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Petit Luddi deviendra grand pourvu qu’Euterpe lui prête vie. Luddi – qui n’est pas sans rappeler le Wolfie d’Amadeus – est le nom que lui donnent Kaspar-Karl et Johann ses deux cadets. Lui – mais est-ce bien utile de le préciser ? – c’est Ludwig Van Beethoven, bien sûr. Toute l’originalité de Ludwig et Beethoven paru aux Éditions Dargaud c’est de s’être attaché à l’enfance et la jeunesse du compositeur depuis son premier concert à l’âge de 7 ans jusqu’à celui qui, à l’âge de 26 ans, lui apportera la consécration peu de temps après que les premières atteintes de la surdité n’ont fait leur apparition. Mikaël Ross, dont la baguette oscille entre réalité et fiction développe une formidable énergie et orchestre là un récit virtuose truculent et émouvant dans lequel les grandes envolées graphiques illustrent à merveille le caractère volcanique et la musique du grand Beethoven en devenir.
Bonn, hiver 1778
Ouverture : Jeux dans la neige avec ses deux frères, les « rongeurs de cervelle », problèmes intestinaux, bagarre avec les garnements du coin, retour à l’appartement de la Rheingasse, et composition au piano, refuge où il va laisser éclater sa colère et son chagrin. « La musique ne ressemble-t-elle pas à un grand fleuve ? Elle amasse la saleté du monde et l’emporte loin. »
Cette entrée en matière fracassante et cocasse plante le décor et annonce le propos. Le grand Beethoven a été un enfant solitaire aux intestins fragiles qui à sept ans, s’il compose déjà, aime également s’amuser avec ses frères, répond quand on le cherche et fait preuve d’un fichu caractère. Il faut dire que la vie n’est pas facile pour le petit Ludwig, issu d’une modeste famille musicienne attachée à la cour de Bonn. Jeune prodige certes mais sous le joug d’un père, piètre ténor s’adonnant à la boisson et n’hésitant pas à réveiller son fiston en pleine nuit à ses retours de beuverie, le forçant à se mettre au piano, comptant sur son rejeton pour éponger ses dettes et voulant faire de lui le nouveau Mozart en l’exhibant dans les salons. Sa chance dans son malheur, c’est les rencontres qu’il fera de personnes qui immédiatement reconnaîtront son talent : divers maîtres qui l’aideront à combler ses lacunes notamment au niveau technique dont le plus important est sans conteste Haydn et surtout la famille von Breuning, nobles éclairés et amoureux des arts, qu’il fréquentera assidûment, qui lui ouvrira de nombreuses portes et lui apportera les dimensions affective et intellectuelle qui, sa mère aimante ayant trop tôt disparu, lui manquaient dans sa propre famille. C’est grâce aux Breuning notamment qu’il partira à Vienne. De son premier séjour dans la ville et sa brève rencontre, décevante pour lui mais désopilante pour le lecteur, avec Mozart son idole, je vous invite à découvrir la fable du porc et du merle. Son second voyage sera plus fructueux et se soldera par son installation définitive dans la capitale autrichienne. Après avoir brillé dans les salons grâce à son talent d’improvisateur hors-pair, « l’ours des salons » sorti de sa tanière triomphera enfin lors du concert public de son 2e concerto pour piano. Nous sommes en 1796, la métamorphose est achevée : Ludwig est devenu Beethoven.
On ne connaît que les grandes lignes de l’enfance et la jeunesse du célèbre compositeur. L’auteur s’est donc imprégné du contexte de l’époque pour combler les creux et va a l’essentiel en soulignant ce qui chez l’enfant et l’adolescent influera sur son destin et donnera naissance au Beethoven de demain : son enfance difficile aux côté d’un père ivrogne et brutal, son génie et son opiniâtreté, son fichu caractère, ses problèmes de santé (de la variole contractée durant la prime enfance, en passant par ses entérites chroniques jusqu’aux premiers signes de surdité), les rencontres avec les personnes qui vont compter sans oublier son côté cœur d’artichaut qui le fera tomber amoureux de femmes inaccessibles. Mikaël Ross a opté pour une approche profondément humaine incluant ses faiblesses, allant jusqu’à l’outrance et la trivialité lorsqu’il aborde les désordres intestinaux de « Pète-au-Vent ». Et c’est cela précisément qui nous le rend si profondément attachant ! On est bien loin de l’image d’Épinal, de l’hagiographie foisonnant d’envolées lyriques ou du récit dégoulinant de pathos pour faire pleurer Margot dans les chaumières. On est beaucoup plus près de l’approche d’un Tezuka dans Ludwig B. ou d’un Milos Forman dans Amadeus.
On ne peut qu’être conquis par l’expressivité et la virtuosité graphique déployées par le bédéiste, auteur allemand qui après avoir suivi une formation de costumier à l’opéra et de styliste s’est adonné à sa passion la bande dessinée. Après un premier album auto-édité Herrengedeck (2008) qui raconte l’errance de deux amis dans la nuit berlinoise, il va signer chez Sarbacane avec Nicolas Wouters au scénario les albums Les pieds dans le béton (2013) et Totem (2016) Pépite des grands au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil. Il va ensuite entamer une carrière en solo avec un troisième album aux Éditions Sarbacane, le remarquable et très remarqué Apprendre à tomber (2019) et enfin Ludwig et Beethoven chez Dargaud.
Son trait dynamique et fougueux presque caricatural n’est pas sans rappeler celui de Blain pour Isaac ou Duchazeau pour le peintre hors-la-loi. Maestro dans la traduction des émotions qui animent les personnages aux visages-ultra expressifs, il nous les fait ressentir profondément. Quant aux sublimes envolées graphiques qui jaillissent du piano telle une éruption volcanique, elles envahissent la page à l’instar de la musique qui envahit l’espace avec une force et une puissance à couper le souffle. Cela commence dès la couverture. Assis au piano, le petit Ludwig pétrifié fixe cette vague immense née sous ses doigts qui semble être sur le le point de le submerger, vague dans laquelle on devine le profil ténébreux du grand Beethoven. Les décors ne sont pas en reste et, de Bonn à Vienne, sont imprégnés de l’atmosphère de l’époque avec en filigrane le contexte historique telle l’occupation de Bonn par les troupes napoléoniennes.
Ce one-shot de presque 200 pages, biographie virevoltante et survitaminée de Beethoven, compose un formidable portrait férocement drôle, sensible et émouvant de celui qui allait devenir l’immense compositeur dont on a célébré les 250 ans l’an dernier. Une vraie réussite tant graphique que scénaristique, une ode au génie profondément humaine à découvrir en réécoutant Beethoven (ou pas) ...
Le récit de la jeunesse de Beethoven avec un trait enlevé et un regard espiègle.
La démesure est déjà là mais elle est contrebalancée par les tourments de l'enfance, les démons familiaux et des intestins fragiles ! D'où le titre sans doute choisi comme un mouvement de balancier entre l'enfant colérique, pugnace et le grand musicien.
Le dessin est très léger, il y a beaucoup de place pour la rêverie du musicien avec un trait parfois onirique et vaporeux qui donne une impression de flottement.
Inutile d'être un mélomane pour lire cette bande dessinée, elle est vraiment pour tout public, qu'il s'agisse de connaitre un peu mieux le musicien ou de le découvrir avec malice, même si le drame pointe en fin d'ouvrage avec la perte de l'ouïe.
Un joli moment de lecture, assez drôle et qui donne même envie de (re)découvrir sa musique.
Ne connaissant que les grandes lignes de la vie de Beethoven, je me suis plongée avec curiosité, et très vite délectation, dans Ludwig et Beethoven de Mikael Ross. Une BD ambitieuse, autant sur le fond que la forme, et de très belle facture proposée par les éditions Dargaud, qui ont veillé à offrir un écrin seyant à la magnificence d’un musicien et compositeur de génie, dont le nom seul suffit à enflammer les esprits.
D’ailleurs, enflammé, Beethoven que l’on découvre ici à l’âge de sept ans, avant de le suivre dans ses jeunes années, l’est assurément. Prompt à réagir à l’humour très terre à terre de ses deux frères, dont il demeure pourtant proche, et à une condition de misère empirée par un père violent, alcoolique, autoritaire et (auto)destructeur, Beethoven se laisse bien souvent emporter par un esprit créatif que ni les défaillances paternelles, ni les épreuves ne pourront entacher. Quand les bruits du quotidien sont, pour le commun des mortels, de simples sons, le jeune garçon a appris à écouter et à transformer le rythme de simples pas, ou encore le piaillement des oiseaux, en quelque chose d’autre. Une mise en forme et en musique du banal qui préfigure déjà du talent de l’artiste pour transformer la boue en or, et se nourrir d’expériences désagréables afin de proposer un art du rêve, une musique qui touche, et dans laquelle les auditeurs aiment à se perdre.
Ludwig et Beethoven, en voici un titre intrigant, mais surtout en voici un titre qui exprime à la perfection la dualité qui marquera la vie et la personnalité de Beethoven : pauvre, par sa famille, mais digne des plus grands par son art, sûr de lui et envoûtant sur scène, tétanisé par l’angoisse avant d’y entrer, longtemps soumis à la dictature d’un père autoritaire, mais ouvert aux idées de liberté et d’égalité venant de France, doux en amour, tyrannique avec certains… Il se dégage ainsi une certaine fragilité et complexité de cet enfant, que l’on voit devenir homme, qui alterne entre exaltation créative, parfois nourrie de sentiments amoureux, et périodes de doutes comme doivent, probablement, en connaître tous les artistes.
Bien que ce ne soit pas forcément le type d’illustrations que je favorise dans mes lectures, je reconnais avoir été séduite par le style de Mikael Ross, dont le caractère fougueux et assez libre convient à merveille à l’esprit de Beethoven. L’auteur/illustrateur restitue ainsi avec une force indéniable, et une grande acuité, les émotions et les différents états d’esprit qui traversent le musicien, mais aussi la puissance des envolées lyriques et symphoniques qui s’échappent du piano. Ce que Beethoven compose et joue, l’auteur s’évertue à nous le représenter, nous permettant ainsi, pendant un instant empli de magie, de nous échapper du quotidien pour entrer dans les rêveries d’un homme qui semble s’oublier dans la musique. La simplicité des traits, à l’esthétique assez caricaturale, permet, en outre, de se concentrer sur le plus important, les émotions et la musique, mais aussi les problèmes de l’homme derrière le génie, ceux-ci abordés non sans une pointe d’humour !
Piano, Ludwig, Beethoven
Mêlant avec brio fiction et réalité, le talent de l’auteur réside également dans sa capacité à s’appuyer sur un contexte historique riche pour faire briller un Beethoven nourri de toutes les expériences propres à son époque, à sa vie et à des rencontres plus ou moins marquantes. On découvre, par exemple, de quelle manière le soutien d’une très accueillante et avant-gardiste famille lui permit de s’élever malgré une situation familiale difficile, mais aussi l’influence bienfaisante et bienfaitrice d’Hayden, qui veillera, avec une certaine patience, à guider son protégé pour qu’il ne se laisse pas déborder par ses instincts, ses impulsions et ses doutes.
La vie de Beethoven, bien que pas toujours simple, fut exaltante et riche. Une richesse dont l’auteur semble avoir su tirer la quintessence, en ne sélectionnant et ne retranscrivant que des moments importants de la vie d’un artiste d’exception, qui s’est construit malgré ou à cause des circonstances. Ce parti pris rend la lecture immersive et fluide, puisqu’il n’y a aucun temps mort, mais je reconnais peut-être une certaine frustration à ne pas avoir eu un aperçu global de l’existence d’un homme bénie par la grâce, mais aussi touchée par la disgrâce.
Ne vous attendez donc pas ici à une biographie de Beethoven, ou à une sorte d’hommage exhaustif, mais bien à une plongée fascinante et immersive, entrecoupée d’ellipses temporelles, dans la vie d’un enfant prodigue devenu un artiste en proie aux doutes, et à un mal-être physique et mental parfaitement saisi et illustré par Mikael Ross. Un auteur/illustrateur possédant un style fougueux très expressif et quasi caricatural, un peu à la Joann Sfar, que l’on appréciera ou non, mais qui ne laissera personne indifférent, à l’image du très grand Ludwig van Beethoven, qui, grâce à sa passion, réussira à réconcilier Ludwig avec Beethoven.
https://lightandsmell.wordpress.com/2021/06/04/ludwig-et-beethoven-mikael-ross/
Voila un roman graphique atypique qui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant ! Le petit Ludwig ne détonne pas uniquement par son génie perceptible à chaque coin de page, mais aussi par son langage châtié qu'il ne rechigne pas à utiliser. Au début, cela surprend, crée une distance avec le personnage, et puis on s'attache à ce petit diablotin de génie. J
e n'ai pas été sensible aux dessins de Mikaël Ross ; je les trouve trop abruptes, trop secs, trop tiraillés. Je n'ai ressenti aucune chaleur ni aucune poésie dans sa manière de dessiner ; mais reconnaissons que son trait de crayon à quelque chose de vibrionnant et de bouillonnant qui siéent à ravir avec le caractère et le talent hors normes du jeune Beethoven.
Ce roman graphique est l'opportunité de découvrir un musicien de génie, ses moments de joie et ses fêlures personnelles tout en voyageant au sein des grandes cours d'Europe.
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