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Sur la couverture "roman d'anticipation", mal barré à première vue. Et, voilà que je tombe sur une pépite. Anticipation, oui peut-être mais avant tout un roman engagé. Un roman bourré de messages percutants, forts. Je pourrais rentrer davantage dans les détails foisonnants de l'histoire, je pourrais vous décrire l'état de la Terre telle qu'elle risque de devenir si nous ne réagissons pas. Vous décrire ces êtres obligés de fuir pour survivre. Et ceux, fous, en quête de pouvoir absolu même quand il n'y a plus rien à sauver. Je pourrais vous dire que l'homme peut être capable de grande chose lorsqu'il se laisse porter par ses convictions. Je pourrais vous dessiner en mot le portrait de ces robots bien plus humains que l'humain. Mais j'ai plutôt envie de vous dire de lire ce roman. Vous dire que Juliette Bouchet a ce style rock, qui m'a secoué de tout mon être. Fait vaciller mon cœur, trembler mes paupières. M'a fait rire aux éclats aussi parfois.
Juliette Bouchet parvient à mêler le futur et le presque présent. La filiation, l'intelligence artificielle, la maternité, le transhumanisme, la désillusion et l'espoir avec brio. Elle nous attrape sans que l'on s'y attende au point de ne plus vouloir lâcher ses pages. Fascinés. Angoissés. Émerveillés. Par ses mots, sa vision, sa grandeur d'âme. Sa spiritualité. Oui, elle est capable de nous parler robot avec spiritualité. Forte, très forte. Je crois qu'on appelle ça le talent. Ça fait mouche, ça vous broie. C'est écrit avec le ventre, les tripes. Peut-être avec ce ventre maternel. Le ventre. Le deuxième cerveau. Celui qui porte la vie. Oui, ça vient de là. Du centre. L'ironie d'écrire avec le ventre pour s'élever contre le nombrilisme.
Décalé, anachronique, drôle, très drôle, humain, pour passer un très moment avec une écrivain du Berry (ou nous avons plus de sorcière que de vampire)
Peut-être parce que certaines de mes racines trouvent leur lit au pays de Dracula, les histoires de vampires m'ont toujours intriguée. Mais comme elles sont souvent traitées de façon gore ou grand guignolesque, je m'y intéresse peu. Jusqu'à ce livre dont une chronique d'une de mes consœurs blogueuses m'a mis l'eau à la bouche. Bien m'en a pris. Je me suis beaucoup amusée avec cette famille vraiment très spéciale confrontée aux maux de notre époque.
Parce qu'il n'est pas facile d'être un vampire au 21ème siècle. La préoccupation majeure de Raphaël est de parvenir à se nourrir correctement ce qui n'est pas une mince affaire. Avec toutes les saletés que nous ingurgitons et qui passent directement dans notre sang, il passe son temps à soigner ses indigestions. Tout en surveillant ses arrières puisque, dernier rejeton d'une célèbre lignée de vampire, il attise la jalousie des branches moins pures qui rêvent de l'éliminer. Ajoutons à cela un frère un peu simplet et totalement obsédé sexuel, des parents vieux de cinq cents ans et amoureux comme aux premiers jours, et puis la solitude pas toujours facile à assumer. Alors quand Sir Roberts, le vieux lord anglais propriétaire du manoir normand que squatte Raphaël décide de réinvestir sa propriété, le vampire s'empresse de le transformer et de s'en faire un compagnon de galère. Les deux compères rivalisent d'ingéniosité pour dénicher des nourritures satisfaisantes, n'hésitant pas à dévaliser les poches de sang des hôpitaux en cas de pénurie. Jusqu'à ce que Raphaël, encore puceau à 40 ans tombe raide dingue amoureux d'une femme médecin à la beauté renversante. Serait-il temps de perpétuer la lignée ? Pas si simple quand on est un vampire...
Il y a beaucoup d'humour dans ce roman, des situations finement cocasses et des personnages qui n'ont pas grand-chose à envier à la famille Adams. L'ensemble est très bien traité, les différentes situations sont bien exploitées, on marche à fond. Mais c'est aussi un prétexte pour observer nos mœurs avec un léger décalage qui permet une plus grande lucidité. Enfin, son sujet principal est quand même l'amour. Celui qui réjouit, fait battre les cœurs, gomme les différences et aplanit les obstacles. Celui qui régénère, guérit et ressuscite.
Comment supporter l'immortalité sans amour ?
Ce roman est un joli exercice de style, bien mené et revigorant. En cette période estivale, il a de quoi séduire les amateurs de siestes littéraires intelligentes mais ni tristes ni lourdes. De quoi vous mettre de bonne humeur et vous redonner confiance dans le pouvoir des sentiments (si ce n'est dans la qualité de votre alimentation).
Oubliez tout ce que vous avez pu lire sur les vampires. Juliette Bouchet apporte du sang neuf à nous mettre sous la dent. C'est un livre pas très sérieux qui met le projecteur sur des sujets néanmoins d'actualité et d'envergure. Des travers et des paradoxes de notre société que l'auteur aborde sans détour et avec beaucoup d'humour.
L'écriture est en deux tons, gothique et somptueuse, acérée et décadente. On s'amuse, on se gausse des clichés rencontrés. Raphaël est un personnage original, solitaire quand il décide de Transformer Roberts comme homme de compagnie. On suit le chemin de son initiation jalonnée d'embûches dans une ambiance truculente et survoltée. Les dialogues sont croustillants, beaucoup de références donnent du chien, du vivant à cette intrigue succulente. On fait la rencontre de la famille de Raphaël, déjantée. On succombe aux désarmantes et insolites histoires d'amour.
On s'amuse, on sourit beaucoup et on rit même parfois à gorge déployée, parce que c'est juste irrésistible et drôle. Les situations sont renversantes à tout point de vue, c'est direct et sans tabous.
L'auteure a réussi à me convaincre avec un bon coup de dépoussiérage sur le mythe des descendants de Dracula. Vous devriez vous régaler !
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