Waouh, au sortir de cette lecture, je suis littéralement abasourdie par la beauté et la puissance de ce roman complètement hors-norme.
Pour Lidia Yuknavitch, le futur est médiéval. A partir des figures de Jeanne d'Arc et de Christine de Pizan ( philosophe et poétesse française contemporaine...
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Waouh, au sortir de cette lecture, je suis littéralement abasourdie par la beauté et la puissance de ce roman complètement hors-norme.
Pour Lidia Yuknavitch, le futur est médiéval. A partir des figures de Jeanne d'Arc et de Christine de Pizan ( philosophe et poétesse française contemporaine de Jeanne, décrite par Simone de Beauvoir comme la première femme « à prendre sa plume pour défendre les femmes », première femme à vivre de son oeuvre, première à chroniquer l'histoire de Jeanne d'Arc du vivant de cette dernière ), elle imagine un monde post-apocalyptique complètement dystopique, comme si le XXIème siècle, malgré ses avancées technologiques, nous avait ramenés à la brutalité des conflits pré-modernes.
2049 : la Terre a été anéantie par un géocataclysme causé par les excès de l'humanités, des guerres interminables l'ont achevée. Notre guide, dès les premiers pages, est Christine, une survivante semi-incarcérée dans un complexe suborbital, CIEL, construit à partir des restes de stations spatiales, dirigé par un dictateur, qui siphonne la Terre de ses ressources subsistances par des aéroducs.
Commen résister dans ce nouveau monde totalitaire ? La magnifique idée de l'auteur est d'avoir imaginé des corps scarifiés par des griphes, des tatouages de mots qui recouvrent parties visibles et recoins de peau, les plus riches n'hésitant pas à les afficher ostensiblement en étirant leur peau au maximum. Dans cet univers où les corps ont muté, ont désévolué ( dépigmentation, perte des cheveux et poils, atrophie des organes génitaux, stérilité absolue donc ), où les relations sexuelles sont des crimes capitaux, les rebelles brûlent leurs corps de textes sexuels, subversifs, résistants. L'histoire de Jeanne est une de ces histoires interdites car Jeanne incarne LA résistance au totalitarisme du sanguinaire Jean de Men. Elle en est morte, brûlée ... à moins que ...
Le récit est complexe, déstructuré entre passé et présent, entre la station orbitale et la Terre, dans un espace-temps assez fou qui nous fait découvrir le don unique de Jeanne, cette force mystérieuse qui vit en elle, lui permet de communier avec la Terre et peut-être d'initier un nouveau cycle de vie.
Je ne suis absolument pas une spécialiste de SF ou de roman d'anticipation, mais là, on est très au-delà d'une dénonciation classique des dysfonctionnements de notre société, de l' hybris qui pousse les hommes à détruire la Terre par avidité, à oublier que l'Homme n'est fait que de matière. Souvent, on lit, on se dit « mais oui » et on repose son livre dans un état d'esprit tout tranquille, comme si la menace était lointaine. Là on est profondément dérangé par la férocité de la réflexion de cette auteure, par sa plume incandescente qui se vautre dans la violence avec une force quasi tellurique.
Et quel final !!!! Il n'y a que 300 pages dans ce roman baroque et pourtant la fin est une vraie fin, d'une beauté poétique, quasi romantique, qui replace l'amour au centre de tout avec un féminisme fort et assumé. Une lecture qui j'en suis sûre restera indélébile en moi. Comme un griphe.