Découvrez les chroniques de Bénédicte et Florence pour "I love Dick" de Chris Kraus (Flammarion)
Découvrez les chroniques de Bénédicte et Florence pour "I love Dick" de Chris Kraus (Flammarion)
Jonas Rosen est un tout jeune homme, étudiant en cinéma, quand il débarque à New-York en 1996. Il vient de Berlin où il a laissé sa petite amie, Mah, et doit préparer la venue d’un groupe d’étudiants sensé tourner un film sous la direction de leur professeur. Dès son arrivée, les choses s’annoncent un peu plus compliquées que prévu. Il doit d’abord compter sur un hôte un rien déjanté dont les capacités ménagères sont inexistantes. Et Jonas va bientôt croiser la route de Nele, stagiaire de l’institut Goethe, qui doit l’aider dans sa tâche et dont la personnalité hors cadre va le fasciner. Et c’est sans compter la présence dans la ville de “tante Paula”, une vieille dame juive que le grand-père de Jonas, le Sturmbannführer Rosen, a sauvé pendant la guerre. Mais pour Jonas, hors de question de se pencher sur ce passé même si tout l’y ramène irrésistiblement.
Chris Kraus poursuit ici son travail exploratoire sur le passé de l’Allemagne et sur l’héritage que doivent endosser les jeunes générations, descendants de nazis, et sur la manière dont elles peuvent gérer ce leg encombrant.
Ce qui est remarquable, c’est que l’auteur, même s’il revient sur des thèmes qu’il a abordés dans La Fabrique des salauds, écrit un livre totalement différent. Le style ici, peut se comparer à celui d’auteurs américains tels que Richard Ford ou Richard Russo voire à l’univers de Woody Allen, dans le côté parfois légèrement absurde et décalé des événements. L’histoire aussi qui met en scène un jeune homme déchiré par l’histoire familiale mais aussi entre deux femmes que tout oppose, la très jalouse Mah et l’évaporée Nele, une femme d’hiver contre une femme d’été.
Chris Kraus nous livre l’histoire sous la forme d’un journal tenu par Jonas sur la période où il est à New-York, retraçant jour par jour ce qui lui arrive, les rencontres qu’il fait, les évènements qu’il traverse. C’est subtilement drôle, grave sans être pesant, incroyablement intelligent, totalement addictif.
C’est ce genre de livre qu’on peine à lâcher avant la phrase finale mais qu’on regrette de fermer définitivement. Une vraie réussite !
Déjanté peut-être mais surtout d’un profond pessimisme.
Ne voulant pas être trop négative, j’ai attendu quelques jours avant de poser un avis. Rien n’y a fait, je suspecte toujours encore Chris Kraus d’avoir, sous couvert de personnages déjantés, voulu me convaincre que sa famille était à l’origine de ses névroses, ou tout de moins de ses souffrances psychiques. Il a certes pu profiter de cette noirceur pour faire quelques films que Volker Schlöndorff aurait jaugés de près, ce cinéaste-écrivain ne m’a pas davantage convaincu dans ce roman que précédemment dans « La Fabrique des salauds ».
Je me suis une nouvelle fois demandée ce qui coinçait chez moi pour ne pas percevoir la patte artistique de Kraus. Tout ce que je sais c’est qu’à un moment de ma lecture, je me suis dit « non, ce négativisme emballé dans un gant de surréalisme ne sera pas contagieux ». En le mettant ainsi à distance, j’ai réussi à juste en extraire une vague histoire familiale, se passant dans une couche sociale certes très aisée, mais souffrant bien plus que les apparences ne le laissaient transparaitre.
L’histoire est simple. Jesko retourne dans la propriété familiale à Mannheim, quittée vingt ans plus tôt. Il va y retrouver son frère Ansgar qui lui a demandé de venir, son père Gebhard Hyronimus von Solm, mais aussi et surtout sa mère Käthe.
Lui-même est malade et en attente d’une greffe de moelle osseuse qui serait la seule à le sauver d’une mort annoncée et à pouvoir le sortir d’une vie peuplée de médocs et de seringues. Sa passion pour Sénéque est la seule chose qui m’ait interpelée.
Son frère est tout l’opposé mais ils ne sont pas en guerre franche.
Son père a fui Riga et l’armée russe avant de faire fortune. Il n’a maintenant qu’une obsession, trouver un donneur compatible pour son fils. Grâce à une équipe de détectives privés, il finit par mettre la main sur cette mère alcoolique, psychotique, vivant en SDF et possédant possiblement des tissus compatibles à ceux de son fils.
Une course contre la montre commence à l’arrivée de Jesko et de Käthe au Palace familial. C’est tout ce que je dirais afin de ne rien dévoiler des faits qui suivront.
Citation de Kraus :
« Le blanc est la couleur des victimes. Victimes de l’amour. Victimes de la vie. Victimes des bonnes manières. Les nappes sont blanches et les agneaux immolés, et les linceuls transpercés d’épines. La couleur blanche se prête parfaitement à la capitulation ».
Citation de Sénéque qui comparativement, m’est apparu en auteur plus positif que Kraus :
« Le plus grand obstacle à la vie, c’est l’attente qui dépend du lendemain. Tu perds le jour présent….vis pour le présent ».
Trentenaire, Jesko est un styliste excentrique, auquel le succès ne sourit que fort peu.
Très tôt, il a quitté son environnement familial pour Berlin, pour y vivre sa vie sans trop se préoccuper des convenances et contraintes sociales.
Désormais atteint de leucémie et dépendant d’un don de moelle osseuse, il n’a pas pour autant l’intention de changer de mode de vie. Jusqu’à ce que son père intervienne et le convoque dans la luxueuse villa familiale. Il lui annonce avoir retrouvé sa mère, aux abonnés absents depuis 20 ans, et qui pourrait bien être la seule à être une donneuse compatible.
Tout est bien qui finit bien ? Loin de là, ce serait plutôt que tout commence à peine, et plutôt mal : la mère de Jesko est une épave, alcoolique au cerveau dérangé, et Jesko n’est pas certain de vouloir lui être redevable ad vitam, vu ce qu’elle leur a fait subir, à lui et à son frère, pendant leur enfance.
Ces retrouvailles entre Jesko et sa mère sont l’occasion pour le lecteur de faire connaissance avec les autres membres de cette famille riche et bourgeoise qui tient par-dessus tout à sauvegarder son apparence lisse et parfaite, mais qui peine à cacher sous le vernis ses secrets plus ou moins honteux.
« Danser sur des débris » est un roman tragico-baroque dont l’amertume est quelque peu adoucie par l’ironie et l’autodérision de Jesko, qui fait preuve de la même sérénité et du même détachement que Sénèque, son maître à penser. Du moins jusqu’à ce qu’il balance rageusement un de ses livres dans un lac en l’accusant d’hypocrisie et d’inconséquence.
Un roman sur l’héritage, la transmission, sur les secrets de famille qui pèsent sur les générations suivantes, sur les faux-semblants, sur l’honnêteté envers les autres et surtout envers soi-même. Une tragi-comédie humaine brève et plutôt captivante.
En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley. #ChrisKraus #NetGalleyFrance
Jonas est étudiant en cinéma. Il doit rendre sa copie, autrement dit un court-métrage. S’il a une idée vague du sujet qu’il pourrait traiter, ce qui est clair c’est qu’il ne tournera pas « un film à la con sur les nazis ! ».
Le lieu de tournage du futur court-métrage est New-York, et ce sont les confidences de trois carnets noircis lors de ce séjour déconcertant qui permettent au lecteur de fréquenter pour un temps les lieux branchés de la ville qui ne dort jamais, de s’immiscer au coeur ses souvenirs d’une tante sauvée par un officier nazi malgré ses origines juives et d’assister aux tergiversations amoureuses du jeune homme.
La galerie de personnages est haute en couleur, de l’hôte obèse atteint du syndrome de Diogène qui l’hébergera pour un temps, au fantasque équivalent d’un directeur de thèse. Sa fiancée restée à Berlin n’a pas un profil banal et notre narrateur lui-même fragilisé par un traumatisme crânien, a du mal à trouver ses repères cours de ce voyage qui fait voler en éclat ses certitudes passées.
Les situations cocasses et le regard à la fois tendre et sévère sur les personnages donnent un ton léger qui n’empêche pas de traiter avec sérieux le sujet en toile de fond, à savoir le rôle des SS dans les pays baltes au cours de la deuxième guerre mondiale.
Quel sera le sujet du court métrage réalisé à New-York, l’érotisme des oreilles ou un « film à la con sur les nazis » ? Les lecteurs le découvriront au terme du récit.
Lu avec plaisir et je remercie les éditions 10/18 et Netgalley.
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