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Petite et grande histoire se rejoignent.
Gérard Lecas l’auteur n’est pas un néophyte en roman policier, loin s’en faut. Déjà un polar intitulé « L’Ennemi public n°2 » adapté en série télé, puis un roman « Satanique ta mère », des scénarios de la Crim’, du Commissaire Cordier, de Central Nuit, sans compter son travail d’ingénieur du son pour le ciné et la télé.
Pour cette dernière parution il s’est plongé dans le monde des pieds-noirs arrivés en masse en France, de la drogue et de sa pègre locale, ainsi que de la résistance des années soixante. Pour ce dernier thème il a matière puisque son père était résistant.
Il plante le décor à Marseille. On est en 1962, donc juste après la signature des accords d’Evian, lorsque des corps de résistants algériens sont retrouvés, jour après jour dans ces belles collines camarguaises, vidés de la totalité de leur sang : le sang est retrouvé dans un jerrican sur les lieux des crimes.
Deux enquêteurs que tout oppose, vont s’atteler à la rude tâche de la résolution de cette énigme. Rien ne leur sera épargné car ils vont devoir se mettre les mains dans le cambouis de macabres et tordues histoires de famille.
Les deux policiers de la PJ de Marseille ont des facettes intéressantes. Le jeune, Louis Anthureau, est un communiste militant alors que l’ancien, Jacques Molinari, est un résistant inscrit au SAC, association au service du Général De Gaulle créée en 1960. Antagonisme total et réussi pour ce tandem de type attachant.
Moi qui ne connaissais rien de toute la politique menée lors de cette période disons post-algérienne, ni de la résistance à la guerre d’indépendance de l’Algérie, j’ai été épatée d’apprendre autant de la grande histoire.
Les petites histoires familiales des enquêteurs, de la pègre locale, des vilains petits bourgeois ont été habilement mélangées à la grande histoire.
Jusqu’au bout on est baladé et rebaladé, et c’est tout ce qu’on attend d’un polar.
Excellent polar dans lequel Gérard Lecas décrit une ambiance lourde : tous les coups sont permis, les malfrats et les parrains locaux font feu de tout bois pour garder voire augmenter leur empire. La politique, la mairie notamment dirigée par l'ancien résistant Gaston Defferre, n'est pas exempte d'accointances avec le milieu. Plus les actions de l'OAS qui n'accepte pas l'indépendance de l'Algérie, le SAC qui s'immisce dans les différents combats pour discréditer certains, bref Marseille est un panier de crabes venimeux dans lequel le moindre geste est interprété comme une agression. C'est donc lourd, mais jamais le lecteur n'est perdu, car l'auteur explique les rôles des uns et des autres ; personne n'est épargné, ni les parrains de la pègre, ni les politiques mouillés jusqu'au cou voire davantage, ni les communistes encore assez forts mais qui ne supportent que l'un de leurs ne suivent pas la ligne du parti... Le contexte étant posé, il va falloir une intrigue forte pour qu'elle ne s'y noie pas.
Et Gérard Lecas la trouve : le meurtre des deux Algériens, totalement vidés de leur sang et l'enquête menée par deux flics aux idées opposées. Molinari résistant décoré, membre du SAC qui doit rendre quelques services à des hauts placés en guise de remerciement et Anthureau, fils de résistants communistes, lui même adhérent du parti, orphelin de père depuis ses quatorze ans et sans nouvelle de sa mère depuis. C'est électrique entre les deux hommes et l'enquête poussera chacun des deux à s'interroger sur leur passé et leur avenir. Ils devront faire face à leurs démons, à leurs doutes, leurs craintes...
Du polar, du bon, du qui tient la route, du consistant tant dans l'intrigue que dans le contexte, du qui ne déçoit pas bien au contraire !
Dans un mois de février où j'ai eu bien du mal à finir un polar, le seul à avoir trouvé grâce à mes yeux est ce roman paru chez Rivages au début du mois.
Plus qu'un simple polar, "Le sang de nos ennemis" est un roman complexe, politique, implanté dans une réalité historique forte. Mais c'est aussi un récit qui repose sur un procédé éculé (mais qui fonctionne !): le duo d'enquêteurs aussi différents qu'attachants.
Une intrigue d'abord avec ces cadavres d'algériens retrouvés vidés de leur sang... Un contexte ensuite, avec un Marseille qui recueille bon gré mal gré les pieds noirs dans un sac de crotales où naviguent le SAC, la mafia locale, les anciens collabos et les cocos.
C'est un moment bien particulier pour mener une telle enquête et la voir confier à deux nouveaux inspecteurs de l'Evêché est étonnant: un jeune, Louis Anthureau, fils de résistants communistes dont le père a été dénoncé et la mère envolée... Et un ancien: Jacques Molinari, ancien résistant, membre du SAC (association au service de De Gaulle).
Le récit repose donc sur cet antagonisme, et l'intrigue est un prétexte pour plonger en immersion dans un contexte brûlant de l'histoire récente de notre pays. On y est, dans les coulisses de la mairie de Marseille où se cotoient les malfrats et les notables, dans les réunions des réseaux secrets où se décide la vie ou la mort des uns et des autres... C'est glaçant.
Une histoire bien équilibrée où la vie des deux protagonistes pèse lourd et où les secrets ne se laissent pas dévoiler facilement. Ce polar historique, à placer à côté du "Marseille 73" de Dominique Manotti, est pour moi la réussite du mois.
Il est question de retour à la vie normale pour le Caporal-chef Castillo. Après plusieurs années passées dans l’armée, Vincent est de retour d’Afghanistan, nous sommes en juin 2013. Il ne rentre pas seul et son frère d’armes, Willy gravement blessé au combat est déjà à Marseille. Ils avaient pour projet de monter une petite affaire ensemble mais plus rien n’est sur. Vincent retrouve son père et ses deux frères, il ne les reconnait plus. Ils ont tellement changé et sont partis dans des combines et des trafics pas nets du tout. Un roman noir qui prend pied dans l’actualité avec la crise des migrants et des soldats français, pour qui revenir n’est pas aussi facile que ce qu’ils avaient imaginé. Entre misères humaines et trafics humains de tous genres, on ne perçoit que le côté sombre d’ne triste réalité. Vincent gère grâce aux antidépresseurs son SSPT, non diagnostiqué. Willy se résout à passer le reste de sa vie sur chaise roulante et Hamid leur traducteur n’est peut-être pas celui qu’il semble être. On sombre encore plus profond dans le sordide quand on rencontre le personnage de Leila afghane réfugiée et son fils Ashmat. Un roman comme un coup de poing en pleine face, un roman percutant qui avec seulement 215 pages nous donne un condensé de la terrible réalité de cette crise des migrants qui ne fait que commencer. C’est fort bien écrit avec justesse et sans sombrer dans le pathos, une écriture qui tranche au plus près de l’os. L’auteur arrive à aborder des sujets rudes qui font partis des faits divers que l’on peut lire dans les quotidiens, sans compromission, sans exagération, lorsque la réalité dépasse la fiction. C’est douloureux et nous confronte aux aberrations des hommes en temps de guerre. Une lecture poignante et enrichissante qui ne peut qu’interpeller et faire réfléchir, un coup de cœur. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2020/03/11/37997699.html
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