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Merci Monsieur Stéphane Hessel de nous transmettre votre sagesse ! J'ai maintenant une autre conception de la "chance" et du "bonheur". Bien plus généreuse pour moi et pour les autres !
Parler de la vieillesse et davantage encore en tout ce qu'elle implique dans l'avenir de nos proches, demeure bien souvent un sujet tabou.
"Qu'allons-nous faire de vous ?" est à lire absolument, car derrière cette trentaine de témoignages - souvent poignants, sincères, empreints de tendresse et de culpabilité - recueillis par Édouard et Marie de Hennezel, c'est la question des parents qui est envisagée, mais aussi, par projection dans le futur, la nôtre. Vous savez bien : cette génération bénie des dieux qui a connu le plein-emploi, le boum économique, les frasques amoureuses sans le spectre du sida et qui, farouchement individualiste, s'est payé de luxe de faire comme si elle n'allait jamais ni vieillir ni mourir, et voudrait tout à coup donner de la voix quand se profile l'intolérable miroir de la dépendance, face aux quadras qui la juge parfois avec une certaine sévérité, voire de la rancoeur. Injustes, les jeunes ? Pas si sûr...
Ce qui frappe dans les témoignages recueillis par Édouard et Marie de Hennezel face à la vieillesse et la dépendance, tient au constat que notre grand âge ne ressemblera pas à celui de nos parents. Non que les valeurs fondamentales s'en trouvent nécessairement changées, mais la génération montante connaîtra sans doute des années de vie active et professionnelle prolongées ; la précarité du travail peut-être, l'emploi à accepter où qu'il se trouve, même à des milliers de kilomètres ; des moyens financiers qui, compte tenu d'une longévité accrue, risquent de leur suffire pour eux-mêmes, à peine. Donc insuffisants pour nous entretenir. Et cela change tout.
"Aujourd'hui on meurt loin de chez soi, et généralement seul, à l'hôpital, ou sur un brancard dans les services d'urgences. Certainement de moins en moins chez soi, dans son univers familier, entouré des siens" nous confie Marie de Hennezel et pourtant, tout ce que nous disent la plupart des participants à ce livre formidable converge dans une volonté à envisager toutes les solutions, afin de permettre à leurs aînés une fin de vie paisible, même si dans ces intentions généreuses et sincères, ils en oublient souvent l'incontournable conflit de priorités : leur propre vie, leur conjoint, leurs enfants, leur vie professionnelle ou leurs loisirs à ménager avec bienveillance et réalisme.
Édouard de Hennezel résume très bien ce que les quadras attendent de leurs parents ou de leurs familles en général : "Faites du ménage dans vos vies. Vous vous allégerez et vous nous allégerez aussi. Ne baissez pas les bras. Vivez votre vieillissement le mieux possible, continuez à célébrer la vie. Ne nous faites pas porter les regrets, les rancunes ou les remords de votre passé. Prenez soin de vous, mais surtout prenez soin de la relation que vous avez avec nous. (...) Se faire léger, ce serait commencer par parler de ces questions taboues - l'avenir - pour qu'elles pèsent moins sur la pensée des enfants." Tout ce qui peut contribuer à une maturité heureuse.
Les plus belles pages traitent du bonheur de la vieillesse : "Au fond, nous avons besoin que vous soyez heureux de vieillir et nous savons que vous ne le serez que si vous vous tournez vers le coeur et l'esprit. Vieillir, c'est un travail difficile qu'il faut mener joyeusement. L'essentiel pour une bougie n'est pas l'endroit où elle est posée, c'est la lumière qu'elle irradie jusqu'au bout."
La santé fragilisée n'empêche ni le charme ni la gaieté, ni l'intérêt pour ce qui nous entoure. Certains vieillards font moins vieux que des gens de cinquante ans. On grandit en sagesse, on a du recul, on est de bon conseil : "Les personnes âgées et vulnérables peuvent donner et recevoir autre chose, et autrement. La vulnérabilité peut faire appel au meilleur chez l'autre, qui en est le témoin" ajoute Marie de Hennezel.
Il n'empêche que le souci de l'avenir de nos seniors - si nous ne sommes pas des monstres - peut légitimement nous déstabiliser et fondre sur nous à l'improviste, comme la foudre. Tous, dans notre voisinage, connaissons au moins un cas de personne âgée particulièrement difficile à gérer, quand le fil est rompu, comme c'est le cas avec une maladie de Alzheimer, par exemple. Saurons-nous, dans notre propre entourage, accueillir chez nous un parent dépendant ? Pourrons-nous franchir la barrière des soins intimes à prodiguer ? Accepterons-nous d'envisager d'autres solutions sans culpabiliser ni briser le lien ? Parviendrons-nous à jouer la carte de l'apaisement, sans fuir le réel ni connaître l'épuisement ?
Il n'est pas de réponse universelle à ces questions que chacun est amené - le plus tôt possible - à se poser, mais une certitude émane de tout ce qui est dit dans ce livre : la force de solidarité entre générations existe davantage qu'on l'imagine et finalement, comme concluent Édouard et Marie de Hennezel : "Quand il y a l'amour, il y a des solutions."
"Nous sommes indissolublement égoïstes et altruistes, soucieux comme jamais de notre bien-être individuel, et cependant convaincus qu'il y a parfois plus de joie à donner qu'à prendre, à partager qu'à accumuler." Luc Ferry
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