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Qu’est-ce qu’un génocide ? En quoi diffère-t-il d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité ? C’est qu’il relève d’une volonté politique claire et nette de vouloir exterminer tout ou partie d’une population en raison de sa race, sa religion, ses idées politiques ou autres prétextes. Que l’on peut constater l’existence de textes, lois ou décrets dans ce sens (ou non), d’une chaine de commandement allant du sommet de l’état jusqu’aux exécutants qui, bien sûr, diront qu’ils ont obéi aux ordres s’ils doivent un jour répondre de leurs crimes. Les guerres de Vendée (1793-1794) ont vu toute une population se voir tout retirer jusqu’au statut d’êtres humains parce qu’elle était catholique et royaliste, refusait la conscription et la constitution civile du clergé. La Convention et particulièrement le comité de salut public tenu par Robespierre donnèrent les ordres d’extermination en toute clarté. Des délégués nationaux veillèrent à ce qu’ils soient exécutés scrupuleusement par l’armée bleue (aux ordres de Carnot, Turreau, Carrier et autres…) Comme la Vendée ne se soumettait toujours pas, on passa par les armes les révoltés et même quelques patriotes au passage, et on déporta femmes, vieillards et enfants, passant ainsi du crime de guerre au crime contre l’humanité. Et quand la Convention, à bout d’arguments, ordonna la mise en place des colonnes infernales, brûlant, gazant (sans succès) et tuant tout ce qui était encore vivant sur son passage, il est difficile de ne pas admettre qu’on en arriva au génocide, même si le terme peut sembler un brin anachronique vu qu’il ne fut officiellement condamné qu’en 1948 alors que le fait avait déjà existé malheureusement dans l’histoire de l’humanité (Carthage, Arménie, Shoah…).
« Génocide en Vendée » est un essai très bien étayé et parfaitement argumenté dans lequel l’auteur ne se pose pas en historien, mais en juriste de droit international et donc en défenseur de la liberté d’opinion qui est la base de toutes les autres. Il se demande pourquoi ce génocide historique doublé d’un « mémoricide » n’a toujours pas fait l’objet d’une reconnaissance officielle par la République, ce qui aurait permis de réconcilier les mémoires tout en veillant à ce que pareilles dérives mortifères ne se produisent plus jamais dans notre pays. Il semble que nous en soyons assez loin vu le négationnisme d’essence robespierriste toujours présent dans l’université et les médias et que l’on peut même en constater d’autres formes plus atténuées de tous les côtés de l’échiquier politique. La République est l’héritière de 89 sans aucun doute, mais la Démocratie ne l’est pas de 93 bien évidemment. Dans cet ouvrage intéressant, le lecteur découvrira toutes sortes d’aspects peu évoqués du problème, comme l’étrange attitude de Louis XVIII qui décora le boucher Turreau de l’ordre de Saint Louis ou celle, non moins discutable, de Louis-Philippe de faire graver son nom en compagnie de celui de Carnot sur l’Arc de Triomphe de l’Etoile, tout en faisant détruire des monuments du souvenir en Vendée même. Un désir de réconciliation poussé sans doute trop loin. Mais génocide ou « populicide » restent là et bien là comme une tache de sang indélébile sur le fronton de la révolution. À noter, en fin d’ouvrage, plusieurs documents (textes de lois, arrêtés, décrets, correspondances, preuves accablantes indiscutables) et une abondante bibliographie permettant de creuser un peu plus la question.
Ce qui s’est passé en Vendée pendant les années 1793 et 1794, une levée en masse du peuple suivie d’une répression féroce par le fer et par le feu qui n’épargna ni vieillards, ni femmes ni enfants peut-il être inscrit dans la définition juridique de crime de génocide ? Est-on dans le cadre de l’ethnocide arménien du début du siècle dernier et dans celui de la Shoah sous le régime nazi ? S’agit-il simplement de crimes de guerre causés par quelques fanatiques, voire de crimes contre l’humanité dans le sens moderne du terme ? L’auteur part du fait que la longue suite de crimes et d’atrocités (exécutions systématiques de prisonniers désarmés, destructions de récoltes, viols, assassinats de masse, destructions de villages entiers, incendies généralisés et même noyades organisées) qui ont été commis par les armées républicaines n’est plus contestée par aucun historien mais pose encore la question du cadre juridique à donner à ces évènements très particuliers…
« Vendée 1793 – 1794) se présente comme une étude juridique appuyée sur le travail de nombreux historiens (de Michelet à Furet en passant par des dizaines d’autres) lesquels ne peuvent s’en tenir qu’à la méthode comparative alors que l’auteur propose d’examiner les faits à la lumière des derniers développements des procédures les plus récentes (Tribunal de Nuremberg, Tribunal pénal international de La Haye, Arusha et autres). Si l’on se référait à d’autres génocides plus récents (Rwanda, Bosnie, Shoah, Arménie…), le drame de la Vendée répondrait à tous les critères, d’abord de crime de guerre dans ses débuts (absence de prisonniers, viols) puis de crime contre l’humanité (destructions systématique d’une région entière, patriotes vendéens compris, alors que l’armée catholique et royale était déjà détruite) et finalement de crime de génocide avec les noyades organisées par Carrier à Nantes, les destructions de récoltes pour affamer toute une population sans oublier les colonnes infernales de Turreau qui ne devaient pas laisser le moindre survivant sur son passage. Soit une disparition planifiée de toute une population, une « épuration ethnique », comme on dirait aujourd’hui. Le lecteur découvrira dans cet ouvrage un brin aride vu l’aspect très juridique privilégié, toutes sortes de détails peu connus comme le tannage des peaux de Vendéens pour en fabriquer de solides pantalons, ou les destins contradictoires des trois principaux responsables. Robespierre eut l’habileté de très peu s’exprimer sur le sujet, tout en inspirant et pilotant l’ensemble par personnes interposées (Carnot, Collot d’Herbois). Encore encensé de nos jours par certains, disposant toujours de rues et de lieux publics à son nom, de nos jours, il serait condamné à perpétuité par le TPI de La Haye comme un vulgaire Karadzic. Carrier, qui endossa le rôle de bouc émissaire finit guillotiné, alors que Turreau, sanguinaire chef des colonnes infernales, eut droit à tous les honneurs, même sous la Restauration, et à avoir son nom gravé sur l’Arc de Triomphe. Histoire et Justice, quel étrange ménage !
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