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Parker est chauffeur poids lourd pour une société qui n’a pas l’air très clean puisqu’il transporte des marchandises non déclarées qu’il livre d’un bout à l’autre de la Patagonie. Il sillonne les routes les moins fréquentés, pour éviter les barrages de contrôle, croisant surtout des nandous ou des guanacos.
Il vit dans son camion et souvent décharge tout un mobilier pour recréer un appartement en plein air quand il fait des haltes plus longues. Il a aussi un rendez-vous plus ou moins régulier avec un ami journaliste qui lui aussi sillonne les routes en voiture car il mène une enquête sur des nazis exilés et un sous-marin de la seconde guerre mondiale.
Un jour que son camion connaît une panne, Parker se distrait en allant à une foire aux manèges où une femme lui tape dans l’œil.
Mayten, la femme convoitée, est exploitée par son mari Bruno le chef de plusieurs attractions.
Parker amoureux va enlever Mayten et l’embarquer dans sa vie d’errance.
Un road movie en Patagonie où nos anti- héros traversent des paysages irréels et des lieux perdus. Un huis clos dans un camion où chacun se confie et se raconte.
C’est étrange comme il ne se passe pas grand chose et, en même temps, tout est aventure et tension que ce soit entre ce paysage changeant ou entre les personnages.
Des jeux de langage entre réalité et fiction provoquent des dialogues absurdes entre des personnages qui se croisent dans les petits villages et qui peuvent être drôle comme déstabilisant, Parker s’en agace souvent de ne pas savoir exactement quel nom de village sera le suivant et où trouver un téléphone qui fonctionne.
Plusieurs événements vont interférer qui permettent de tenir en haleine cette histoire de routiers.
Une soif de continuer et un vent de liberté soufflent dans ce roman original qui m a plu malgré certains passages très lents et répétitifs.
Au col de Roca Pelada, il y a un poste frontière, indéniablement le plus haut du monde. Là-bas, rien ne pousse, quasiment rien ne vit. Mais poste frontière il y a : d'un côté les carabiniers de la Ronde des Confins menés par le lieutenant Gaitán et de l'autre, la Garde-Frontière dirigée par le lieutenant Ricardo Costa et son second, le sergent Quipildor. Les tensions entre les deux pays sont assez vives, et il est beaucoup question de la frontière, marquée par des traces de chaux, qui se déplacerait d'un côté ou de l'autre, des météorites qui disparaissent au profit des musées... Un jour, à la surprise générale, Gaitán est remplacé, il a envie de vivre au nord du pays, près des plages, au soleil, pas dans ce coin ou l'été et l'hiver se succèdent dans une journée.
"Le détachement militaire du col de Roca Pelada était perché au-dessus de toutes les villes de la planète et de presque toutes les espèces vivantes, à deux mille mètres à peine sous la ligne de survie, et pour y accéder il était plus facile de descendre d'un nuage que de grimper la cordillère. Un peu plus haut commençait la zone de la mort où ne pouvait subsister longtemps aucun organisme, la nature n'y permettait que de brèves escapades à condition de se contenter de planter rapidement un drapeau sur un sommet, d'enterrer un parchemin pour mémoire, ou de placer une borne frontalière et de redescendre immédiatement." (p.11) Le roman débute ainsi, le décor est planté.
Vous prenez Le désert des Tartares ou Le rivage des Syrtes, ces grands romans dans des lieux isolés et désolés dans lesquels il ne se passe pas grand chose et dans lesquels l'attente est érigée en principe, vous y injectez une bonne dose de décalage et d'humour, et vous obtenez un autre grand roman, ce Roca Pelada. L'humour et le décalage proviennent pour beaucoup des subordonnés de Costa, des hommes du nord du pays, de la mer, du farniente, qui se retrouvent dans un milieu hostile et qui développent toutes sortes de maladies, allergies... Imaginez un groupe de hippies des années 70 censés surveiller une frontière et vous avez la bonne image en tête. Il naît aussi de la confrontation entre les deux pays et leurs représentants, cherchant par tous les moyens à se duper.
Roca Pelada est un roman qui pourrait paraître long, qui demande un peu de temps, mais qui ne lasse jamais, qui se lit jusqu'au bout avec plaisir. C'est formidablement écrit. Les dialogues sont surréalistes, très drôles. Il y est question de la nature, de la futilité des frontières et des règles face à elle, du devoir des hommes, de leur faiblesse aussi, des traditions de ceux qui vivaient là avant la colonisation. Dans ce coin du monde totalement reculé, à part, les questions existentielles se posent : la vie, la mort, l'amour, le libre-arbitre... vaut-il mieux paraître ou vivre pleinement sa vie ?, qu'est-ce qu'une vie réussie ?... Et les grandes questions de société sur la nature, sa préservation, les pouvoirs autoritaires, la soumission des peuples et notamment celle des peuples colonisés et le pillage de leurs œuvres...
Bref, un très bon roman, le second d'Eduardo Fernando Varela, après Patagonie route 203 qui fut un succès critique et public mais que je n'ai pas lu, le premier donc si vous suivez bien ma longue phrase, écrit à 60 ans. Preuve que le talent n'est pas lié à l'âge.
Quelque part dans la cordillère des Andes, peut-être bien aux confins de l’Argentine et du Chili ou de la Bolivie, il y a le col de Roca Pelada (« roche pelée » en VO), perché à près des 5000m d’altitude. Autant dire qu’à ces hauteurs quasiment inhumaines, les êtres vivants sont peu nombreux : un puma, des guanacos et quelques hommes. Parmi ces derniers, de rares autochtones et deux détachements de soldats. Oui, deux, car à Roca Pelada, ce milieu de nulle part, passe la frontière, avec donc un poste et des gardes de chaque côté. Dans ce désert du haut du monde, c’est le minéral et le magnétique qui règnent, s’exprimant à travers volcans, geysers, orages, secousses sismiques, électricité statique. Un environnement hostile où les hommes ne sont pas à leur place, encore moins les nouvelles recrues d’un des deux postes, tout juste arrivées de leur plancher des vaches tropical chaud et humide, et victimes du mal de l’altitude.
Il ne se passe pas grand-chose à Roca Pelada, où les commandants de chaque camp tuent le temps en scrutant l’horizon infini à la jumelle à la recherche d’éventuels contrebandiers, en répertoriant des bornes frontière (que les uns et les autres déplacent furtivement pour gagner quelques mètres carré de territoire), et en faisant repeindre à la chaux la ligne de démarcation.
Un jour, survient un grand chamboulement : le commandant Gaitan, de la Ronde des Confins (côté ouest de la frontière) annonce à son homologue Costa, de la Garde-Frontière (côté est), qu’il va être remplacé. Dans cet univers pétrifié, c’est là une surprise de taille, qui devient carrément coup de théâtre quand Costa réalise que le nouveau commandant est une femme, la capitaine Vera Brower.
Commence alors entre Costa et Vera un jeu de chat et de souris, l’un cherchant à découvrir la mission secrète de l’autre. Mais entre ces deux officiers appartenant (en théorie) à des armées ennemies, la frontière va (en pratique) se brouiller…
Dans ce roman hypnotique (aah, le mal des montagnes et ses vertiges…), on assiste à des scènes et des dialogues surréalistes, absurdes, savoureux. Les corps et les âmes sont mis à rude épreuve par le manque d’oxygène, parfois victimes d’hallucinations, et fantasment sur un retour vers le monde d’en-bas, animé, mouvant, réel. Entre rigidité militaire et sensation d’être en permanence détaché des contingences matérielles et temporelles, le col de Roca Pelada est le lieu improbable des questionnements existentiels sur le sens de la vie et même sur l’amour. Un paradis (ou un enfer, c’est selon) à l’écart et à l’abri du monde : « Quand Gaitan aurait réalisé ses aspirations dans la plaine, elles se changeraient vite en routine et perdraient leur magie, tôt ou tard il reviendrait vers les hauteurs de Roca Pelada où le passé et le présent étaient des idées aberrantes qui libéraient les hommes de leur mémoire. Ce n’est qu’en retournant dans la cordillère qu’il pourrait jouir de sa mer et de ses femmes exubérantes, son poisson frais, son air marin et ses vagues ».
Malgré quelques longueurs, un beau roman profond, drôle et magnétique.
Il y a le pays où l’on n’arrive jamais, et il y a celui que l’on ne quitte jamais : la Patagonie.
Parker, chauffeur routier, n’abandonnerait pour rien au monde ces immensités arides et désolées, inhospitalières et sublimes, « son plaisir à traverser des villages et des hameaux où les gens étaient destinés à croupir jusqu’à la mort et à les abandonner à leur sort« . Au volant de son camion dont la cargaison n’est pas toujours réglo, il sillonne en tous sens les routes secondaires de Patagonie pour éviter la police. Son camion est son refuge, ces espaces infinis sa zone de confort. Solitaire, il limite au maximum les contacts avec les autres représentants de l’espèce humaine, jusqu’à ce que sa route croise celle de Mayten, la jeune et belle épouse d’un forain brutal.
Mayten, elle, rêve de s’échapper de ce désert et de vivre dans une grande ville : « En observant l’espace qui l’entourait, elle se dit que la cage qui l’emprisonnait était vaste, sans barreaux, ni portes, ni fenêtres, infinie. Une cellule où elle pouvait se mouvoir à volonté, mais d’où elle ne pourrait jamais s’échapper. C’était la plus terrible des prisons, dont les murs s’étendaient à perte de vue et au-delà. Elle se demanda ce qu’étaient devenus ses rêves et ses espoirs, son ambition de quitter pour toujours ces solitudes et de vivre dans une ville avec de vraies rues et des immeubles, des gens marchant sur les trottoirs sans devoir se protéger des bourrasques et toujours chercher un abri« .
La rencontre, l’amour, la fuite. Voilà les deux tourtereaux embarqués dans un road-trip surréaliste, dont le seul but semble être d’échapper à la vengeance d’un mari jaloux. Mais pour aller où, et pendant combien de temps ? Entre Mayten qui rêve de Buenos Aires et Parker agrippé à sa vie d’ermite, il y a l’amour et la fuite, mais ensuite, la séparation ou les concessions ?
« Patagonie route 203″ est un roman onirique et envoûtant, qui nous immerge dans un voyage erratique, absurde et improbable. Au coeur d’une région à la fois infinie et oppressante, balayée par un vent invraisemblable, on suit des personnages tourmentés mais peut-être pas aussi égarés qu’on pourrait le croire, on assiste à des rencontres improbables dans des villages aux noms tout aussi surréalistes, à des dialogues et situations absurdes et savoureux. Solitude et promiscuité, noirceur et humour, le mélange est lui aussi improbable, mais réussi. Un magnifique premier roman.
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