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Je viens de dévorer le deuxième roman de Bertrand Boileau et j’ai eu l’impression qu’on m’avait servi un délicieux plat sucré-salé agrémenté d’une sauce aigre douce. Excellent !
Louis Nicolas et Zelda, plus amoureux que jamais, préparent leurs vacances qu’ils veulent reposantes, calmes et made in terroir du sud-ouest :
« Zelda y était déjà, elle jouait à la fermière, cueillant les tomates avec une échelle, trayant le bouc… »
Mais à peine touchent-ils du doigt l’ambiance bucolique que déjà elle disparaît : Gastounet, le petit veau est retrouvé mutilé, la chambre d’hôte n’a rien à voir avec l’annonce sur le site, le cimetière de Roufignac-de-Sigoulès est profané, le village abrite une étrange communauté,….
Louis Nicolas comprend alors que « les emmerdes » commencent…
Dans ce livre-là, l’auteur alterne en permanence entre le plaisir et la dure réalité. Leur vie n’a rien d’un long fleuve tranquille et pourtant le couple de tourtereaux réussit à repeindre chaque situation avec amour, humour, philosophie et détachement.
Leur spécialité : se retrouver mêlés à des situations ubuesques, ridicules, qu’ils vont tourner en dérision avec brio.
L’ambiance est mystérieuse et enveloppante malgré l’intrigue.
Je soupçonne Boileau de s’amuser énormément en écrivant et la contagion opère.
Ses personnages sont drôles voire fous dingues, un brin démodés parfois (ou vintage !), complexes et parfaitement adaptés à sa plume fluide et osée, poétique ou crue, tour à tour provocatrice, enfantine ou charmeuse.
Louis Nicolas et Zelda entretiennent une relation tendre, gaie, loin des prises de tête des couples « classiques ». Ils ont mis en place, sûrement inconsciemment, une sorte de système pour évacuer les galères, les meurtres, les peurs : plein de mots tendres, un partage de tout, les bons repas, le sport, les blagues, et même une séance quotidienne d’étude des figures de style de la langue française !
Voilà deux créatifs fascinés autant par les oxymores et les hyperboles que par les histoires de sacrifices angoissants, d’artefacts, ou de nécropoles…
Chaque personnage, chaque lieu, chaque animal ou chaque situation en prend pour son grade, un peu comme on osait le faire dans les années 80.
–Les gendarmes : « Sympathiques, toujours plus assistantes sociales que criminologistes ».
– Le groupe des trois jeunes : « Ils étaient trois vilains, pas comme ces méchants petits conards qui avec la puberté deviennent des cygnes. » ou « De vrais petits mâles humains au pire moment de leur agitation hormonale. »
–La région : « Tous les guides sérieux étaient formels : Le Lot-et-Garonne est en ceci un endroit remarquable qu’il n’y a rien de remarquable. »
–La fermière : « Elle était comme beaucoup de ces femmes agricultrices du Sud-Ouest, en forme de pot à tabac, les doigts cornés et noirs de cicatrices mal lavées… »
–Paroles du médecin : « Quand je me suis installé ici, au début, ils sont tous venus : le Rotary, les francs-maçons, le Lions Clubs, les politiques…Ils voulaient tous m’embrigader. Vous savez, je leur ai répondu, je n’ai pas besoin d’excuses pour tromper ma femme et je les ai envoyés se faire foutre. »
– « Dis donc, demanda Zelda, tu ne trouves pas qu’il ressemble à Alain Chamfort ?
Tu as raison, une bonne tête de chien, des yeux un peu tristes et des lèvres minces ».
Un vrai moment de régal pour qui aime l’humour osé et décomplexé, sans filtre, à la Desproges ou à la Coluche ! Car c’est sûr, ce n’est pas la lecture de « Oui-Oui « !!!
(voir ma chronique sur « le mystère du magot » du même auteur)
Quels sont vos loisirs lorsque vous avez du temps libre ?
Et bien Louis Nicolas, le personnage principal de Bertrand Boileau dans le premier de ses romans, se rend au cimetière sur la tombe de Jim Morrison. Jusque-là rien d’anormal.
Mais quand une voix de femme (appelant à l’aide) sort d’un mausolée, c’est déjà plus étrange !
Et quand il réitère sa visite le lendemain soir, qu’il est appelé une nouvelle fois à l’aide, et que la charmante créature de la veille l’entraîne dans les souterrains à travers les galeries humides avant de lui révéler une histoire rocambolesque et terrible sur l’abominable docteur Petiot – assassin de ses patients durant la deuxième guerre mondiale– et dont elle recherche activement les traces du trésor (somme de tout ce qu’il a volé à ses victimes), là…vous avouerez que ce cher Louis Nicolas aurait des raisons de s’interroger ! Voire de s’inquiéter ! Et bien non… Il se contente de tomber sous le charme de la belle Zelda.
Et après ? Ce n’est pas à moi de vous le raconter, mais à vous de dévorer les lignes, aux côtés de ces êtres déjantés, amoureux et avides de situations improbables.
Attention, n’emmenez pas de chien. Il y a déjà Aldo, l’incroyable bulldog anglais. « Massif, court sur pattes, il avançait en dodelinant des fesses ». Mieux vaudrait tout de même ne pas le rendre jaloux, il est quand même de la race des combattants de taureaux !
Si je vous avoue que je lisais du Boileau pour la première fois, et que depuis j’enchaîne ses livres, vous me demanderez forcément de justifier mon acte !
–Pour la plume incisive, que l’on sent rapide et intelligente, parfois crue, parfois sensuelle. « Les chaises de la cuisine étaient bien inconfortables, ils montèrent dans la chambre de jeune fille aux draps froissés ».
–Pour l’humour décalé, un peu absurde, hors des clous et …j’adore ça !
–Pour le culot, le politiquement incorrect très années 80. « Un lieu à tourner un film de putes grasses et sales avec des points noirs entre les seins »
–Pour l’ambiance improbable, irréelle parfois, et les lieux mystérieux…
–Pour le côté presque enfantin qui tranche avec un côté sombre et parfois peu empathique. « Et il les emmena à l’une de ces délicieuses terrasses parisiennes où l’on mange sur 30cm2 de nappe en papier entre voitures et pigeons »
–Pour toutes les comparaisons chien-homme (ou homme-chien ?) qui ramènent de l’humanité là où certains personnages l’avaient fait disparaître sous la cupidité ou la cruauté. « Roseofsharon dormait là, enroulé dans la couverture, ainsi que l’aurait fait un chien. Aldo ne le reconnut ni comme un humain, ni comme un des siens, et lui manifesta une indifférence polie, sans plus. »
–Pour la leçon sur ce Dr Petiot, un vrai psychopathe, pervers, vicieux. Un serial killer, quoi !
–Pour les clins d’yeux à la Bible, au Talmud.
LOUIS NICOLAS est un être aérien, très zen face au(x) meurtre(s), qui n’a rien de l’homme-hamster, celui qui cogite non-stop, s’inquiète et met son mental en danger. Quand il réfléchit, c’est en professionnel de l’intrigue, en passionné, en amoureux de l’aventure.
ZELDA cache au fond d’elle des trésors de savoir, ce qui va très vite attirer « Mon Louis », comme elle l’appelle.
Son père ne tarit pas d’éloges à son sujet : « C’est pour cela que ma fille se prénomme Zelda. Pour que continue cette lignée de femmes élégantes et responsables, autonomes et féminines.»
Et puis elle a « une aisance à prendre les choses en main qui convenait bien au caractère irrésolu de Louis Nicolas.
Vivrez-vous ce roman comme un rêve ? Une réalité ? Pour ma part j’y ai vu la réalité soudain bouleversée par des situations ou personnages irréels, sans pourtant être troublée outre mesure. L’auteur flirterait-il avec le réalisme magique ? Ou est-il simplement tombé petit dans la marmite de l'humour absurde ?
J’ai reçu ce livre en cadeau et je suis sortie de ma zone de confort pour mon plus grand plaisir !
PS : Louis Nicolas et Zelda continuent leurs tribulations dans les romans suivants…..
Un recueil de nouvelles c'est toujours inégal
Mais là les deux auteurs savent alterner tendresse, humour, drame, passion et récit
A lire tranquille le soir
Je recommande
Selby, Hunter Thompson, Reiser, Desproges, Coluche, AC DC, Brassens... Bertrand Boileau les connait.
C'est drôle, méchant, irrespectueux.
Une citation :
Si John Wayne avait mangé du saucisson, on n'en serait pas là avec l'Islam
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