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Louis-Ferdinand Despreez est le pseudonyme d'un romancier sud-africain, engagé auprès de Nelson Mandela, qui a été aussi conseiller auprès de chefs d'état africains. c'est dire s'il connaît et maîtrise son sujet. Il écrit en français qui n'est pas sa langue natale, et c'est un vrai bonheur que de lire sa prose absolument truculente, haute en couleur, remuante et métissée. Difficile de ne pas voir dans le choix de son pseudonyme un hommage à l'autre Louis-Ferdinand de la littérature française, Céline.
Bien sûr, le parcours d'Esther est intéressant. Bien sûr les allusions à peine voilées à la Françafrique, et aux arrangements de tous les Occidentaux avec les potentats africains qui font souffrir leurs peuples mais qui laissent aux blancs, les toubabs, la jouissance de pas mal de matières premières et qui s'enrichissent en détournant l'argent censé servir aux habitants, aux magouilles qui n'ont rien à envier à celles des politiques de chez nous, tout cela est présent dans ce livre, puisque l'auteur le connaît bien qui l'a vécu de près ; il le dit d'ailleurs : "Pourtant, j'ai longtemps marché dans les clous, dit ce qu'il fallait comme il fallait quand il fallait, appelé un sourd un malentendant, dit un Black plutôt qu'un Noir, fait le tolérant compréhensif éclairé et aimable en tous lieux en respectant les innombrables encycliques de la pensée correcte. J'ai même feint d'accepter le Ramadan arriéré des uns, les mezouza superstitieuses des autres et les prétendues bénédictions Urbi et Orbi du grand chef de ceux qui ont tenté de m'élever !" (p.11) Oui, tout cela est présent, mais le plus grand bonheur de ce roman en est sa langue, un argot mâtiné d'expressions africaines, de vocabulaire vernaculaire que les sept pages finales recensent : "Blanc-raté : métis ;m> Bilongoter : jeter un sort ; Banyamulengué : étranger africain qui s'immisce dans la vie publique ; Tais-toi : billet de 10 000 CFA..."
LF Despreez est impertinent, insolent et ne respecte plus rien, il se lâche totalement. Il dit tout avec une fraîcheur de ton... j'allais dire rafraîchissante, mais j'ai craint le pléonasme. Et tout passe, l'histoire de Bokassa, des Chinois qui financent l'Afrique "à taux zéro en échange d'une indulgence au rayon des droits de l'homme des Nations Unies" (p.28).
Ce roman est pour moi un hommage à toutes ces femmes qui tentent de faire des choses pour le bien de leurs concitoyens, qui ne cherchent pas à s'enrichir et n'ont rien à faire des signes extérieurs de bien portance et de richesse. Esther est maladroite, veut aller trop vite, mais elle ne voit pas son intérêt seul. Pour finir, je citerai la fin de la quatrième de couverture qui devrait faire fléchir les derniers indécis (ne retenez que les adjectifs, vous verrez, vous ne pourrez que céder) :
"Dans une langue "de malpoli", sorte de pidgin franco-africain exubérant et imagé, Louis-Ferdinand Despreez brosse le tableau très incorrect d'une Afrique excessive en tout, indocile et braillarde. Un roman cruel, grinçant et terriblement réjouissant."
Un policier, oui, mais pas seulement. Ce livre nous parle beaucoup de l'Afrique du Sud, de ses habitants, noirs et blancs, depuis la fin du régime d'Apartheid, mais pas de la façon dont on l'attend. Chacun mène sa vie comme il peut, sans forcément vouloir le bien ou le mal, juste pour son bénéfice personnel, et les conséquences sont tragiques. Le tout dans une société où le bagage historique, culturel, psychologique de chacun ressurgit à chaque instant et dont il est impossible de faire abstraction. Une très belle lecture sur une société au combien diverse et tourmentée!
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