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La littérature américaine, à part Carver, Roth, Malamud et quelques autres, je ne suis pas fan : soit je n'en perçois pas vraiment la dimension littéraire, soit je trouve les personnages et les situations stéréotypés ou alors, je ne saisis pas bien l'intérêt du projet… Et c'est le cas ici, dans ce livre qui en réalité en contient deux : « Jane, un meurtre » (publié en 2005 aux EU) et « Une Partie Rouge » (2009).
Le point de départ de ces deux livres est l'assassinat de la tante de Maggie Nelson, Jane Mixer, en 1969, par un serial killer alors qu'elle était étudiante en droit et rentrait chez ses parents pour les vacances. Le premier livre rassemble des extraits du journal de Jane, des poèmes de l'autrice, des notes, des pensées, des lettres du fiancé, des échanges avec sa mère…
Question : Quel effet ce kaléidoscope est-il censé produire sur le lecteur? Et disons-le clairement : quel est le projet de l'autrice ? Eh bien, franchement, je n'en sais rien.
Évidemment, de ces documents émerge le portrait d'une jeune femme. Maggie Nelson a-t-elle voulu redonner vie à cette tante trop tôt disparue (et qu'elle n'a pas connue), a-t-elle souhaité lui rendre un dernier hommage ? Elle précise dans une courte introduction qu'elle « ne prétend pas à la précision factuelle dans la représentation des événements et des individus. » Pas de souci, je ne cours pas non plus après les précisions factuelles ; en revanche, savoir précisément de quoi on parle m'aiderait à comprendre le sens du projet d'écriture. J'émets quelques hypothèses, quelques pistes de réflexion possibles : Quelle est la vérité des êtres, des faits ? Le langage peut-il combler les silences, les non-dits, les oublis ? Peut-on s'autoriser à modifier le réel surtout lorsqu'il renvoie à un terrible drame? Doit-on casser la légende familiale pour tenter d'accéder à un portrait plus juste de Jane ? L'autrice cherche-t-elle à savoir qui était Jane pour tenter de cerner sa propre personnalité (à elle, l'autrice) ou pour mieux comprendre les membres de sa famille ? N'est-il pas nécessaire de témoigner sur l'horreur de ce que ces victimes de ce tueur en série ont vécu ? Ne doit-on pas dire sans cesse la violence qui est faite aux femmes ? Faut-il rappeler obstinément l'impossibilité pour celles-ci de déambuler la nuit librement ? J'ai le sentiment que certaines de ces pistes sont abordées mais que rien n'est vraiment analysé, creusé, approfondi. Alors, vous allez me dire qu'il s'agit un peu de tout ça. Peut-être. Certainement même. Dans ce cas, le livre ne tient pas la route. Il effleure une multitudes de sujets importants sans que jamais aucun ne soit abordé sérieusement, sans que jamais ne nous soit proposée une vraie réflexion. Je reste ainsi très frustrée avec un livre dont je ne sais que faire ni que dire sinon que l'écriture ne me touche pas particulièrement, que la « prose poétique » me semble dénuée d'intérêt… Enfin, le portrait qui émane de cette jeune est touchant, certes, mais sans plus. Dans l'émission de France Culture « Par les temps qui courent » du 30 mars 2021, l'autrice dit : « J'ai travaillé sur le livre « Jane, un meurtre » pendant des années, je ne savais pas trop ce que je faisais. » C'est précisément là que réside le problème...
Sur le revers de la couverture, l'éditeur écrit que l'autrice crée « une forme hybride et poétique qui impose une réalité brutale au silence pesant, la juge, la confronte et la fait plier par l'écriture. » « Forme hybride » (évidemment, les documents sont d'origines diverses et de genres très différents), « poétique » je ne vois pas en quoi, « réalité brutale » le contraire serait étonnant puisqu'on parle d'un meurtre sordide, « silence pesant » de la famille, j'ai plutôt eu l'impression qu'il était régulièrement question de Jane dans cette famille, « la juge » : la forme vibrante et poétique juge la réalité brutale ? Heu… qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? Je me perds là..., « la confronte » : la forme hybride et poétique confronte la réalité brutale mais à qui à quoi ?, « la forme hybride et poétique » fait plier par l'écriture le silence pesant… Mouais, pas convaincue par ce speech un peu fumeux...
Tête-bêche (mais oui il faut retourner le livre), passons au 2e volume : « Une Partie Rouge » : c'est la narration du procès, suite à la réouverture du dossier. Il est question aussi de l'histoire de la famille à laquelle s'ajoutent des éléments autobiographiques, des réflexions personnelles et un questionnement sur le pourquoi de ces violences faites aux femmes. À la limite, j'aime mieux ce livre, même si encore une fois je n'en vois pas vraiment l'intérêt, pour les mêmes raisons que tout à l'heure : une espèce de flou artistique concernant le but même du projet d'écriture, l'intention de l'entreprise, la nécessité même de l'oeuvre.
(Sachez quand même que Télérama aime passionnément, mais je ne peux pas vous dire pourquoi, l'article est réservé aux abonnés, ils disent aussi que Maggie Nelson est « une voix majeure de la non-fiction américaine »)
(Sachez aussi que Maggie Nelson a le vent très en poupe : sa pensée est influencée par Butler, Kosofsky, Myles, Winnicott, les maîtres à penser des universités américaines : elle s 'intéresse au féminisme, aux questions sur le genre -elle a un mari transgenre-, sur l'identité sexuelle etc etc. C'est très bien tout ça, hyper dans l'air du temps, mais, hélas, ça n'en fait pas pour autant une écrivaine, en France du moins !)
LIRE AU LIT le blog
BLEUETS de Maggie Nelson
Traduit par Céline Leroy
Éditions du sous-sol
Voilà un livre singulier dans lequel il faut se laisser aller, se laisser flotter sur le dos entre le bleu de la mer et celui du ciel.
Un livre avec lequel il faut lâcher prise et où l'importance n'est pas de tout comprendre. C'est comme une chanson... peu importe une certaine obscurité des paroles si sa musique nous fait danser.
Et BLEUETS de Maggie Nelson est fait de musicalité. Des réflexions érudites et poétiques pour nous parler de la solitude liée à une rupture amoureuse en 240 fragments de bleus.
Un texte magnifiquement traduit par Céline Leroy.
C'est brillant et j'ai adoré !
COUP DE COEUR !
Maggie Nelson, poétesse et essayiste américaine, est la nièce de Jane, assassinée en 1969 dans des circonstances sordides correspondant à l’œuvre d’un tueur en série identifié. Semblable à cette tante qu’elle n’a jamais connue de par ses goûts, son âge, ses interrogations, Maggie Nelson s’attache à reconstituer cette partie de la vie et surtout de la mort de sa tante et à sortir un recueil de poésie lui faisant référence lorsque sa famille reçoit un appel de la police. Grâce à des recherches ADN le réel meurtrier, qui n’est pas celui que l’on croyait, a été identifié et un procès va avoir lieu. Ce procès, Maggie et une partie de sa famille, notamment sa mère et son grand-père, vont y assister, ce qui va raviver des douleurs, questionnements et comportements anciens pour eux tous. Ils doivent de nouveau faire face aux photographies sordides de la scène du crime, à l’homme présenté comme le meurtrier, etc…
C’est un récit avec une part autobiographique très touchante et des touches de poésie indéniables que nous offre ici Maggie Nelson. La traduction est parfaite et rend justice à la recherche littéraire de l’auteure, qui force le respect en relatant cette histoire délicate. Les questionnements quasiment philosophiques, notamment sur la famille du « nouveau véritable » meurtrier et son ressenti par rapport au procès ; sur le rôle des médias lors de tels procès ; sur les phobies et peurs laissées par ces drames chez les proches des victimes et des enquêteurs sont abordés et Maggie Nelson nous offre son interprétation ou ses propres réponses, comme une méditation guidée. Une belle découverte que cet essai parfaitement réalisé, dont il ne faut pas oublier la véracité.
Bonsoir, Je n'ai pas aimé, je me suis ennuyée.
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