Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !
Malville, d’Emmanuel Ruben est à la fois un roman d’anticipation et un roman d’apprentissage.
L’histoire débute en 2036, dans une France gouvernée par l’extrême-droite. Le narrateur, Samuel Vidouble vit confiné dans sa cave à la suite d’un accident nucléaire sur le site de la centrale de Malville sur lequel avait été lancé en 2027 le chantier d’un réacteur à neutrons rapides de 4ème génération – la nouvelle centrale s’appelait ASTRID. Son constat est amer, le virus nucléaire a tué son père, causé le cancer de son premier amour, ravagé les paysages de son enfance et rendu l’air irrespirable.
Pour comprendre cet enchaînement de faits, il va en quelque sorte remonter le temps et se souvenir…
Il revit son enfance des années 80, dans la cité EDF, semis de pavillons, son père travaillant à LA centrale, le nombril de leur monde. À l’école, comme ses camarades, italiens, belges, espagnols, portugais ou allemands, ils étaient appelés « les gosses de la centrale », leurs pères ayant tous rappliqué pour y travailler. Plus tard, à la suite de la chute du mur puis de l’éclatement de la Yougoslavie, ce seront les Roumains, les Polacks, les Turcs, et les Serbo-Croates qui les rejoindront, leurs pères à eux, pour des emplois dans le BTP ou pour les sous-traitants d’EDF, bref de « la chair à neutrons »…
Sur les bords du Rhône, il grandit donc près de la centrale de Malville dans l’Isère et avoue avoir mis des années à comprendre qu’il s’agissait d’une centrale nucléaire et que son père exerçait un métier réellement toxique.
Il va se lier d’amitié avec Tom, un garçon sauvage qui vit sur l’île des Brotteaux et qui le sauve lors d’une rencontre avec le fleuve qui manque lui être fatale. Une autre rencontre, celle avec Astrid, une adolescente révoltée, prendra ensuite beaucoup d’importance dans sa vie.
Emmanuel Ruben prospecte avec beaucoup de talent, géographiquement et politiquement, cette France périurbaine. Il explore et constate les conséquences sanitaires et environnementales de nos « choix » énergétiques qui bouleversent irrémédiablement notre rapport au monde, à la terre et au vivant.
Tout en faisant le procès du nucléaire, énergie par essence militaire et antithétique aux principes d’une société démocratique comme l’affirme dans le roman, le professeur de philosophie, Malville est une véritable ode à l’enfance, à la liberté, à la nature et particulièrement au fleuve !
On ne peut qu’être séduit par l’imagination débridée de Sam (Samuel). Cet enfant passionné par les lichens et les champignons, sans cesse attiré par l’appel du fleuve, invente d’abord une langue avec son frère de manière à ne pas être compris des parents, le kelmagi. Il se lance ensuite dans l’écriture d’un roman zyntarien…
Le récit de sa première descente du fleuve en canoë jusqu’au défilé de Malarage, encadrée par les moniteurs du centre aéré est de toute beauté et d’une poésie bouleversante. Voyant pour la première fois l’envers du paysage, Sam voit défiler les clochers dans un film au ralenti, et notamment celui de l’église de Brangues sous lequel se serait déroulé le drame ayant inspiré à Stendhal l’intrigue du Rouge et le Noir.
Beaucoup d’émotions m’ont assaillie au récit de la bataille de Malville par Marcel, le père de Tom. Il rappelle la création de cette première ZAD, l’arrivée de tous ces jeunes européens venus pour sauver le monde, Malville qui devient le centre du monde lors de la manifestation monstre du 31 juillet 1977 pour empêcher la construction du « volcan ». Mais à des scènes de liesse vont succéder des scènes de guerre avec la charge des CRS et des gendarmes mobiles qui vont conduire à la mort de Vital Michalon, un adepte de la non-violence. Rappel est fait également de Rémi Fraisse une autre victime des forces de l’ordre tué alors qu’il participait à une mobilisation contre le barrage de Sivens, en 2014.
Malville est un superbe roman initiatique dans lequel on voit Sam prendre peu à peu conscience des dangers du nucléaire et oser affronter les idées de son père, et où on assiste à ses premiers émois et à sa découverte de la sexualité.
Ce fut un vrai régal de retrouver l’actualité des années 80 et 90 vue par le prisme des yeux d’un enfant ayant grandi sur les bords de ce Rhône près duquel j’habite quelques soixante kilomètres plus en aval.
Quant à la dystopie faisant état d’un accident nucléaire, elle fait froid dans le dos en ces temps où le gouvernement relance avec force la filière nucléaire française et que les tendances mondiales placent le nucléaire au cœur des stratégies énergétiques. Les risques liés au nucléaire sont minorés de façon outrancière quand ils ne sont pas tout simplement occultés.
Malville d’ Emmanuel Ruben est un roman intense qui m’a séduite de bout en bout.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/12/emmanuel-ruben-malville.html
Voici un roman que j’ai lu dans le cadre du Prix du Roman d’Écologie 2025 et qui était passé inaperçu sous mes radars. Il est donc arrivé entre mes mains grâce à la sélection du prix et j’en suis très heureuse car ce livre est un coup de cœur !
Le narrateur se situe en 2036, dans une France gouvernée par l’extrême droite. Suite à un accident nucléaire, il est confiné dans sa cave à cause d’un virus nucléaire. Samuel se remémore alors son enfance dans les années 80-90 sur les bords du Rhône, avec la centrale en arrière-plan où travaille son père. Il vit dans un lotissement, comme les autres « gosses de la centrale », avec ses parents qui se disputent et son grand frère.
Entre roman d’apprentissage et roman d’anticipation, c’est le premier qui l’emporte. Je me suis retrouvée plongée dans l’enfance de Samuel. J’ai aimé découvrir la Zyntarie, le pays et la langue inventés par les deux frères. Après le départ de l’aîné, Samuel continue d’imaginer la Zyntarie et en dresse une carte, écrit son histoire et ses lois.
Puis vient l’adolescence. Il y a Astrid dont Samuel et amoureux. Et Thomas en qui il trouve un véritable ami et qui l’emmène découvrir les bord du fleuve. Une liberté que son père lui refuse. Le Rhône est un personnage à part entière. Il y a de très belles descriptions de la nature.
Il y a des passages sur la catastrophe de Tchernobyl, une référence aux Simpsons. Samuel compare son père à Homer. Je me suis retrouvée dans cet enfant des années 80-90.
C’est un roman engagé contre le nucléaire. On sent rejaillir les influences de la vie de l’écrivain-voyageur-géographe. J’ai été emportée par son écriture et son univers. Un roman de la rentrée littéraire 2024 que je vous recommande et qui fait partie de la sélection du Prix du Roman d’Écologie 2025.
Si nous sommes en 2036, ce n’est pas l’avenir que nous fera envisager le narrateur, mais plutôt un retour sur l’enchainement qui a abouti à la situation désastreuse qu’il évoque : une vie terrée, un confinement quasi-permanent , les rares sorties nécessitant un harnachement lourd. Le virus qui circule est doublement pathogène, car il est devenu radio actif !
Tout était en place pour une telle issue : dans son enfance le narrateur vivait dans une cité dont la plupart des résidents étaient employés à la centrale proche. Malgré les protestations des opposants au nucléaire,, malgré les incidents répétés, malgré la leçon de Tchernobyl, la politique de l’état s’est acharnée à développer le parc des centrales nucléaires, se rassurant à coup d’arguments de progrès technologiques et détournant le regard des énormes quantités de déchets qui s’accumulaient.
Cette période est celle d’une prise de conscience, pour le narrateur. Avec en corollaire un conflit interne, l’ado écartelé entre l’allégeance à sa famille, et les doutes sur le discours rassurant du père, sans compter la fascination qu’exerce sur lui ce monstre qui à la fois le menace et le nourrit. Il finit par choisir son camp, sur des arguments qui n’ont peut-être finalement rien à voir avec la raison.
La dystopie inversée existe t-elle ? Je la verrais comme un retour sur l’histoire pour comprendre la situation. C’est exactement le propos de ce roman qui se lit avec angoisse, puisqu’il nous place, nous lecteurs, dans une situation analogue à ce qui a produit la catastrophe. Avec, on le sent bien, peu de marge d’action pour inverser le processus qui a été installé il y a longtemps.
Une lecture très interessante, d’autant que la plume acerbe sert parfaitement le propos.
272 Stock 21 août 2024
#Malville #NetGalleyFrance
Récit d'anticipation dystopique, une oeuvre d'apprentissage très engagé, une exploration de la Valée du Rhône dans une France Périurbaine. Des personnages attachants et sensibles. On passe par beaucoup d'émotions. Une oeuvre aussi personnelle où l'auteur évoque ses craintes. Futur, Environnement, Extrême droite, Adolescences.
"L’ère atomique a débuté en 1945 à Hiroshima et survivra au genre humain puisqu’elle durera des millions d’années. Le virus nucléaire n’a pas seulement saccagé nos paysages, envahi nos esprits, irradié nos mers, nos rivières et nos campagnes. Il ne s’est pas contenté de polluer nos nappes phréatiques et de s’enfoncer à plus de cinq cents mètres de profondeur dans les argiles jurassiques de Bure, notre gigantesque poubelle atomique."
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