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Pour raconter « Zébuth » Laurence Vielle puise dans la mémoire collective. Zébuth, c’est un diablotin qui nous fait rire et nous émeut lorsqu’il est amoureux. Il est attachant, aime les livres et ne manque pas d’humour pour raconter sa vie fragmentée, vie d’errance dans un labyrinthe. Zébuth, qui a perdu Bel, est à sa recherche et cela conduit à l’errance dans un monde toujours recommencé. La violence est sous-jacente.
Laurence Vielle jongle avec les textes bibliques et les mythes chrétiens, le tout parsemé d’humour.
« On retrouve Z. le matin au bord du cimetière. Brûlé. La langue rouge. Les vêtements épars sur les tombes encore vertes. »
J’avoue avoir eu du mal avec cette histoire et j’ai franchement préféré la seconde partie intitulée : « L’imparfait »
Le recueil est dédié à Bruno. Bruno était un ami de Laurence Vielle qui s’est suicidé en se jetant sous un train, ce qui explique que la mort soit si présente d’une page à l’autre.
« …et les morts sous la terre
Sont nos racines éternelles »
Dans ce texte construit de fragments en prose, de vers libres et de courts dialogues, la poétesse donne la parole à divers personnages. La mort est souvent évoquée, bien sûr, mais c’est aussi la ville qui pulse, et les rencontres, nombreuses, avec un chat, un enfant, des oiseaux…
« La ville répond
Je suis sans inquiétude
J’ai préparé mes lampadaires
Pour la grande nuit
On n’a pas peur de tes prédictions, Dieu
On a la fée électricité. »
Il faut savoir que l’autrice prend beaucoup de notes sur de petits carnets dans lesquels elle va piocher la matière de ses textes. Ainsi ces fragments reliés entre eux nous racontent des instantanés, des bribes de vie. C’est pour cela, j’imagine, que la poésie de Laurence Vielle est si fluide et limpide à lire. Elle nous raconte des histoires, son quotidien qui est un peu le nôtre et cela nous touche.
La poésie de Laurence Vielle est pensée pour être déclamée à voix haute et on se laisse aller au rythme d’une poésie à la fois visuelle et sonore.
Dans les dernières pages, des repères biographiques permettent de mieux connaitre la trajectoire poétique de Laurence Vielle.
Une belle découverte d’une poétesse et comédienne qui a exercé le mandat de Poétesse internationale en 2016/17.
« Partie à Sulawesi, vers l’inconnu, parait une tache au-dessus de nos forces. Et puis on atterrit là-bas. Juillet 2017, le voyage commence »
C’est ainsi que débute ce voyage pas comme les autres entrepris par la poétesse Laurence Vielle. Les poètes indonésiens, elle avait eu l’occasion de les rencontrer lors du festival Europalia à Makassar mais elle va vivre avec les habitants et participer à leurs cérémonies. Dans ses propres poèmes, elle raconte ses découvertes d’une autre culture et ses rencontres entre vivants et morts lors du rituel Ma’nene des Torajas durant lequel on déterre les morts qu’on habille et qu’on fête.
La poésie de Laurence Vielle prend racine dans son observation admirative et bienveillante des habitants, de leurs coutumes, leurs croyances, leurs fêtes où la vie est toujours étrangement mêlée à la mort.
Les hommes sont restés intimement connectés à la nature, aux animaux ainsi qu’à l’esprit des ancêtres. Danses, cérémonies, incantations les célèbrent et les honorent.
« et puis Bissu Salé Salma
Chante à l’esprit
Le chant de la Galigo
Chant en langue de ciel
Venez esprits venez
Nous sommes tous vos enfants. »
Au pays Torajas, on vit avec l’esprit de ses ancêtres et on sacrifie des buffles lors d’une grande cérémonie
t buffle noir
Tu luis au soleil Torajas
ton cuivre est le tambour
de ma langue
ton sang rouge
pare mes lèvres
ton dernier regard
tête tranchée
palpite aux orbites de mon âme. »
Laurence Vielle interroge notre rapport à la mort lorsqu’elle demande :
« Dis-moi, / il y a un mort auquel tu penses parfois ? / Il te visite ? / tu lui parles de temps en temps ? »
Ce questionnement est surprenant car nos rituels funéraires sont éloignés de ceux des peuples bukis, makassars, torajas.
Ce recueil de poèmes nous fait voyager au cœur d’une civilisation lointaine et c’est à la fois surprenant et envoûtant. Les photos de Laurence Vielle illustrent à propos ce voyage initiatique.
Laurence Vielle a été "poétesse nationale" en 2016-2017. Elle est aussi comédienne, et met son talent au service de la poésie qu’elle sait faire vivre comme personne. Ça vibre, tonitrue, chuchote, claque ou chantonne et ça vous bouscule. Ça vous envoie plein tout plein plein d’ondes positives car Laurence Vielle, c’est la générosité même. Elle nous offre des brassées de mots, poèmes ou proses, peu importe, et elle les partage avec son public avec une joie contagieuse.
Noé Preszow dit de sa poésie : « Debout sur la page, debout dans son corps, debout sur les planches, debout sur les planches…La poésie de Laurence Vielle est debout » Et on se lève tous pour Laurence !
Dans « Billets d’où » on peut retrouver des textes déjà publiés et d’autres, inédits, écrits entre 2017 et 2022 « dans le désordre du temps, aux interstices d’un quotidien » C’est son quotidien, le nôtre aussi, qui défile de page en page, « une chaise pour plus personne », « un mur des graffitis ô mur mur de toutes les pensées de toutes les libertés ». On flirte aussi avec un quotidien prosaïque : « étendre linge laver vaisselle moucher le nez » mais les taches les plus banales se transmutent en poèmes sous les doigts de la poétesse alchimiste.
Il y a aussi un avenir plus vert dans « c’est une ville avec des arbres » et dans ce poème qui est une chanson, on sème des graines sur les trottoirs de la ville où il y a des arbres à planter. La poésie de Laurence Vielle possède son rythme, on a envie de battre la mesure et de fredonner.
Le dernier poème lu, la dernière page tournée, on veut y retourner et « on rêve du prochain voyage »
Oui, c’est un beau, un étonnant voyage auquel nous convie la poétesse belge.
Et comme on dit dans son plat pays, merci Laurence ke
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