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Années 20XX.
Employé d'un centre de récupération, Brodeur subtilise une étrange poupée, qui semble vivante.
Dans une ferme Sim tente de remettre les installations en état de marche en s'abreuvant de données sur Internet.
Dans son bureau, Brigitte Vienz reçoit un journaliste venu l'interroger sur les créations de son entreprise, sous la houlette de Zachary Mitoyon, un génie (?)
Étrange roman que celui-ci.
Dans sa construction d'abord. Tout commence par une série de clichés, de chapitres courts, qui ressemblent à des nouvelles ; au point que je me suis posé la question. Puis, chapitre après chapitre, la cohérence d'ensemble apparaît.
Le sujet ensuite. Futuriste et désabusé : que sont nos rêves devenus ? Comment revenir en arrière, si cela n'est pas déjà impossible ?
Étranges, les personnages le sont moins. On est dans la rencontre entre l'ambition industrielle et financière et le génie technologique, ce qui peut conduire à une forme de désastre. Un peu comme si l'Intelligence Artificielle tombait entre les mains d'un Elon Musk...
Étonnante, plutôt qu'étrange, l'écriture. Un récit qui laisse penser, qui laisse imaginer, plutôt que de narrer ou décrire. Un style pas si facile, qui demande un investissement initial, plus fluide ensuite.
Bref, la découverte intéressante d'une autrice québécoise, à l'occasion du festival Livres Paris 2024.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2024/09/02/la-vallee-de-letrange-de-j-d-kurtness-chez-linstant-meme-etrange-vous-avez-dit-etrange/
Quel livre étonnant ! Il s'ouvre sur une citation de la Genèse évoquant la création de l'homme avant de plonger le lecteur dans une narration discontinue, succession de vignettes convoquant une baleine matriarche voyageuse, un requin aveugle affamé, un Amérindien du fonds des âges assistant à un combat baleine vs calmar géant, un marin du XIXème siècle, une fillette d'aujourd'hui qu'on voit grandir et se passionner pour la nature et le monde marin.
Il faut attendre la moitié du roman pour commencer à comprendre comment le récit s'articule, ses enjeux,.j'ai du m'y reprendre à deux fois, persuadée que j'avais tâté quelque chose. Mais j'ai été tellement charmée par la poésie qui se dégage des phrases et stimule un riche imaginaire que je me suis laissée totalement portée. Des images follement superbes se sont durablement imprimées ...
... cette vieille baleine épuisée qui tète « surprise par la chaleur du lait, sa richesse, son onctuosité. Elle tète longtemps, avec avidité. Une autre jeune mère prend le relais. L'appétit de la matriarche est grand. Quand, enfin gorgée et ragaillardie, elle reprend ses esprits, elle se met à chanter de toutes ses forces. Un appel à quitter ce lieu maudit et stérile et à la suivre vers un nouveau territoire. La banquise y est très épaisse, trop parfois, mais son instinct lui dit que cette fois-ci elles pourront la fracasser au prix de quelques nouvelles balafres. Elles perceront les glaces éternelles et feront naître un nouveau océan s'il le faut. »
... la vie dans les profondeurs bathyales avec leur « manière différente d'habiter le monde, de le percevoir et d'y intéragir existe à côté de nous. Comment se sent un poulpe dont chaque bras forme un système nerveux autonome ? de quoi est fait l'environnement d'un animal quand ses manifestations les plus vives lui parviennent par le biais des champs électriques émis par ses proies ? A quel rythme s'écoule le temps pour un arbre de sept cent ans ? Un corail de trois mille ans ? »
Le plus étonnant, c'est comment l'autrice est parvenue à instiller un pessimisme presque joyeux à son texte. le contexte est douloureux, entre éco-anxiété et apocalypse réaliste, avec un monde qui se meurt irrémédiablement et une mission scientifique en Arctique qui veut sauver les écosystèmes en péril telle une arche de Noé. Et pourtant, son roman est lumineux, à l'instar de son dernier chapitre qui relie somptueusement toutes les scènes qui semblaient disparates. le trait est sobre, dénué d'emphase pour parler de cette « fin du monde », laissant ainsi toute sa place à un récit contemplatif qui dépasse l'humain, et qui lui se développe dans le lyrique.
La narratrice, jeune scientifique embarquée à bord de ce navire hors du temps, convoque ses souvenirs, remonte sa généalogie, ses ancêtres, comme si dans l'apocalypse, les souvenirs du passé permettaient de ne pas mourir dans le présent et de survivre dans le futur. Dans ce plaidoyer écologique, la résilience de l'espèce est humaine ne se cantonne pas à une vaine espérance mais se déploierait dans un nouveau cycle de vie, différent, plus vertueux, possible en tout cas, avec une science émouvante et non strictement utilitaire.
Le récit est court, sans doute aurais-je aimé m'immerger encore plus longtemps, approfondir ma connaissance de plusieurs personnages, mais de façon évidente, J.D. Kurtness a un univers fort et singulier, loin des sentiers battus narratifs, qui ravira ceux qui seront sous son charme ou pourra déstabiliser ceux qui ne parviendront pas à relier les fils dans la première moitié du récit. Quitte ou double.
Par plaisir de l’homicide
J.D. Kurtness, une nouvelle voix venue du Québec, retrace dans ce court et percutant roman le parcours d’une meurtrière «pour la bonne cause». Et réussit le tour de force de nous la rendre de plus en plus sympathique alors que les cadavres s’accumulent.
Tout a commencé par un homicide involontaire. En voyant Dave Fiset accroupi au bord de la rivière, la narratrice, encore adolescente, a l'idée de lui balancer un caillou dans les fesses. Mais son geste est imprécis. Quand elle se relève, il lui faut constater que l'aîné des Fiset est allongé sans vie, la tête dans l'eau. La meurtrière ne sera pas inquiétée. «Ce n'est pas que j'éprouve de la culpabilité, c’est l'impossibilité de me vanter que je trouve le plus difficile, Je fais donc de mon mieux pour oublier l'épisode.»
Quelques années plus tard, elle est en ville pour ses études dans un appartement quasi insalubre qu'elle partage avec Gustave et sa cousine Simone. Ce ne sont pas ses maigres revenus de traductrice qui lui permettront d'améliorer son ordinaire, de se nourrir avec autre chose que des pâtes, de souffrir du froid en hiver, de la canicule en été. «Nouilles, café et marijuana: la diète de l'étudiant.» Après avoir essayé en vain d'améliorer l'isolation en injectant de la mousse expansive entre les cloisons, elle hérite du reste du tube. C'est alors qu'elle conçoit un nouveau plan pour se venger de tous ces profiteurs et pollueurs qui détruisent la planète. À la nuit tombée, elle va injecter de la mousse dans les gros pots d'échappement, puis s'en va. Par prudence, il est hors de question de traîner dans le quartier ou même de chercher à savoir quels sont les effets de son petit jeu. Gare aux propriétaires de chiens qui oublient de ramasser les crottes de leur animal de compagnie, aux administrateurs de sociétés énergétiques – gros pollueurs – ou encore aux violeurs. «On trouve toujours de bonnes raisons. Le crime parfait se présente tout simplement». Alors, elle s’amuse tout en se disant qu’elle ne fait que rendre justice.
Jusqu'au jour où elle déroge à cette règle et intervient dans son propre écosystème. Muni d'une carabine à plombs, elle tire sur des voisins bruyants depuis le toit de son immeuble. «C'est de la négligence, de la faiblesse. Je pense que la ville me rend folle. Du moins, elle me fait faire des erreurs.»
J. D. Kurtness ose mettre en scène, avec beaucoup d'humour noir, une narratrice méchante, calculatrice et froide, tout en réussissant le tour de force de nous la rendre sympathique. Il faut dire, comme elle le théorise elle-même, que son visage son est son meilleur alibi. On lui donnerait le bon dieu sans confession. Et qu’elle parvient avec finesse à nous faire croire qu’elle n’est qu’une victime du système. Un système qui, elle le sent bien, va finir par la broyer. Car la technologie avance à pas de géants dans son domaine – elle est traductrice, rappelons-le – et elle sent bien que les machines vont bientôt la supplanter. Alors, il est raisonnable d’agir.
Ce premier roman très culotté est paru en 2017 au Québec où a été multi primé : Prix coup de cœur des amis du polar, Indigenous Voices Awards (saluant un écrivain autochtone émergent) et Prix Découverte du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les éditions dépaysage ont eu la bonne idée de nous faire découvrir cette nouvelle voix percutante, corrosive et fort prometteuse.
https://urlz.fr/lh7l
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