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Ma chronique : Quelle claque ce roman ! Il fallait oser nous bousculer ainsi ! Remarquablement écrit, audacieux, dérangeant, choquant, totalement amoral , réaliste. Une plume tranchante et directe. Voici une facette d'une Amérique à la dérive, gangrénée par l'exploitation du gaz de schiste polluant l'eau et l'air dans des régions oubliées, créant des laissés-pour-comptes abandonnés par l'État. On retrouve l'éternel affrontement du bien contre le mal, un monde où les plus faibles ont perdu d'avance.
Certains personnages sont toxiques et leurs propos peuvent vous choquer.
Amy, adolescente obèse, brillante élève, mal dans sa peau, subit des quolibets depuis son enfance, mais elle a appris à rendre les coups. Elle ne veut qu'une chose : obtenir une bourse afin de poursuivre ses études vétérinaires, fuir cette région et sa famille. Et surtout elle est prête au pire pour préserver son avenir.
Comment peut-on être sereine quand on grandit près de parents "ratés", d'un grand-père ex Dragon du KKK, d'un oncle, Tom, ancien militaire qui a jadis combattu à Falloujah. Sans oublier l'inspecteur Hastings, policier mélomane, suprémaciste blanc diplômé de philosophie, passionné par les théories de Nietzsche. Tous sont persuadés que le pire nous attend. Leurs gestes, comme leurs propos sont violents, leurs méthodes sont expéditives, il n'y a aucune place pour les remords, aucune tolérance. Ce sont les grands justiciers de ce monde.
Son camarade Paul, dont elle est amoureuse, lui demande de l'aider à commettre un attentat écologique. A partir de cet instant tout va basculer. Pour qu'elle s'en sorte, il n'y aura qu'une solution : faire abstraction de tout raisonnement, de tout sentiment !
Je m'attendais à une autre fin. J 'aimerais en parler avec vous amis lecteurs ! C'est un premier roman exceptionnel, une peinture d'un monde où l'on souhaiterait que la lumière l'emporte sur les ténèbres. Mais est-ce possible ?
Lady Chevy
04 mars 2022
Lady Chevy de John Woods
“ Dans les ténèbres, je me sens à l'aise, je me sens puissante. Peut-être y a t-il vraiment de la cruauté en moi. Acquise ou innée, je n'en sais rien. Peut-être que je voulais simplement voir ce qui arriverait. Peut-être que je voulais sortir de l'ombre et prendre part à ce combat. Peut-être que personne ne sait pourquoi les gens agissent comme ils le font. ”
Lady Chevy, c'est le genre de récit qu'on se prend en pleine face, qui vous fore le cerveau jusqu'au tréfonds pour faire surgir des émotions oxymoriques obsédantes. Implacablement sombre, ce premier roman s'est choisi une anti-héroïne de la trempe des inoubliables, très loin des créatures fragiles qui suscitent une immédiate empathie.
Amy, 18 ans, est une endurcie, intelligente, déterminée, à accéder à ses rêves, les yeux vissés sur une bourse universitaire qui lui permettrait de devenir vétérinaire. Endurcie par les moqueries et le harcèlement scolaire subie à cause de son obésité. Endurcie par la pauvreté, vivant dans une roulotte avec ses parents, un père faible et alcoolique, une mère qui découche. Endurcie par la naissance d'un petit frère difforme, né lourdement handicapée après la cession des droits de leur sous-sol et l'installation au fond du jardin d'un puits de forage type fracturation hydraulique. Endurcie par le poids de sa famille maternelle entre un grand-père qui a été Grand dragon du Klan et un oncle aimant survivaliste néo-nazi vétéran de l'Irak. Endurcie et prête à tout pour préserver son avenir lorsque la tragédie survient d'un plan foireux mal organisé par son ami Paul auquel elle participe.
John Woods pousse très loin les curseurs du roman noir américain en cochant toutes les cases des dérives de l'Amérique rurale pré-Trump ( suprémacisme blanc, bunker sous la maison, misère sociale, désespoir profond ) puis en inscrivant son récit en Ohio désindustrialisé, dans un environnement ravagé par la rapacité des industries du gaz, par la fracturation hydraulique et la pollution des aquifères à cause du rejet de milliards de litres d'eaux empoisonnées par les forages. Il rajoute même une surcouche de noir en offrant l'enquête policière à un policier nihiliste adepte de Nietzsche, Darwin et Heidegger.
Cela pourrait faire beaucoup de noir, de glauque. Ça pèse lourd dans un récit saturé de violence, sans faille ni concession au moindre apaisement à procurer au lecteur. Et pourtant, Lady Chevy évite la caricature et propose un récit de survie passionnant sur le poids de l'hérédité et du déterminisme social.
« Je m'agenouille sous un orme et prie un dieu presbytérien de colère et de feu, j'y mets toute mon âme dévoyée, souillure prédestinée qui s'épanouit en une fleur ténébreuse »
Avec l'alternance de la voix à la première personne d'Amy et celle à la 3ème personnage du flic, le suspense s'organise subtilement, la tension monte, à coups de phrases courtes et de mots qui ont un oeil pour l'ambivalence morale. On est aux côtés d'Amy, on a envie qu'elle s'en sorte, on veut qu'elle survive à son milieu sordide malgré son arrogance, malgré le faible accès à son intériorité émotionnelle étouffée par le poids du malheur, malgré ses actes. Jusqu'à la confrontation entre les deux personnages principaux, troublante, dérangeante, jaillissant d'un formidable dialogue-confession quasi philosophique qui met en lumière l'ambiguë plasticité des repères moraux. Malgré un dénouement plutôt brouillon organisé autour d'un coup du sort un peu trop bienvenu, on sort chaos debout de cette lecture.
Un roman entier et tranchant qui sort nettement du lot, crûment violent, porté par un personnage principal marquant. Un roman en colère qui reste collé à vous, cruelle réflexion sur la zone grise entre Bien et Mal dans cette Amérique blanche qui se sent crever.
Lady Chevy c'est Amy Wirkner, lycéenne, appelée Chevy en raison de son poids (Chevy pour Chevrolet). Elle est obèse, drôle, plutôt solitaire, mais extrêmement intelligente et absolument déterminée à s'échapper de sa petite ville de la vallée de l'Ohio, un endroit empoisonné par la fracturation hydraulique. Les graves malformations de son petit frère sont d'ailleurs sans doute liées à cette activité économique. Malgré des parents démissionnaires et la cruauté de ses camarades, Amy réussit bien à l'école et reste les yeux rivés sur son objectif : obtenir une bourse universitaire puis devenir vétérinaire. Une nuit, voulant aider son ami Paul, elle va se retrouver mêler dans une histoire d'éco-terrorisme et de meurtre. Mais, rien, absolument rien ne la fera dévier de son chemin, rien ne viendra ruiner ses ambitions.
A ce résumé on pourrait penser qu'il s'agit d'une banale histoire d'ado mal dans sa peau et qui cherche à faire son trou. Il n'en est rien. John Woods a écrit l'un des romans les plus noirs que j'ai lu ces derniers mois. On y croise des personnages qui font froid dans le dos. Il y a son grand-père, grand dragon du Ku Kux Klan, son oncle bien-aimé, ex-militaire, néo-nazi qui planifie la fin des temps et le flic de la ville qui à sa propre notion de la justice. Au coeur de l'Amérique suprémaciste blanche, on rencontre ces Hillbillies, ces Rednecks, ceux qui sans doute ont voté Trump et croit aujourd'hui encore en lui, qui dépendent financièrement d'une industrie qui les tue à petit feu.
Abordant des sujets aussi variés que la haine ethnique, la corruption policière, la pauvreté, la dégradation de l'environnement, la culture des armes à feu, le repli sur soi, Lady Chevy est l'histoire d'une jeune fille qui met en lumière les parties les plus sombres de l'Amérique moderne. Il n'y a pas grand-chose de doux dans ce roman et à sa lecture vous devriez comme moi être souvent déstabilisé - voire choqué - par cette héroïne immorale. Alors oui le malaise est quasi constant dans cette histoire mais c'est puissant et c'est un très grand premier roman.
▶ Si vous voulez en savoir plus sur les désastres environnementaux occasionnés par la fracturation hydraulique et l'extraction de gaz de schiste, je vous conseille de lire « Fracture » d'Eliza Griswold, Prix Pulitzer Non Fiction 2019, publié chez Globe.
Traduit par Diniz Galhos
J’ai commencé ce roman sans savoir où j'allais et je peux dire que ce fut une très bonne surprise. Un coup de cœur. La rencontre avec Chevy est pour le moins étonnante et inoubliable. C’est une anti-héroïne, revêche qui tente de sortir de son monde, de ne pas perdre de vue ses ambitions.
Quand on la rencontre, Chevy est une jeune fille de 18 ans qui prépare sa candidature pour l’université. Elle vit dans l’Ohio, dans un mobil home avec son père qui a un penchant pour l’alcool et sa mère qui aime flirter un peu avec tout le monde. Elle a un petit frère handicapé. Elle est certaine que son handicap est dû à l’exploitation de gaz de schiste qui vient pourrir la santé des habitants de la localité. Sa seule option pour fuir ce monde qu’elle déteste c’est l’université. Elle veut devenir vétérinaire. C’est plutôt bien parti mais des événements vont venir mettre ses plans en péril. Elle fera des choses affreuses pour ne pas perdre de vue ses objectifs.
C’est un roman noir comme j’aime, au beau milieu de nulle part, des habitants victimes de l’exploitation du gaz de schistes, dans une localité marquée par le racisme, l’alcool, la drogue, les armes. Un roman avec des personnages ambiguës mais aussi bien pourris : un agent de police raciste et violent, le grand père de Chevy décédé et bien connu dans la localité, ancien leader du Ku klux Klan, l’oncle Tom, vétéran de la guerre d'Afghanistan confident de Chevy, raciste, prônant la violence.
Un roman social qui nous fait sombrer dans un monde pourri aux côtés d'une héroïne dérangeante qui veut juste s'en sortir. Un roman très dense et sombre , avec une écriture fluide qui le rend captivant voir envoûtant.
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