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> Ce qui le distingue d’un polar classique, c’est ce contexte politique, historique et géographique. L’intrigue a lieu de nos jours, dans un Berlin réunifié du moins sur le papier. Le regard d’anciens Allemands de l’Est renvoie à l’héroïne qui a grandi à l’Ouest et au lecteur les idées toutes faites que nous avons sur l’ex-RDA et Berlin-Est. Or la situation de chacun est fort complexe et il est nécessaire de la comprendre pour résoudre l’énigme. En outre, de nombreux comportements actuels découlent de faits prenant leur source dans l’Allemagne nazie et les relations inextricables nouées à l’époque. C’est donc à une plongée dans l’Histoire que nous invite ce roman mais il s’intéresse surtout aux angles peu connus, à ce dont on n’entend rarement parler, aux choix impossibles, aux zones grises.
Ajoutons que Berlin est un personnage à part entière ; l’auteur nous promène d’un bout à l’autre de la ville au point que l’on finirait presque par chercher un plan pour recenser tous les endroits visités.
> Les récits faisant référence au nazisme racontent souvent plus ou moins la même chose. Ici, les frontières sont floues ; il n’y pas de bons parfaits ni de méchants vraiment très méchants et le nazisme n’est qu’une donnée parmi d’autres. La complexité des personnages est d’ailleurs un autre point fort du livre, à l’exception de l’héroïne dont la psychologie révèle que l’auteur est un homme.
> Quelques notes en fin d’ouvrage éclairent des points historiques et elles sont complétées par d’autres figurant en bas de page ce qui est très utile et pratique. En effet, à moins d’être un spécialiste de l’Allemagne, il est difficile de comprendre certaines subtilités ou de savoir à quoi il est fait référence sans ces précisions. C’est aussi ce qui fait le charme de ce roman singulier.
Ce polar est un vrai page-turner. Prévoyez un week-end pour vous y plonger car plus rien n’a vraiment d’importance une fois le livre ouvert !
Récemment, je suis allé voir au cinéma Le labyrinthe du silence, un film qui raconte comment l'Allemagne post -guerre avait totalement enterré les années du conflit, à tel point qu'à la fin des années 50, les jeunes de l'époque ignoraient l'existence des camps de concentration. Il a fallu l'obstination de plusieurs personnes pour qu'enfin elle regarde l'histoire en face. C'est d'ailleurs un film, certes un peu académique, que je vous recommande.
Dans ce roman Christoph Ernst aborde beaucoup plus de points : la spoliation des biens juifs, l'enrichissement de certains Allemands qui répugnent à rendre des années plus tard ce qu'ils ont mal acquis ; l'aryanisation a enrichi quelques personnes facilement, sans scrupules. Dans les années 90, il est toujours difficile de parler de cette spoliation, de l'élimination des juifs, du nazisme. Une phrase du fil suscité me revient : un des juges demande à celui qui fait tout pour faire connaître l'existence des camps (je cite de mémoire, donc les termes exacts sont peut-être légèrement différents) : "Mais vous voudriez que chaque Allemand se demande si son père était un nazi ? Oui, lui répond le juge." Là réside sans doute la difficulté d'aborder ces questions, à chaque fois, il est légitime de se demander ce que faisaient les Allemands des générations précédentes.
Mais le livre, qui se déroule juste après la chute du Mur parle aussi de la difficile réunification des deux Allemagne, les haines, les rancœurs sont fortes et ont été entretenues des deux côtés. De la question d'Israël et de la Palestine pour laquelle l'auteur ne mâche pas ses mots. De celle qui peut se poser aux descendants des juifs persécutés qui ne s'expliquent pas le lien que leurs aïeux on avec l'Allemagne. Des juifs qui sont restés en Allemagne pendant toute la guerre et de leurs conditions de vie, des comportements qu'ils ont dû adopter pour survivre.
Un roman dense et parfois un peu long qui cependant vaut qu'on s'accroche pendant les premières pages, car il se bonifie au fil d'icelles. Ce n'est pas vraiment un polar -je dis ça pour ceux et celles que le terme rebute-, mais plutôt un roman avec un fil conducteur qui est la recherche des origines, de l'identité. Bien construit, avec des personnages qui évoluent, qui ne font pas forcément ce que l'on attend d'eux au départ. J'ai sûrement oublié pas mal de choses tant ce roman est dense et intéressant. Mais ça laisse aussi de la surprise pour les futurs lecteurs qui seront passés avant sur le blog.
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