire que je fus largué, c'est technique et finalement peu important -pour moi (les chiffres, les chiffres, décidément ce n'est pas mon truc). Je suis parvenu à saisir l'essentiel du message sans comprendre l'arnaque dans les détails, j'avoue même avoir passé les -nombreuses- pages la décrivant assez vite.
Malgré cela, je me dois ici de remercier Sibylline, car grâce à elle, j'ai découvert un auteur qui dans un genre parfois un peu superficiel se distingue par la profondeur de son propos et de ses personnages. Pas si mal.
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