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Madou en 5 actes, Guillaume Nail, Milan
Madou, tout juste majeure, vit à Cherbourg. Elle s’ennuie dans sa classe de terminale qu’elle refait pour cause de ratage de bac. Ses parents, stressés, sont du genre "Passe ton bac d’abord". Mais Madou a découvert le théâtre et sent que c’est dans l’écriture qu’elle se sentira vivre pleinement.
Ce roman est une ode à l’écriture et au théâtre. C’est aussi un roman initiatique, mais point question ici de rites sportifs ou physiques. Madou est en plein questionnements sur son avenir : doit-elle suivre la raison des parents et se forcer à obtenir le bac, s’inscrire à ParcoursSup, vivre à Cherbourg, ou se lancer dans l’écriture, se jeter dans le vide, risquer l’échec voire l’humiliation ? Guillaume Nail décrit une jeune femme en plein désarroi, en plein doute qui se cherche. C’est souvent le cas à cet âge, mais on peut aisément transposer à d’autres âges de la vie, lorsque la question du changement se pose.
Madou va faire des rencontres, certaines qui l’aideront, d’autres qui se serviront d’elle de sa jeunesse, de sa fougue, de son ingénuité. Il lui faudra convaincre. Elle va passer par des hauts desquels elle redescendra très vite, par des bas pendant lesquels les amis de Cherbourg seront présents.
Guillaume Nail écrit un roman fin et passionnant. Madou est attachante, agaçante parfois, mais toujours avide de découverte : le théâtre, la littérature et évidemment Annie Ernaux à laquelle elle s’identifie rapidement : normandes toutes les deux, issues de parents modestes et qui écrivent.
J’ai déjà lu deux livres de l’auteur, un roman jeunesse et un roman vieillesse (c’est écrit comme cela dans sa bibliographie), celui-ci serait entre les deux, il pourra parler à beaucoup d’âges et de lecteurs.
Quittant pour la première fois la littérature pour la jeunesse, Guillaume Nail ne s’éloigne pas pour autant des turbulences adolescentes avec ce roman coup de poing, déflagration de vie, de tension et de poésie, inspiré d’un fait divers dramatique qui, à l’été 1969, coûta la vie de dix-neuf enfants d’un centre aéré, aspirés par un cul-de-grève à Juigné-sur-Loire, près d’Angers.
« On le sait pourtant », insistent les premiers mots, doublant l’avertissement du titre : « On ne se baigne pas dans la Loire. Ni printemps, ni été, ni même un doigt de pied. » D’emblée placé sous la menace d’un drame annoncé, happé dès l’incipit par la somptueuse et inquiétante évocation d’un fleuve aux beautés torves, faussement assoupi entre « bras morts et plein lit », l’on sait que le piège est tendu et que sa sournoiserie aura bientôt raison de quelque victime étourdie.
Personnage parmi les autres, « le fleuve » se mêle dès lors aux prénoms qui servent de titres aux brefs chapitres, révélant les personnalités en une succession de scènes crépitant comme autant de flashes, et qui, en trois parties, vont d’abord nous tremper dans l’angoissant courant de l’histoire, suspendre ensuite son fil pour un retour en amont précisant les relations entre les protagonistes, enfin nous précipiter vers l’estuaire du dénouement, dans la désolation des ruines après le tsunami, quand est venu le temps de la stupeur et de la recherche d’explications.
Inconscients de l’imminence du drame, ils sont un groupe d’adolescents, tous des garçons d’au plus dix-sept ans, en colonie de vacances sous la responsabilité de deux encadrants. En ce 31 août, c’est le dernier jour d’insouciance avant le retour à la maison, chacun solitaire face à ses tracas, alors tous sont bien résolus à profiter jusqu’au bout, et le plus intensément possible, de la turbulente dynamique du groupe. Le sentiment de fin et la chaleur accablante ont définitivement raison de l’autorité vacillante des deux adultes, Pauline et Benoît, l’un comme l’autre au bord du faux pas : elle, fragile et à peine plus âgée que tous ces garçons, troublée par les insolents assauts de leur jeune testostérone ; lui, hanté par l’interdit de son « fétichisme olfactif » qui lui fait chaparder leur linge sale en cachette. Alors, n’en déplaise à Pierre le souffre-douleur et à Totof le franc-tireur, lorsque Gus le meneur lance après le pique-nique et la partie de ballon en bord de Loire : « on va se baigner ? » et que Benoît soupire « place à l’impro », tout peut désormais arriver.
Magnifiée par une plume vivante et affûtée, aux séduisantes et inventives libertés poétiques, la narration crève les pages tant personnages et scènes, d’une précision toute cinématographique, acquièrent d’intensité et de vérité, le tout tendu par l’imminence d’une catastrophe dont on ignore par où elle va frapper. De la traîtrise du fleuve aux comportements transgressifs des protagonistes, en passant par l’aventure isolée d’un Totof courant ses propres risques, les menaces s’accumulent comme de moins en moins lointains coups de tonnerre préfigurant le désastre.
Un livre tragique, sombre et cruel, dont on dévore les originales beautés d’écriture dans un seul jet de tension angoissée.
Sur le blog, aujourd'hui, roman jeunesse, ce qui est assez rare, mais Guillaume Nail dont j'ai beaucoup aimé le roman adulte On ne se baigne pas dans la Loire, me l'a fait parvenir. Même si je ne suis pas le public ciblé, j'ai souvent souri aux mésaventures et aux initiatives d'Armande qui l'emmènent toujours un peu plus loin. Elle est une enquêtrice hors paire, aux instincts et à l'intuition parfois douteux. Elle est attachante et franchement insupportable, une pré-ado, quoi ! Survoltée et toujours à la recherche de la chose à faire pour agacer les adultes et leur montrer leurs faiblesses et leurs petits arrangements. Pas tendre avec sa mère, Guillaume Nail, qui la fait raconter, use de descriptions hilarantes : "La fesse coincée dans une bouée géante tractée par un jet-ski, ma mère me fait de grands gestes, toute jouasse de bousiller la planète en s'esquintant les vertèbres." (p.27)
Le petit truc en plus de ce roman, c'est de le placer dans une actualité forte, celle des réfugiés qui fuient leurs pays dans lesquels ils risquent la mort et celle des conditions de travail dans les camps de vacances dans les îles ou à l'étranger. Bien vu.
Très beau texte de Guillaume Nail dont c'est le premier roman pour le public adulte, même s'il met en scène des adolescents et de jeunes adultes. Il parvient avec tact et finesse à se couler dans les peaux des jeunes gens aux caractères si différents, entre Gus l'extraverti et Pierre le timide mal dans sa peau et son corps trop gros. C'est très bien fait parce que tout paraît joué dès le départ, mais à petites touches, doucement, l'auteur fait naître une autre réalité, la vraie si je puis me permettre ce pléonasme. La vie est souvent autre chose que ce que l'on veut bien montrer. La Loire elle-même, ce fleuve qui semble lui-même si lent, si indolent mais dont il faut se méfier. Elle rythme et sculpte les paysages, même dans les villes où elle ne se laisse pas domestiquer. Tous les Ligériens vous le diront.
Court chapitres ou les narrateurs alternent et se révèlent, gambergent. Certains veulent oublier ce qui les attend à leur retour, ces deux mois furent une pause, une bouffée d'air, alors il faut en profiter jusqu'au bout. Et la tension monte parce qu'on sent le proche drame, mais que l'auteur tarde à le narrer, il raconte le contexte, les petits incidents, les tracas... et nous-mêmes, lecteurs, de ne point aller trop vite pour ressentir encore plus vivement cette tension.
J'aime beaucoup l'écriture de Guillaume Nail, moderne, rapide, phrases courtes, nominales parfois, lorsqu'il dialogue ou décrit un jeune. De belles phrases plus longues pour des descriptions de lieux ou de situations, avec des mots rares, comme celles qui ouvrent le roman :
"On le sait pourtant.
Héritée de nos mères, de nos pères, c'est la rumeur qui coule dans nos gènes et infuse, sur les pentes des coteaux comme aux plaines du Maine, des berges de l'Authlon en corniche angevine, alluvions et roseaux, bras morts et plein lit, c'est cette rengaine avide, bruit lancinant qui attend, au crépuscule là-bas, vers l'estuaire, un monde." (p.9)
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