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L'auteure Luba Yakymtchouk - Любов Якимчук - est née à Pervomaisk, ville minière de la région de Louhansk, dans le Donbas. Poétesse, dramaturge, scénariste, elle a reçu le prix international de poésie slave et a remporté le concours littéraire international « Coronation of the Word ». En 2015, le magazine « New Time » de Kiev, l'a classée parmi les 100 personnes les plus influentes de la culture en Ukraine. Elle a également participé à l'ouvrage collectif Hommage à l'Ukraine (Stock, 2022), qui repose toujours sur le haut de mon éternelle pile à lire.
L'édition est bilingue, il est pourvu d'une préface qui l'est également, rédigée par l'auteure. C'est un recueil né de la guerre, l'illustration de la première couverture le montre assez pudiquement au travers de ce mur criblé de balles devant lequel joue un enfant. Les abricots du Donbas, j'aime beaucoup ce titre très doux et sucré, se réfère à la zone où poussent les abricots en Ukraine, là-bas vers l'est, à la frontière qui la sépare de l'agresseur. L'endroit même où se trouvait la demeure familiale, détruite un an avant la révolution de Maïdan, par les séparatistes russes, en 2014. C'est d'ailleurs dans cette préface qu'elle explique le déracinement brutal de sa famille le 14 février 2015, un choix qui s'est fait dans sa tête avant que la maison ne soit torpillée quelques mois plus tard. C'est l'occasion de voir réapparaître l'ombre du complexe et décrié Edouard Limonov.
On commence par un premier poème qui porte un titre évocateur, l'une des raisons pour laquelle le président russe convoitait ces territoires ukrainiens, Le visage du charbon. le roman de Benoit Vitkine Donbass donne un bon éclairage sur ce sujet. le poème suivant Les seins du terril enchaîne sur la même thématique, intrinsèquement liée aux figures maternelles et paternelles, la terre ukrainienne est pour Luba Yakymtchouk ce corps meurtri, nourricier, miné de toutes parts. Non loin des mines de charbon, il y a la douceur de cet abricot sucré et juteux, une douceur qui leur appartient aux Ukrainiens. La maternité, la famille, ça veut dire les souvenirs avec la grand-mère. Puis vient explicitement la mention à la guerre, le vocabulaire s'en ressent, il est question de l'ennemi, de se cacher, de décomposition. Apparaissent les uniformes, la matraque, le meurtre, les obus, la mort, pour finir, avec un peu plus d'espoir et de lumière, sur des poèmes sur l'amour, l'amitié.
Dès le tout premier poème, le visage du charbon, la force expressive des vers de Luba Yakymtchouk m'a frappée, autant par les sujets - ce poème-là est un bel hommage au père et à sa patrie par le biais du charbon, après lequel s'ensuit l'hommage à la mère, toujours à travers la même image, la même métaphore des terrils. Et la mère patrie, le Donbas : on y retrouve un mélange de souvenirs personnels, et de d'observations plus générales. Elle use souvent de figures d'opposition, jouant sur les antithèses, noir du charbon/blanc des visages - orange des abricots et joue sur ces contrastes pour marquer la violence en jeu de la vie de mineur, du travail d'ouvrier des femmes en usine, des jeunes soldats envoyés au casse-pipe. La tendresse et la douceur de ces abricots sont mises en parallèle à l'innocence de ces jeunes adultes, aussi tendre et juteux, broyés par l'étau. Dans certains poèmes, elle n'hésite pas à utiliser, de façon très ludique, l'écriture pour tracer des parallèles entre ses ressentis, la façon dont la guerre sur résonne physiquement et psychiquement en elle, sur ses sens.
Puis la guerre, l'obscurité, le temps qui se brouille. L'ennemi n'est jamais appelé, de près ou de loin, par son nom, maintenant par là une distance avec lui. Il prend le nom, incompréhensible, et la forme indistincte, de Miam - phonétiquement niam en ukrainien -, une entité qui revient dans différents poèmes. Un intrus, Une entité dérangeante et qui met mal à l'aise. Puis vient la violence, Décomposition, la guerre en face, les balles et les morts dans Signature : le ton va crescendo, si les images se font de plus en plus crues et violentes, le poème Comment j'ai tué ne laisse plus planer de doute. Décomposition / Obus : on est en plein dedans, mettre des mots sur l'angoisse au bruit des bombes qui explosent, la retranscription de son souffle haletant, description des membres amputés des villes et des corps. Les poèmes dénoncent ces morts injustifiées, l'absurdité des discours. Chacun des poèmes s'attarde sur l'une des horreurs, les viols, les disparitions. Une vie ou rien d'autre n'existe, où la prière est l'une des dernières voix d'espérance dans la noirceur du monde ambiant : la poésie, c'est l'occasion de ne pas s'embarrasser de mots excessifs et dénués de sens, d'allers droit au but, d'approcher au mieux ce monde ou l'essentiel n'a plus le luxe de s'embarrasser de fioritures. Au milieu de tout ça, il y a la souffrance physique et mentale, le mélange des deux, l'absence, destruction, abîme, de soi, de ses proches, (...)
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