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Lui, on ne connait pas son prénom. Ou s'il nous le dit, on ne le retient pas. De lui, on sait l'amour immense qu'il porte à Lili, sa femme, la mère de ses enfants. Ses enfants dont il prend soin du mieux qu'il le peut pendant que Lili part travailler.
Car lui n'a plus d'emploi, plus de droits à une quelconque allocation.
Lui, il traine son mal-être, sa douleur, sa misère par devant lui. C'est un sentiment de nullité qui l'accapare. Un profond goût d'injustice. Un anéantissement. Un terrifiant appel au secours que personne n'entend, ni ne voit, ou ne veut entendre ou voir. A part Lili qui est là, à ses côtés, qui partage le pire, qui se contente avec toute la joie de vivre qui lui reste du verre à moitié plein plutôt que de s'absorber dans celui à moitié vide.
Cette nouvelle, signée Marlène Tissot aux éditions Lunatique, est un véritable coup au coeur. La vie dans ce qu'elle a de plus beau et de plus horrible. C'est le ressenti d'un homme qui se débat dans les méandres d'une déchéance qui l'engloutit chaque jour davantage.
Ce récit m'a fait penser à Zola, à ses descriptions sans filtre de la condition humaine.
On ne peut rester insensible à ces mots, ces phrases coups de poing, coups de sang, qui nous laissent espérer avant de nous terrasser. Et pourtant, n'est-ce pas ce que l'on fait en détournant le regard face à la misère?
Un récit d'une puissante lucidité.
Marlène Tissot chante les mots, fredonne la poésie. La vie n’est pas forcément une chanson mais elle peut prendre les mêmes airs, s’envoler de lyrisme ou se noyer dans le blues.
Comme toujours, l’écrivaine peint des notes sur les gammes de la vie. Elle regarde, observe, soulève les yeux des autres, de ceux qui ont les paupières trop baissées de fatigue, d’usure, de lassitude, de fatalité. En seulement 120 pages, elle égrène 49 chansons du plus célèbre groupe de rock originaire de Liverpool, avec sa propre vision, ses propres vocables en donnant corps à tous ces refrains collés à notre esprit. Situations imaginées entre espoir et désespoir, combat et résignation ; des petits instants de vie, quand il ne se passe rien, quand il se passe quelque chose, peu importe entre l’attente et le jour même, le vécu et le lendemain ; à chaque fois que les êtres sont moroses ou bercés d’alacrité, elle ajoute un ingrédient qui domine les nuages blancs, les nuages gris : la poésie et la gymnastique fantaisiste que d’aucuns nomment la verve. Inspiration, respiration.
Alors pourquoi lire ce livre ? Because peut-être vous vous dites I’m so tired ou I’m a loser. Pourtant ce n’est pas The end, surtout Don’t let you down, Marlène Tissot want to hold your hand et cette lecture sera A day in the life. Pour Getting better et siffloter pour mieux voir les rêves en liberté. A l’image de la première nouvelle avec cette femme qui habitant trop loin de la mer a mis du bleu dans son bain, pour « se transformer un moment en sirène ». Une forme de parenthèse inattendue dans cette « impatience d’un monde pressé ».
Blog Le domaine de Squirelito =>> https://squirelito.blogspot.com/2020/10/une-noisette-un-livre-life-is.html
Le dernier roman de Marlène Tissot n’est pas une impasse mais un boulevard de résistance face aux accidents de la vie.
Mary et Franck. Rien ne pouvait faire songer que ces deux êtres écorchés par leur enfance pourraient un jour se rencontrer. Et, pourtant, leurs routes vont se croiser malgré les ralentisseurs de l’existence.
Mary est coiffeuse, a pu apprendre un métier malgré l’enfer qu’elle a vécu dans son enfance et adolescence : un père qui l’aimait trop ou plutôt qui ne l’aimait pas comme un père mais comme un prédateur libidineux, et ce, avec la bénédiction d’une mère silencieuse et soumise au pouvoir familial phallique.
Franck est gardien de nui dans un cimetière et parfois le silence des morts lui semble plus réconfortant que le cri des vivants. Il a été battu par sa mère et a grandi en ayant peur des femmes, cette douleur d’enfant non aimé ne cessant de le hanter. L’absence de père est un poids supplémentaire dans son existence qui est devenue néanmoins un peu plus tranquille après avoir fait les 400 coups. Une placidité apparente qui s’enfonce dans la monotonie et où les blessures se rouvrent au moindre soubresaut.
Des destins douloureux que d’aucuns nommeraient ordinaires mais l’auteure les convertit en personnages extraordinaires. Pudiques à l’extrême, Mary et Franck surmontent comme ils peuvent leurs angoisses, leurs regrets, leurs cauchemars ; une révolte intérieure sans violence extérieure. Combatifs, ils poursuivent leur chemin de vie dans ce roman excessivement touchant, à la fois brutal et poétique, dévastateur et positif. Le tout sublimé par des variations énigmatiques qui jouent sur la sonorité des mots dans le grand fracas des existences.
La lecture terminée, le premier sentiment qui surgit est l’impression d’être loin d’avoir emprunté une voie sans issue mais plutôt avoir entendu un chant d’espérance pour des voix libérées.
Blog : https://squirelito.blogspot.com/2020/06/une-noisette-un-livre-voix-sans-issue.html
Au pays des mères toxiques, absentes, violentes, et des pères incestueux ou inexistants, comment peut-on se reconstruire ?
Mary entend des voix qui lui parlent sans cesse, pas seulement celle de son doudou quand elle était petite, mais de nombreuses autres qui lui disent ce qui est bien ou mal. Il faut dire que Mary, on le comprend vite, a appris le silence lorsque son père venait lui dire bonne nuit, soir après soir, sa main sur sa bouche pour qu’elle se taise pendant qu’il cherchait tout au fond d’elle. Pendant que sa mère restait assise devant la télé pour ne rien voir, ne rien entendre. Mary a fui ce couple toxique. Aujourd’hui, coiffeuse dans une petite ville, fragile encore, elle essaie de se reconstruire. Mary la lumineuse, légère et tourbillonnante, entre folie et résignation, entre envie de vivre et désespoir, joyeuse parfois, aussi sereine qu’inquiète à d’autres moments.
Franck est grand, athlétique, ni beau ni laid, gardien de nuit au cimetière. Il est un peu désespéré de voir que personne, pas même la caissière, ne lui sourit jamais. Franck heureux lorsque le vieux Joseph lui allume le chauffage dans le réduit où il va passer la nuit. Heureux qu’on ait pour lui des attentions, lui qui n’a jamais connu l’amour d’une mère ni celui d’un père. Car de père il n’en a pas, en tout cas sa mère ne lui en a rien dit. Et de sa mère, si douce et aimable en dehors du foyer, combien de coups a-t-il reçu, combien de mots, de violence, combien de douleurs impossibles à oublier et qui vous détruisent à jamais.
Jusqu’au soir où, sans savoir comment, Mary téléphone à Franck pour qu’il l’aide… Une rencontre entre deux écorchés de la vie pour un nouveau départ ?
Un roman pour dire la douleur et la violence, pour dire le silence des mères, leur fuite devant les responsabilités, leur violence aussi. Pour dire la souffrance face à un père pédophile incestueux ; pour dire la fuite, la reconstruction maladroite, le courage d’affronter sa vie en quittant les siens, seul face à ces voix qui vous hantent, face à ses souvenirs, à sa détresse, mais armé de courage pour avancer, craintif, maladroit, méfiant, plein d’espoir pourtant.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/05/10/voix-sans-issue-marlene-tissot/
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